CA Lyon, 5e, 17-05-2006, n° 05/04829



COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 17 MAI 2006

AFFAIRE PRUD'HOMALE COLLEGIALE

R.G 05/04829

APPELANTE

SA CENDRY BONUS



NANCY

représentée par Me Marc HERTERT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ

Monsieur Stéphane Y


VOIVRES LES LE MANS
représenté par Me Luc CHAUPLANNAZ, avocat au barreau de LYON substitué par Me Samuel BECQUET, avocat au barreau de LYON

SA CENDRY BONUS C/ Y

APPEL D'UNE DÉCISION

DU
Conseil de Prud'hommes de

LYON

du 09 Juin 2005

RG F 03/04538


DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 22 Mars 2006

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur R. ... SEL, Président Monsieur Daniel GERVESIE, Conseiller Conseiller Madame Nelly VILDE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Monsieur Julien MIGNOT, Greffier. ARRÊT CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 17 Mai 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Monsieur Julien MIGNOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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I - Exposé du litige

Par jugement du 9 juin 2005, le conseil de prud'hommes de Lyon a dit le licenciement de Monsieur Y dénué de cause réelle et sérieuse ; condamné la société CENDRY BONUS à verser Monsieur Y les sommes de

- 5901 euros à titre d'indemnité de préavis

- 590,10 euros à titre de congés payés sur préavis

- 5901 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 11802 euros à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ce avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil rappelé l'exécution provisoire de droit sur les créances salariales, et fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois à 1967 euros, conformément aux dispositions de l'article R 516-37 du code du travail

condamné la société CENDRY BONUS à verser à Monsieur Y la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile

débouté la société CENDRY BONUS de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, et condamné cette société aux dépens.

La société CENDRY BONUS, qui a fait appel le 6 juillet 2005, demande l'infirmation du jugement ; de dire et juger que le licenciement de Monsieur Y reposait sur une faute grave ; de débouter l'intéressé de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à payer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

En substance, l'appelante soutient que la clause de mobilité ne peut être tenue pour nulle, d'autant que la convention collective prévoit que "la mutation des gérants est inhérente à la nature même de leurs fonctions" ; qu'il avait bien été tenu compte de sa situation personnelle ; que le maintien de l'intéressé, seul, sur le magasin d'Ecully était impossible, eu égard à l'amplitude des horaires d'ouverture et en l'absence de vendeuse responsable ; que le licenciement de l'intéressé, qui avait refusé deux propositions de mutation, était parfaitement justifié.

Monsieur Y sollicite la confirmation du jugement, à l'exception du montant des dommages et intérêts, qu'il demande de porter à 36000 euros, outre une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Il invoque, successivement, la nullité de la clause de mobilité ; l'absence de réunion des conditions de sa mise en oeuvre (exigences commerciales") ; la possibilité de son maintien au magasin d'Ecully, alors que la société CENDRY BONUS avait décidé, au contraire, de l'écarter ; à titre subsidiaire, l'abus commis par l'employeur dans la mise en ouvre de la clause de mobilité, les mutations proposées étant incompatibles avec sa situation personnelle et financièrement moins intéressantes.

Il tient donc son licenciement pour dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et considère que les premiers juges ont méconnu la réalité et l'importance de son préjudice.

Pour le surplus, la cour se réfère expressément aux conclusions des parties, reprises oralement.

II - Motifs de la décision

Engagé par le groupe BERYL-BONUS, depuis le 1.8.1991, et ayant travaillé sous différentes enseignes ou sociétés, Monsieur Y a été licencié par lettre du 11 juillet 2003, ainsi libellée

Suite à l'entretien du mercredi 9 Juillet 2003 avec Monsieur ..., nous vous informons que malgré les explications que vous avez fournies et après examen de votre dossier, nous avons décidé de vous licencier.

Nous vous rappelons tout d'abord que depuis le 1" Novembre 1997, vous avez été affectés, avec votre conjoint, à notre Établissement ECULLY GD OUEST.

Nous vous rappelons également qu'aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'Article 3 de votre contrat de travail, vous êtes tenu par une clause de mobilité ainsi libellée " Il est bien précisé que la Société se réserve.la possibilité, et ce, compte tenu des exigences commerciales, de déplacer Monsieur et Madame Y, à toute autre succursale relevant du Groupe BONUS. De convention expresse entre les parties, tout refus opposé à une décision de mutation constituera une rupture du contrat de travail du fait des Gérants."

Par courrier du 18 Mars 2003, vous nous avez demandé de vous faire une proposition de Gérant seul dans un de nos magasins. Cette demande était motivée par le fait que vous et Madame Y ne souhaitiez plus travailler ensemble.

