[Jurisprudence] Clauses de mobilité : la Cour de cassation se mobilise !

par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Par cinq arrêts rendus le 14 octobre 2008, dont trois publiés au bulletin et quatre de cassation, la Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle fortement les employeurs et les juges du fond à l'ordre s'agissant de la validité et des conditions de mise en oeuvre des clauses de mobilité. Quelques mois après la conclusion de l'ANI de modernisation du marché du travail (1), qui avait manifesté le vif intérêt des partenaires sociaux pour une gestion concertée et intelligente de la mobilité géographique, la Cour de cassation souhaite strictement encadrer ces clauses qui peuvent, parfois, gravement déstabiliser l'équilibre personnel et familial des salariés. La Cour entend, ainsi, rappeler la prohibition des clauses de mobilité indéterminées (I) et vérifier que la mise en oeuvre des clauses licites préserve effectivement les droits et les intérêts des salariés (II).


Résumés

Pourvoi n° 07-43.071 : la cour d'appel, qui a relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve apportés par la salariée, que l'employeur avait muté une salariée, mère de quatre jeunes enfants, à son retour de congé parental, en ne lui proposant le poste litigieux que trois semaines avant son retour dans l'entreprise, alors que ce poste était libre depuis janvier, ce qui l'avait mise dans l'impossibilité de tenir le délai ainsi fixé, a pu en déduire que l'employeur avait mis en oeuvre abusivement la clause de mobilité.

Pourvoi n° 07-40.092 : lorsqu'elle s'accompagne d'un passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour ou d'un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en oeuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire, que le salarié accepte cette mise en oeuvre.

Pourvoi n° 07-41.454 : lorsqu'elle s'accompagne d'une modification de tout ou partie de la rémunération du salarié (part variable), la mise en oeuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle contraire, que le salarié l'accepte.

Pourvoi n° 07-40.523 : la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne doit, en principe, pas porter atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale ; l'atteinte constatée doit être justifiée par la tâche à accomplir et être proportionnée au but recherché.

Pourvoi n° 06-46.400 : une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur d'en étendre unilatéralement la portée.

Commentaire

I La nullité des clauses de mobilité indéterminées

Le principe selon lequel "le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun" figure dans le Code du travail depuis ses origines (2) et se trouve, aujourd'hui, placé dans l'article L. 1221-1 du Code nouveau (N° Lexbase : L0767H9B), au sein d'un chapitre consacré à la formation du contrat de travail (3). L'invocation du droit commun au stade de la formation permet au juge de faire application des conditions générales de validité des actes juridiques, singulièrement de l'article 1129 du Code civil (N° Lexbase : L1229AB7), aux termes duquel "il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée".

Cette exigence a été, à de nombreuses reprises, appliquée aux clauses du contrat de travail pour annuler celles dont la portée serait par trop floue, notamment, aux clauses de mobilité ne définissant pas le territoire au sein duquel s'exercerait la mobilité géographique du salarié de manière suffisamment précise (4). La même solution a été appliquée à des contrats-type, prérédigés, dès lors que les parties n'ont pas coché les cases désignant le secteur géographique contractuel (5).

Selon une formule devenue, désormais, de style, "une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur d'en étendre unilatéralement la portée" (6), qu'il s'agisse, d'ailleurs, de clauses contractuelles ou de clauses conventionnelles (7).

Une fois défini, le secteur "contractuel" ne peut plus être modifié unilatéralement par l'employeur, car il s'agirait, alors, d'une modification du contrat de travail ne pouvant intervenir qu'en accord avec le salarié, et il doit être interprété à la lettre, ce qui interdit de rendre le salarié mobile dans des établissements qui n'existaient pas lors de la signature de la clause (8).

C'est cette solution qui se trouve confirmée dans l'un des arrêts rendus le 14 octobre 2008 (pourvoi n° 06-46.400).

Dans cette affaire, une salariée avait été recrutée par l'Union des amis et compagnons d'Emmaüs (UACE) en qualité d'adjointe fédérale et affectée à l'association de Bourges. Son contrat de travail comportait une clause stipulant qu'elle devait être disponible pour être affectée sur toute la zone d'activité de l'union, soit sur l'ensemble du territoire, chaque fois qu'une association était implantée.

