SOC.PRUD'HOMMESM.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 février 2006
Rejet
Mme MAZARS, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 423 F D
Pourvoi n° F 04-45.584
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Promod, société anonyme, dont le siège est Marcq-en-Baroeul,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mai 2004 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), au profit
1°/ deMlle Florence Y, demeurant Annecy,
2°/ de l'ASSEDIC des Alpes, dont le siège est Le Bourget-du-Lac , défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 janvier 2006, où étaient présents Mme Mazars, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Capitaine, conseiller référendaire rapporteur, MM. Trédez, Chollet, conseillers, Mme Martinel, conseiller référendaire, M. Maynial, avocat général, Mlle Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Promod, de la SCP Boullez, avocat de Mlle Y, les conclusions de M. Maynial, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que Mlle Y a été engagée par la société Promod à compter du 13 novembre 1995 en qualité de vendeuse et a bénéficié d'une promotion en qualité de vendeuse principale à compter du 1er avril 1997, l'avenant à son contrat de travail prévoyant une clause de mobilité, sa rémunération étant composée d'un salaire fixe et d'un salaire variable assis sur le chiffre d'affaire réalisé ; qu'elle a été licenciée le 25 mai 1999 pour avoir refusé sa mutation pour occuper le même emploi au magasin d'Aix-les-Bains, eu égard aux résultats insatisfaisants du magasin d'Annecy ;
Attendu que la société Promod fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 mai 2004) d'avoir décidé que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à verser à Mlle Y diverses sommes, alors, selon le moyen
1°/ qu'une mutation décidée en application d'une clause de mobilité, qui ne s'accompagne ni d'un changement de fonctions, ni d'une modification de la rémunération, ne constitue pas une modification du contrat de travail du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée était mutée du magasin d'Annecy au magasin d'Aix-les-Bains, en application de la clause de mobilité figurant au contrat de travail, pour y assurer les mêmes fonctions (responsable de magasin) tout en étant garantie du maintien de sa rémunération ; qu'en décidant que le refus de la salariée ne pouvait constituer ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement, dès lors que "sur le long terme, Mlle Y ne pouvait espérer une évolution de son salaire" compte tenu du fait que la part variable de son salaire était assise sur le chiffre d'affaires, moins important au magasin d'Aix-les-Bains qu'à celui d'Annecy, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°/ que la société Promod soutenait et établissait que le magasin d'Aix-les-Bains, d'une surface commerciale équivalente à celui du magasin d'Annecy, connaissait une progression importante de son chiffre d'affaires (16,5 %) bien supérieure à celle du magasin d'Annecy (1,1 %) et représentait ainsi une surface de vente attractive promettant d'être encore évolutive (conclusions d'appel de l'exposante p. 9) ; qu'en se bornant à comparer les chiffres d'affaires respectifs des deux magasins au moment des faits litigieux, quand il lui appartenait, pour nier utilement toute possibilité d'évolution, de procéder à une analyse prospective de la situation, ainsi qu'elle y était expressément invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
3°/ que l'employeur soutenait que la mutation de la salariée avait été commandée par les insuffisances professionnelles avérées, de l'intéressée (concl. P. 9 § 4) ; que le courrier du 21 avril 1999, par lequel la société Promod informait la salariée de la mutation décidée, faisait exclusivement référence à des résultats insatisfaisants, de même que la lettre de licenciement du 25 mai 1999 visant seulement les résultats insatisfaisants de la salariée et la volonté de l'employeur, par la mesure de mutation refusée, de donner à la salariée une nouvelle chance de réussir au sein de la société ; que la salariée estimait quant à elle que l'insuffisance de résultats invoquée par l'employeur n'était pas établie et se plaignait du coût de transport élevé que générerait sa mutation ; qu'en affirmant péremptoirement que la mutation avait été décidée à titre de sanction, sans préciser le ou les éléments d'où elle pouvait tirer une telle affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
4°/ que sauf abus de droit de l'employeur, un salarié ne peut refuser une mutation décidée en application de la clause de mobilité insérée dans un contrat de travail ; que ne caractérise pas un abus de droit la mise en oeuvre d'une telle clause pour un motif qui ne s'avère pas être imputable au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le magasin dont relevait la salariée avait enregistré un chiffre d'affaires "nettement inférieur aux autres magasins" d'une part, que la mutation avait été décidé en raison de l'insuffisance de résultats enregistrée et en application d'une clause de mobilité d'autre part ; qu'en retenant que l'insuffisance de résultats pouvait s'expliquer par des causes conjoncturelles et structurelles, la cour d'appel, qui a légitimé le refus de la salariée de se soumettre à la mutation litigieuse sans caractériser aucun abus de l'employeur dans son droit de mettre en oeuvre la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
5°/ que la société Promod faisait expressément valoir que le chiffre d'affaires réalisé par la salariée était particulièrement insatisfaisant au regard des objectifs commerciaux définis par la Direction (concl. P. 8 in fine) ; qu'en affirmant que la société Promod ne soutient pas que le chiffre d'affaires réalisé était inférieur aux objectifs fixés, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
6°/ que la société Promod faisait valoir que l'insuffisance des résultats du magasin d'Annecy ne pouvait qu'être imputable à la salariée compte tenu du regain économique connu par la région (conclusions d'appel de la société Promod p. 9 § 3) ; qu'en affirmant que la différence des résultats entre le magasin d'Annecy et les autres magasins pouvait s'expliquer par des causes conjoncturelles et structurelles sans toutefois préciser lesquelles, ni rechercher concrètement, comme elle y était pourtant invitée, si le contexte économique environnant du magasin d'Annecy n'établissait pas que l'insuffisance des résultats constatée était imputable à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
7°/ que l'indemnité de licenciement des salariés ayant été occupés à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d'emploi effectuées selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l'entreprise ; qu'en l'espèce Mlle Y avait travaillé à temps partiel du 13 novembre 1995 au 19 janvier 1997 avant de travailler à temps complet ; qu'en calculant l'indemnité conventionnelle de licenciement de la salariée sur la base de son seul salaire de référence à temps complet, la cour d'appel a violé l'article L. 212-4-5 du Code du travail ;
Mais attendu que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction de sa rémunération ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la rémunération de la salariée aurait été réduite par le fait que le magasin d'Aix-les-Bains réalisait un chiffre d'affaires moins important que celui d'Annecy, ce qui n'était pas contesté par l'employeur, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Promod aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Promod à payer à Mlle Y la somme de 1 600 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille six.