Par lettre recommandée du 28 Avril 2003, nous vous avons proposé une affectation à compter du 11 Août 2003, à notre Établissement du MANS. N'ayant pas eu de réponse, nous vous avons adressé le 14 Mai 2003 un courrier recommandé vous demandant de nous faire connaître votre position.

Par lettre du 15 Mai, vous nous avez informé de votre refus de mutation.

Le 21 Mai, nous vous avons adressé une lettre recommandée pour vous proposer notre magasin de l'ISLE D'ABEAU à compter du 11 Août 2003.

Notre courrier recommandé du 6 juin vous demandait de nous faire connaître votre décision. Votre courrier du 17 juin nous faisait part de votre refus de mutation.

Nous considérons que les faits ci-dessus constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'Entreprise.

Votre licenciement prend effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de première présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous ferons parvenir prochainement votre attestation ASSEDIC ainsi que votre certificat de travail.

Nous vous rappelons que le logement de fonction devra être libéré au plus tard au départ de Madame Y, soit le 6 Août 2003, et qu'un état des lieux devra être dressé par Huissier. "





La convention collective nationale "des employés des entreprises à succursale du commerce de détail de la chaussure" prévoyant (article 14) expressément que "les caractéristiques de structure des entreprises visées par la présente convention font que la mutation des gérants est inhérente à la nature même de leurs fonctions", il n'y a pas lieu à annulation de la clause de mobilité, qui répond aux intérêts légitimes de l'entreprise. Seule doit être tenu pour non écrite la dernière phrase ( " de convention expresse, tout refus opposé..."), l'employeur ne pouvant se préconstituer un motif de licenciement.

Et, contrairement à ce que soutient Monsieur Y et à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société CENDRY BONUS n'a pas fait une application abusive de la clause de mobilité.

En effet, le contrat de travail des époux Y, en date du 15 octobre 1997, prévoyant leur affectation en tant que gérants salariés de la succursale "chaussures BERYL" à Ecully, à compter du 1er novembre 1997, était un contrat "de couple" ( "il est bien précisé" que le licenciement de l'un d'entre vous entraînera le licenciement de son conjoint. De même, la démission de l'un d'entre vous entraînera la démission de son conjoint"), et comportait un logement de fonction,.

Leur responsabilité dans la gestion était commune.

Or, par lettre du 20 février 2003, Mme Y a demandé sa mutation pour la fin de l'année scolaire, au motif que "son mari et elle désiraient pour des raisons personnelles et familiales ne plus travailler ensemble". L'employeur a tenu compte de cette demande, et Mme Y a accepté, le 24.4.2003, une proposition de mutation pour le magasin de NANTES OCEANE.

Compte tenu des particularités du fonctionnement du magasin d'Ecully, et, notamment de la grande amplitude des horaires d'ouverture hebdomadaire (plus de soixante heures) et de l'absence de vendeuse responsable, non recrutée et formée par Monsieur Y, l'employeur s'est opposé (cf attestation de l'inspecteur Reynald COULON) à son maintien seul à la tête du magasin d'Ecully.

Monsieur Y a refusé, sans explications motivées, sa mutation sur la succursale du MANS, alors que celle-ci avait l'avantage d'être la plus proche de la nouvelle affectation de son épouse et de lui permettre de voir ses enfants (instance en divorce). Et il a encore refusé la proposition de mutation sur le magasin de l'Isle d' Abeau "pour des raisons personnelles et familiales" non explicitées, alors que, dès le début de la procédure prud'homale, il se disait domicilié SAINT HILAIRE DE CLISSON.

Ainsi donc, les propositions de mutation ont bien été effectuées, par suite de circonstances de vie personnelles de l'intéressé, pour des "exigences commerciales" découlant des conditions " fonctionnement du magasin d'Ecully, auquel l'employeur a affecté, le 11 août 2003, les époux .... Aucun détournement de pouvoir ni aucune application abusive de la mobilité ne peuvent être valablement reprochés et l'intéressé ne peut invoquer utilement une modification des conditions pécuniaires "la mutation ne pouvant entraîner une réduction de la situation pécuniaire de l'intéressé, exception faite des primes liées à la situation particulière de l'établissement" (convention collective article 4) . Son licenciement pour faute grave était donc parfaitement justifié, eu égard à l'impossibilité d'exécution de son préavis, de son fait, eu égard à ses refus tardifs. Il sera donc débouté de toutes ses demandes.

Il n'y a pas lieu en équité, de satisfaire à la demande de l'appelante au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

III - Décision

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, hormis celle ayant débouté la société CENDRY BONUS de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile

STATUANT A NOUVEAU, dit le licenciement de Monsieur Y fondé sur une faute grave et déboute l'intéressés de toutes ses demandes,


condamne Monsieur Y à rembourser à la société CENDRY BONUS les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement

déboute la société CENDRY BONUS de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile

condamne Monsieur Y aux dépens éventuels, de première instance et d'appel, s'il en existe.