La cour d'appel avait considéré cette clause comme étant suffisamment claire, ce qui n'est pas l'avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui casse l'arrêt après avoir relevé que "l'employeur s'était réservé unilatéralement la possibilité d'étendre des lieux d'affection de la salariée".

Cette affirmation est particulièrement intéressante car elle condamne des clauses, en pratique très répandues, qui fixent la zone de mobilité de manière volontairement large (généralement sur tout le territoire national) et permettent, ensuite, à l'employeur d'affecter le salarié dans l'un quelconque des établissements de l'entreprise, présents ou futurs. Or, ce type de clause se trouve proscrit, car le pouvoir conféré par la clause à l'employeur de fixer unilatéralement le lieu d'exécution du contrat de travail équivaut, en réalité, à priver la clause de toute précision, compte tenu de l'ampleur de la zone. Sont donc nulles les clauses se contentant d'indiquer que la mobilité s'exercera sur l'ensemble du territoire national, ainsi que celles précisant qu'elle s'exercera dans tous les établissements existants, ainsi que dans tous ceux qui pourraient être créés dans l'avenir.

Sur le plan des principes, nous ne pouvons qu'approuver cette solution.

Le salarié s'engage, en effet, en considération d'un "risque de mobilité" prévisible au jour de la conclusion du contrat de travail. Le contraindre à accepter une mobilité dans des établissements dont il ne pouvait connaître l'existence à ce moment équivaut, en réalité, à signer un chèque en blanc à son employeur et à le mettre à la merci de mutations susceptibles de le placer dans une situation personnelle et/ou familiale critique.

Sur le plan pratique, la solution, très favorable aux salariés, enlève, bien entendu, aux entreprises une technique souple permettant de disposer d'une main-d'oeuvre extrêmement mobile géographiquement. Dans la mesure où il apparaît, désormais, très clair que la mobilité ne peut plus s'exercer que dans des secteurs étroitement définis et existants au moment de la conclusion du contrat de travail ou de la clause de mobilité, seule une négociation avec le salarié sera susceptible de permettre une mutation future au-delà des prévisions initiales des parties. L'employeur devra, alors, soit convenir d'une révision périodique de la clause, au fur et à mesure qu'évoluera la structure de l'entreprise, soit négocier au moment de la mutation avec le salarié pour qu'il accepte une mobilité non comprise dans le champ de la clause. Cette dernière devra, alors, être accompagnée de garanties et d'avantages accompagnant la mobilité, comme cela a, d'ailleurs, été prévu dans l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (9).

II - La mise en oeuvre de la clause de mobilité et la protection des droits fondamentaux des salariés

A - Clause de mobilité et modification du contrat de travail

La clause de mobilité confère à l'employeur le droit, dans le cadre de son pouvoir de direction, de modifier le lieu d'exécution du contrat de travail, dans les strictes limites définies dans la clause. Ce droit ne doit, toutefois, pas s'étendre à d'autres éléments essentiels du contrat de travail. Dès lors, le salarié muté doit conserver les mêmes fonctions, à tout le moins des fonctions comparables, compte tenu de sa qualification, la même organisation du travail (10) et une rémunération identique tant dans son montant (11) que dans sa composition (12). La jurisprudence se montre extrêmement vigilante et permet au salarié de refuser valablement toute mutation qui se traduirait par une modification directe de la rémunération (13), mais, également, toutes celles qui pourraient se traduire par une réduction de la rémunération, compte tenu, notamment, de la modification de l'assiette de calcul de la part variable de la rémunération (14).

Ce sont ces solutions qui se trouvent doublement confirmées par deux arrêts rendus le 14 octobre 2008.

Dans la première affaire (pourvoi n° 07-40.092), un salarié avait été recruté en qualité d'agent de sécurité, son contrat stipulant qu'il pouvait être affecté sur l'un quelconque des chantiers de la région parisienne et acceptait, par avance, ses changements d'affectation, ainsi que les modifications d'horaires, de prime de poste et de durée de trajet pouvant résulter d'une nouvelle affectation. Il avait été licencié pour avoir refusé une nouvelle affectation qui modifiait son horaire de nuit en horaire de jour. Il avait été débouté de ses demandes par la cour d'appel qui avait considéré que la mobilité était parfaitement conforme aux prévisions des parties. Or, tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation qui casse cette décision, après avoir relevé "qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'elle s'accompagne d'un passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour ou d'un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en oeuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire, que le salarié accepte cette mise en oeuvre, la cour d'appel a violé" les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

Cette solution est doublement justifiée.

