Cass. soc., 19-03-2003, n° 01-40.128, inédit, Cassation



SOC.

PRUD'HOMMES N.R

COUR DE CASSATION

Audience publique du 19 mars 2003

Cassation

M. FINANCE, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président

Pourvoi n° P 01-40.128

Arrêt n° 870 F D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par Mme Fabienne Guillen Z, demeurant Bassussarry,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 novembre 2000 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), au profit de la société Triangle service, dont le siège est Morlaas,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 février 2003, où étaient présents M. Finance, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Texier, conseiller rapporteur, MM. Poisot, Liffran, conseillers référendaires, M. Legoux, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme Guillen Z, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Triangle service, les conclusions de M. Legoux, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Guillen Z a été embauchée le 24 décembre 1992 par la société Triangle service, en qualité de responsable de secteur ; que son contrat de travail a été suspendu le 30 novembre 1995, pour maladie, puis congé parental d'éducation ; que, le 25 août 1997, la salariée a informé son employeur de sa volonté de reprendre son activité à compter du 1er septembre, à Bayonne ; que l'employeur lui ayant répondu qu'en raison des nécessités du fonctionnement de l'entreprise, elle serait mutée au siège social situé à Morlaas, elle a refusé cette mutation ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 24 septembre 1997 et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs non pris, la cour d'appel énonce que le contrat de travail de Mme Guillen Z prévoit qu'elle percevra mensuellement un salaire brut forfaitaire... la rémunération restera indépendante du temps que la salariée consacrera de fait à l'exercice de ses fonctions ; que la société soutient qu'elle ne peut fournir aucun élément concernant des dépassements d'horaires de sa salariée, car une convention de forfait avait été convenue entre les parties ;

Attendu, cependant, que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la convention de forfait invoquée par l'employeur ne déterminait pas le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen

Vu l'article R. 143-2 du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire fondée sur la qualification de responsable d'un secteur portée sur les bulletins de paie, la cour d'appel énonce que la salariée ne prouve pas participer à la négociation commerciale et ne peut donc bénéficier de la classification MP 5 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que c'est à l'employeur qui conteste la mention relative à l'emploi portée sur le bulletin de paie, de rapporter la preuve de son inexactitude au regard des fonctions exercées par la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le troisième moyen

Vu les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;

Attendu que, pour décider que le licenciement de Mme Guillen Z était fondé sur une faute grave, la cour d'appel énonce que la société a muté la salariée en ne lui laissant qu'un délai de 4 jours pour s'organiser, alors qu'elle devait également changer de résidence, et que l'employeur n'ignorait pas qu'elle avait un enfant en bas âge ; qu'en outre, la société Triangle service ne justifie pas que sa décision soit dictée par l'intérêt de l'entreprise ; que si Mme Guillen Z a bien été légitimement licenciée pour faute grave, l'abus de pouvoir commis par la société dans la mise en jeu de la clause de mobilité constitue une faute dans les termes de l'article 1382 du Code civil ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la mutation avait été notifiée sans respecter un délai de prévenance suffisant, alors que la salariée avait un enfant en bas âge, et que la société ne justifiait pas que sa décision fût dictée par l'intérêt de l'entreprise, ce dont il résultait que le refus de la salariée ne pouvait constituer une faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Triangle service aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Triangle service à payer à Mme Guillen Z la somme de 1 800 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Triangle service ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille trois.