En premier lieu, la stipulation ne constituait pas simplement une clause de mobilité, mais bien une clause de variation du contrat de travail conférant à l'employeur le pouvoir d'en modifier discrétionnairement le contenu. Or, on sait que ces clauses sont nulles car elles portent atteinte au droit d'ordre public du salarié de refuser les modifications de son contrat de travail (15).

En second lieu, il a été admis de longue date que le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour constituait bien une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser, nonobstant toute clause contraire du contrat de travail. La solution, dégagée par la jurisprudence (16), a, d'ailleurs, été partiellement confirmée par la loi sur l'égalité professionnelle de 2001 qui a modifié le régime du travail de nuit et permis au salarié de refuser tout travail de nuit, lorsqu'il avait été embauché pour travailler le jour et ce, même en présence d'une clause du contrat le prévoyant, "lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante" (17).

Dans la seconde affaire (pourvoi n° 07-41.454), un salarié avait été engagé par le groupe Beryl-Bonus et contractuellement soumis à une clause de mobilité, aux termes de laquelle l'employeur se réservait la possibilité, compte tenu des exigences commerciales, de le déplacer dans toute autre succursale relevant du groupe Beryl-Bonus ; il avait été licencié pour faute grave après avoir refusé une mutation, car il considérait que celle-ci allait nécessairement se traduire par une baisse de sa rémunération.

La cour d'appel avait considéré le licenciement comme justifié, après avoir, notamment, relevé que la convention collective applicable dans l'entreprise stipulait que "la mutation ne pouvant entraîner une réduction de la situation pécuniaire de l'intéressé, exception faite des primes liées à la situation particulière de l'établissement".

Cet arrêt est cassé, la Chambre sociale de la Cour de cassation reprochant aux juges d'appel de n'avoir pas recherché "si les propositions de mutation qui avaient été faites au salarié n'avaient pas pour effet une diminution de la partie variable de sa rémunération contractuelle".

Cette solution est parfaitement conforme à la jurisprudence constante qui protège tant le montant que la structure de la rémunération et interdit à l'employeur de se ménager une clause de variation discrétionnaire de la rémunération dans le contrat de travail.

B - La mise en oeuvre de la clause de mobilité et le respect du droit du salarié à sa vie personnelle et familiale

La Cour de cassation a posé comme règle, en 2005, que "la bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise" et "qu'il incombe au salarié de démontrer que cette décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle" (18). Le salarié qui prétend s'opposer à la mise en oeuvre d'une clause dont la validité n'est pas contestée dispose donc de deux types d'arguments : le premier, de nature objective, consiste à discuter la mise en oeuvre de la clause au regard de l'intérêt de l'entreprise, le second, plus subjectif, lui permet de démontrer l'abus de droit et prouve soit l'intention malveillante de l'employeur, hypothèse en pratique assez peu fréquente, soit la légèreté blâmable dont il fait preuve en mutant le salarié.

Ce dernier argument recouvre toutes sortes d'hypothèses. L'employeur peut avoir, ainsi, souhaité pousser le salarié à la démission, en lui imposant une mutation injustifiée, pour faire, ainsi, l'économie d'un licenciement (19). Le salarié peut, également, refuser la mutation en faisant état de sa situation personnelle (20) ou familiale et des conséquences "critiques" de la mutation (21), conséquences que l'employeur a négligées et ce, alors que d'autres possibilités de mutation s'offraient utilement à lui. A, ainsi, été considérée comme abusive la mutation d'un salarié dont la femme était enceinte de sept mois et qui ne pouvait demeurer seule (22), d'une salariée qui élevait seule un enfant souffrant d'un lourd handicap moteur et dont elle devait impérativement s'occuper à l'heure du déjeuner (23), d'une jeune mère de famille devait s'occuper d'un enfant en bas âge (24) ou d'une mutation entraînant "un important bouleversement dans la vie personnelle et familiale de la salariée" et ce, dans la mesure où "ses attributions n'exigeaient nullement sa présence permanente" dans l'agence au sein de laquelle elle avait été mutée (25).

C'est cette jurisprudence qu'illustre un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 14 octobre 2008 (pourvoi n° 07-43.071).

Dans cette affaire, le contrat de travail d'une salariée cadre stipulait qu'elle pourrait être affectée dans les principales villes de France où l'employeur possède des établissements, la liste des centres d'activité les plus importants étant jointe ; l'intéressée avait été licenciée après avoir refusé une nouvelle mutation prononcée après son retour de congé maternité.

La cour d'appel avait considéré la mutation comme abusive et le refus opposé par la salariée comme fondé, compte tenu de sa situation familiale ; celle-ci était, en effet, mère de quatre jeunes enfants et le poste ne lui avait été proposé que trois semaines avant son retour dans l'entreprise, alors qu'il était libre depuis janvier, ce qui l'avait mise dans l'impossibilité de tenir le délai ainsi fixé. Selon la Haute juridiction, ces éléments, tenant tant à la situation familiale de l'intéressée qu'aux conditions dans lesquelles la mutation avait été prononcée, suffisaient à justifier le refus.

Dans toutes les affaires réglées par application de la théorie de l'abus de droit, les données tenant à la situation personnelle du salarié sont, souvent, prises en compte pour justifier le refus et caractériser l'abus commis par l'employeur. Mais la Cour de cassation ne se contente pas d'assurer, ainsi, indirectement le respect du droit à la vie personnelle et familiale, comme le montre l'un des arrêts rendus le 14 octobre 2008 (pourvoi n° 07-40.523).

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de consultante, à temps complet, puis à temps partiel, dans le cadre d'un congé parental. Son contrat prévoyait que le poste était fixé à Marseille avec possibilité de déplacements en France et à l'étranger et qu'il pourrait être demandé à la salariée d'effectuer des missions justifiant l'établissement temporaire de sa résidence sur place. A la suite du refus de la salariée d'accepter une mission en région parisienne pour une durée de trois mois, l'employeur l'a licenciée.

La cour d'appel avait donné raison à l'employeur après avoir relevé que le déplacement prévu était limité à trois mois à Paris dans une ville située à quelques heures de train ou d'avion de Marseille.

Or, cet arrêt est cassé, au double visa de l'article L. 1121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil, la Cour de cassation reprochant aux juges d'appel de n'avoir pas cherché si, comme le soutenait la salariée, "la mise en oeuvre de la clause contractuelle ne portait pas une atteinte au droit de la salariée à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché".

Cette décision est particulièrement intéressante.

L'article L. 1121-1 du Code du travail dispose, en effet, que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché". La généralité de la formule la destine à gouverner tant la validité des clauses du contrat de travail que la décision prise par l'employeur de les mettre en oeuvre.

L'application de ce texte impose de procéder en deux temps : il convient, tout d'abord, d'identifier le droit ou la liberté mise en cause par l'acte ou la décision prise par l'employeur, puis de s'interroger si cette atteinte est nécessaire et proportionnée.

L'examen de la jurisprudence de ces dernières années montre que le droit au respect de la vie privée, consacré par l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), constitue l'une de ces prérogatives fondamentales dont le respect est visé par l'article L. 1121-1 du Code du travail. La Cour de cassation vise, également, l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), dont le domaine est plus large puisqu'il couvre la vie privée "et familiale", ainsi que le respect "de son domicile et de sa correspondance". On ne sera donc pas surpris que, dans cette affaire, la Haute juridiction fasse référence aux atteintes portées au droit à une "vie personnelle et familiale", pour contraindre les juges du fond à vérifier la nécessité et la proportionnalité des atteintes qui y sont portées par la mobilité imposée à la salariée. On sait, en effet, que la Cour de cassation préfère généralement se référer à la notion de "vie personnelle" du salarié plutôt qu'à celle de "vie privée", visée par l'article 8 de la CESDH et l'article 9 du Code civil, lorsqu'il s'agit d'assurer le respect de la séparation des sphères professionnelles et personnelles, la référence à la vie privée demeurant pertinente pour protéger le salarié des atteintes réalisées par l'employeur sur son lieu de travail.

On pourra, toutefois, regretter l'absence de toute référence dans le visa à l'article 8 de la CESDH, aux côtés des articles issus du Code du travail et du Code civil, car la référence à ce principe aurait été de nature à conférer plus de solennité, encore, à la décision qui consacre, pour la première fois, le droit à la vie personnelle et familiale.

On notera, enfin, que la cassation a été prononcée pour manque de base légale, et non pour violation de la loi. La cour d'appel de renvoi pourra donc considérer que le licenciement de la salariée était justifiée, à condition, toutefois, de motiver sa décision au regard des exigences posées par l'article L. 1121-1 du Code du travail, ce que n'avait pas fait la première juridiction.


(1) Voir notre numéro spécial consacré à l'Accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale.
(2) Article 19 du premier Code du travail de 1910 et L. 121-1 du Code de 1973 (N° Lexbase : L4902DCK).
(3) Le repositionnement du texte dans un chapitre consacré à la seule formation du contrat de travail, alors qu'il se trouvait précédemment dans un chapitre consacré à des dispositions générales, est sans incidence sur l'application des règles du Code civil au stade de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail, dans la mesure où les règles du Code civil, soumises au principe de la territorialité dernièrement rappelé par la Cour de cassation (Cass. soc., 23 septembre 2008, n° 07-42.862, F-P N° Lexbase : A5032EAM et les obs. de S. Tournaux, Conditions du plan de sauvegarde de l'emploi : le calcul de l'effectif dans une entreprise transnationale, Lexbase Hebdo n° 322 du 15 octobre 2008 - édition sociale N° Lexbase : N4743BH7), s'appliquent naturellement au contrat de travail.
(4) Cass. soc., 19 mai 2004, n° 02-43.252, Société Loca Bourgeois c/ M. Laurent Bauwens, F-D (N° Lexbase : A2013DCK) : "la cour d 'appel [...] a relevé [...] l'absence de limite dans laquelle la mutation du salarié pouvait intervenir".
(5) Cass. soc., 13 décembre 2000, n° 99-40.916, Mme Paulette Bussière c/ M. Michel Bussière (N° Lexbase : A9719AT7).
(6) Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45.846, M. Emmanuel Graas, FS-P+B (N° Lexbase : A9457DPX) et les obs. de G. Auzero, La clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application, Lexbase Hebdo n° 221 du 28 juin 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0070AL8) ; Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-45.396, Mme Françoise Piazzoli, F-P+B (N° Lexbase : A4407DQB) et les obs. de S. Tournaux, La précision de la zone géographique de la clause de mobilité : principe et sanction, Lexbase Hebdo n° 227 du 14 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2633AL4) ; Cass. soc., 17 juillet 2007, n° 05-45.892, Société Spirella France, F-D (N° Lexbase : A4582DXY) et les obs. de G. Auzero, Bref retour sur les conditions de validité des clauses de mobilité géographique, Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1835BCX).
(7) Cass. soc., 24 janvier 2008, n° 06-45.088, Société Jacobs France, F-P+B (N° Lexbase : A1023D4N) et nos obs., La clause de mobilité de la convention Syntec déclarée hors la loi par la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 291 du 6 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8785BDQ).
(8) Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-41.078, Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime c/ Mme Maïté Ugarte (N° Lexbase : A9042AGY) : "c'est par une interprétation de la clause de mobilité litigieuse que la cour d'appel a estimé qu'elle ne s'appliquait qu'aux établissements existants au moment de la signature du contrat de travail".
(9) Article 8. Sur ce texte, voir les obs. de S. Martin-Cuenot, Commentaire des articles 2, 3, 7, 8 et 14 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : détermination des moyens de création et de pérennisation de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 289 du 23 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8301BDS).
(10) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, Société SCC, venant aux droits de la société anonyme Allium c/ Mme Christine Couanau, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7230DPH) et nos obs., L'organisation contractuelle du travail ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, Lexbase Hebdo n° 219 du 15 juin 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N9530AK8) : "lorsque les parties sont convenues d'une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l'employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l'accord du salarié ; [...] le fait pour l'employeur de lui imposer de travailler, désormais, tous les jours de la semaine au siège de la société constituait, peu important l'existence d'une clause de mobilité, une modification du contrat de travail que la salariée était en droit de refuser" ; Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 05-42.224, Mme Martine Dramogore, FS-P+B (N° Lexbase : A1103DTZ) et les obs. de S. Tournaux, La clause de mobilité limitée à la modification du lieu de travail, Lexbase Hebdo n° 243 du 11 janvier 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7199A9I) : "la clause de mobilité ne permettait pas à l'employeur d'imposer à la salariée un partage de son temps de travail entre plusieurs établissements".
(11) Cass. soc., 15 décembre 2004, n° 02-44.714, Société Histoire d'or c/ Mme Françoise Georget, FS-P+B (N° Lexbase : A4690DEG).
(12) Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-47.104, Société Casino cafétéria, société par actions simplifiées c/ M. Patrick Moity, F-D (N° Lexbase : A3820DB4) : "la cour d'appel, appréciant les éléments qui lui étaient soumis par les parties, a constaté, d'une part, que la rémunération des cadres était fixée en fonction des responsabilités qu'ils assument et, d'autre part, que le changement d'établissement, fût-ce pour y exercer les fonctions de directeur dans la même ville, était de nature à modifier son salaire ; qu'elle a ainsi pu décider que le refus du salarié n'était pas fautif".
(13) Est assimilée à une modification de la rémunération le maintien simplement provisoire de celle-ci à l'occasion de la mutation : Cass. soc., 3 mai 2006, n° 04-46.141, Société Mutuelle du Mans assurance IARD c/ M. Alexandre Rigaud, F-P+B (N° Lexbase : A2537DPN) et les obs. de S. Tournaux, Le rôle des clauses du contrat de travail relatives au lieu de travail, Lexbase Hebdo n° 215 du 18 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N8429AKE) : "la proposition de mutation qui avait été faite au salarié avait pour effet de conférer à une partie de la rémunération qu'il percevait un caractère provisoire dont le maintien était laissé à la discrétion de l'employeur".
(14) Cass. soc., 18 mai 2005, n° 03-42.585, M. Noël Bacquias c/ Compagnie d'assurances Gan prévoyance, F-D (N° Lexbase : A3748DIN) : "l'importance de la division de Troyes était sans commune mesure avec celle dans laquelle il était muté, tant du point de vue du chiffre d'affaires, que du nombre de contrats et des effectifs, de sorte que sa mutation impliquait nécessairement la modification de sa rémunération" ; Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-45.584, Société Promod c/ Mlle Florence Baiamonte, F-D (N° Lexbase : A9873DMM) : "la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction de sa rémunération ; [...] la cour d'appel, qui a constaté que la rémunération de la salariée aurait été réduite par le fait que le magasin d'Aix-les-Bains réalisait un chiffre d'affaires moins important que celui d'Annecy, ce qui n'était pas contesté par l'employeur, a légalement justifié sa décision".
(15) Cass. soc., 27 février 2001, n° 99-40.219, Société GAN Vie c/ Rouillot (N° Lexbase : A0505ATU), Dr. soc., 2001, p. 514.
(16) Cass. soc., 5 juin 2001, n° 98-44.781, Me Samson et a. c/ Lafon et a. (N° Lexbase : A5253ATQ), Dr. soc., 2001, p. 887.
(17) C. trav., art. L. 3122-37 (N° Lexbase : L0383H93).
(18) Cass. soc., 23 février 2005, n° 04-45.463, Société Leviel c/ Mme Valérie Caulier, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A8816DGM) et nos obs., La bonne foi de l'employeur et la mise en oeuvre de la clause de mobilité, Lexbase Hebdo n° 158 du 9 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4888ABN) ; Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-43.040, Société Albert Delalonde - Magasin Texti c/ Mme Isabelle Minart, F-D (N° Lexbase : A2338DIG).
(19) Cass. soc., 23 février 2005, n° 04-45.463, préc. : "il ressort d'autres motifs, propres ou adoptés, que les conditions dans lesquelles la décision relative à la mutation avait été prise procédaient d'une précipitation suspecte vis-à-vis d'une salariée ayant une telle ancienneté et qui, peu de temps avant, avait fait l'objet de deux avertissements fondés sur des griefs non établis".
(20) L'absence de permis de conduire et l'inaccessibilité du nouveau lieu de travail par le réseau de transport en commun, peut justifier un refus de mobilité : Cass. soc., 10 janvier 2001, n° 98-46.226, Mme Rabia Abdallah (N° Lexbase : A2030AIZ) ; Cass. soc., 2 juillet 2003, n° 01-42.046, Société Sécurilens c/ M. Jean Jacques Gaspard, F-D (N° Lexbase : A0341C9I).
(21) Cass. soc., 18 mai 1999, n° 96-44.315, Société Legrand c/ M. Rochin (N° Lexbase : A4654AGH) : "la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'obligation du salarié de se conformer à la clause de mobilité, a relevé que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, avait fait un usage abusif de cette clause en imposant au salarié, qui se trouvait dans une situation familiale critique, un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d'autres salariés".
(22) Cass. soc., 18 mai 1999, n° 96-44.315, préc..
(23) Cass. soc., 6 février 2001, n° 98-44.190, Société Abilis c/ Mme Doussin (N° Lexbase : A3619ARH).
(24) Cass. soc., 19 mars 2003, n° 01-40.128, Mme Fabienne Guillen Piqué c/ Société Triangle service, F-D (N° Lexbase : A5332A7M).
(25) Cass. soc., 20 février 2007, n° 05-43.628, Société Lancry surveillance électronique, F-D (N° Lexbase : A2986DU7).
(26) Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40.755, M. Spileers c/ Société Omni Pac (N° Lexbase : A4618AG7). La Cour de cassation est très réservée sur la validité des clauses de domiciliation. Ainsi, Cass. soc., 13 avril 2005, n° 03-42.965, Société Eure-et-Loir habitat c/ M. André Billaud, FS-P+B (N° Lexbase : A8766DH7) et les obs. de G. Auzero, Précisions quant aux conditions de validité des clauses d'obligation de résidence, Lexbase Hebdo n° 165 du 27 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3559AIN) ; Cass. soc., 12 juillet 2005, n° 04-13.342, Ordre des avocats de Bayonne, pris en la personne de son bâtonnier en exercice c/ Société Fidal, FS-P+B (N° Lexbase : A9337DIN) ; Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 05-12.113, Société Fidal c/ Conseil de l'Ordre des avocats, F-P+B (N° Lexbase : A8547DMI) ; Cass. soc., 7 mars 2007, n° 05-21.017, Ordre des avocats de Bayonne, pris en la personne de son bâtonnier en exercice, F-D (N° Lexbase : A5961DUC).
(27) Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 05-40.639, Mme Sylvie Negri, F-D (N° Lexbase : A6849DTT) et nos obs., Le rapprochement de conjoint, nouveau droit fondamental du salarié ?, Lexbase Hebdo n° 256 du 19 avril 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6681BAP) : "Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 120-4 du Code du travail ; [...] Qu'en statuant ainsi, sans expliquer les raisons objectives qui s'opposaient à ce que l'un des postes disponibles dans la région d'Avignon soit proposé à la salariée, contrainte de changer son domicile pour des raisons familiales sérieuses, alors, de surcroît, que la décision de l'employeur informé depuis plusieurs mois de cette situation, de maintenir son affectation à Valenciennes, portait atteinte de façon disproportionnée à la liberté de choix du domicile de la salariée et était exclusive de la bonne foi contractuelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

Décisions

1° Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 07-43.071, Société Otis, FS-D (N° Lexbase : A8138EAN)

Cassation partielle, CA Chambéry, ch. soc., 10 mai 2007

Texte concerné : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots clef : clause de mobilité ; mise en oeuvre ; abus.

Lien base :

2° Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 07-40.092, M. Joël Machetto, FS-P+B (N° Lexbase : A8122EA3)

Cassation partielle, CA Versailles, 17ème ch., 27 octobre 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL), devenu L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots clef : clause de mobilité ; mise en oeuvre ; modification du contrat de travail ; passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit.

Lien base :

3° Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 07-41.454, M. Stéphane Trassart, FS-D (N° Lexbase : A8132EAG)

Cassation, CA Lyon, 5ème ch., 17 mai 2006, n° 05/04829, SA Cendry Bonus c/ M. Stéphane Trassart (N° Lexbase : A3685DUZ)

Textes visés : C. trav., art. L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL), devenu L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots clef : clause de mobilité ; mise en oeuvre ; modification du contrat de travail ; rémunération ; part variable.

Liens base : et

4° Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 07-40.523, Mme Stéphanie Malagie, épouse Milcent, FS-P+B (N° Lexbase : A8129EAC)

Cassation, CA Aix en Provence, 9ème ch., sect. A, 30 novembre 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 120-2 (N° Lexbase : L5441ACI), devenu L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots clef : clause de mobilité ; mise en oeuvre ; droit à une vie personnelle et familiale ; atteinte ; validité ; respect du principe de nécessité et de proportionnalité.

Lien base :

5° Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 06-46.400, Union des amis et compagnons d'Emmaüs (UAC Emmaüs), FS-P+B (N° Lexbase : A7990EA8)

Cassation partielle, CA Bourges, ch. soc., 27 octobre 2006

Textes visés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots clef : clause de mobilité ; objet indéterminé ; nullité.

Lien base :