Jusqu'à la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977, les retenues pour grève supposaient qu'il y eut grève, c'est-à-dire une cessation collective et concertée du travail en vue de faire aboutir des revendications professionnelles. En 1977, et pour riposter à des mouvements revendicatifs alternatifs (grève administrative notamment des enseignants), le législateur allait assimiler légalement l'absence de service à l'exécution défectueuse du service. Ce texte, abrogé en 1982 (loi n° 82-889 du 19 octobre 1982), fut remis en application en 1987 (loi n° 87-588 du 30 juillet 1987, art. 89 portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L2996AIS).
Contrairement à ce qui prévaut dans le secteur privé, l'exécution défectueuse du travail aura deux conséquences qui pourraient apparaître comme contradictoires. Sur le plan disciplinaire, tout d'abord, l'agent s'exposera à des sanctions qui ne pourront pas être pécuniaires (CE Contentieux, 1er juillet 1988, n° 66405, Billard et Volle N° Lexbase : A7756APX). Sur le plan pécuniaire, ensuite, et quoique le Conseil constitutionnel s'en défende (Cons. constit. 28 juillet 1987, n° 87-230 DC, § 9, JO du 29 juillet N° Lexbase : A8159AC8), une exécution défectueuse du service donnera lieu à une retenue pour fait de grève, alors que dans le secteur privé ces deux conséquences sont alternatives et non pas cumulatives (Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-45.915, Etablissements Devanlay et Recoing c/ Mlle Beck, publié N° Lexbase : A0904AHX ; Cass. soc., 12 avril 1995, n° 91-40.593, Mlle Adamczyk et autres c/ Société Tricart, publié N° Lexbase : A0879AB8).
Les particularités du métier d'enseignant exposent également les grévistes à quelques mauvaises surprises, car celui qui s'associe à un mouvement de grève un jour où il ne dispense effectivement aucun enseignement sera considéré comme gréviste et se verra donc retenir un trentième. La solution s'explique ici par le fait que l'enseignant ne perçoit pas uniquement son "traitement" pour assurer des heures de cours mais, au-delà, pour avoir aussi les moyens, sur le reste de son temps, de réaliser le travail personnel nécessaire à sa formation continue et au travail de préparation des cours ou de correction des copies. C'est également pour cette raison que les samedis et dimanches entrent dans le calcul des retenues si le fonctionnaire fait grève les vendredis et lundis. Cette règle a été rappelée par la circulaire : "le décompte des jours de grève donnant lieu à retenue sur rémunération repose sur le principe selon lequel les périodes de grèves sont considérées comme un tout". Se fondant sur la jurisprudence dégagée par le Conseil d'Etat (CE contentieux n° 3918, 7 juillet 1978, Sieur Omont N° Lexbase : A5124AIM), le ministre a rappelé qu'"en l'absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d'un agent public s'élève à autant de trentièmes qu'il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n'avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir".
L'enseignant qui contesterait le fait d'avoir eu l'intention de faire grève pourra toujours, comme le rappelle la circulaire, apporter la preuve de sa qualité de non-gréviste (CE Contentieux, 15 décembre 1967, n° 71702, Kornprobst N° Lexbase : A0793B8U).
2. Des conséquences pécuniaires rigoureuses
Le droit de la fonction publique est dominé par un principe de comptabilité connu sous le nom de "trentième indivisible" (Loi de finances rectificative n° 61-825 du 29 juillet 1961 relative à la retenue pour fait de grève, art. 4 JO du 30 juillet 1961). Ce principe s'explique par des raisons pratiques, le comptable public n'appliquant que des retenues correspondant à une journée de traitement, quelle que soit la durée effective de l'arrêt de travail.
Le Conseil constitutionnel a bien rappelé les raisons qui conduisaient à admettre des dérogations au principe de proportionnalité : "il appartient également au législateur de définir les conséquences pécuniaires aussi bien de l'absence de service fait ou de travail résultant d'une cessation concertée du travail que de l'exécution partielle du travail ou du service, en prenant en considération notamment les règles comptables de liquidation de la rémunération des intéressés ainsi que les contraintes d'ordre pratique inhérentes tant aux modalités de détermination de la cessation du travail qu'au décompte de la durée de la grève, ainsi que l'incidence des grèves d'une durée inférieure à une journée sur le fonctionnement des services publics" (Cons. constit. 28 juillet 1987, n° 87-230 DC, § 8 ; JO du 29 juillet N° Lexbase : A8159AC8) et "qu'ainsi, la retenue sur traitement est une mesure de portée comptable et n'a pas, par elle-même, le caractère d'une pénalité financière" (§ 9).
Cette règle du trentième ne s'applique toutefois pas sans difficultés. En 1982, le Parlement avait entrepris d'y substituer une grille de retenues directement inspirée par la recherche de proportionnalité et rompant avec le principe du trentième indivisible (loi n° 82-889 du 19 octobre 1982, art. 2). Ce nouveau dispositif a été abrogé par la loi dite Lamassoure n° 87-588 du 30 juillet 1987, art. 89 N° Lexbase : L2996AIS). Mais, dans sa décision précitée du 28 juillet 1987, le Conseil constitutionnel a considéré toutefois que "le mécanisme de retenue automatique sur la rémunération des intéressés que le législateur a adopté à cette fin, par la généralité de son champ d'application qui ne prend en compte ni la nature des divers services concernés, ni l'incidence dommageable que peuvent revêtir pour la collectivité les cessations concertées du travail, pourrait, dans nombre de cas, porter une atteinte injustifiée à l'exercice du droit de grève qui est constitutionnellement garanti". Il a donc déclaré non-conforme à la Constitution l'abrogation de l'article 3 de la loi du 19 octobre 1982 et considéré que l'article L. 521-6 du Code du travail (N° Lexbase : L6612ACU), issu de ces dispositions, devaient demeurer en application, ainsi que toutes les références présentes dans cet article 3 aux autres dispositions du même texte.
En conséquence, les personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial ne relevant pas du statut de la fonction publique se verront appliquer les retenues selon les modalités imaginées en 1982 : un 1/160e de traitement mensuel pour un arrêt de travail dont la durée est inférieure à 1 heure, d'1/50e pour un arrêt compris entre 1 heure et une demi-journée et d'1/30e lorsque l'arrêt est compris entre 1 demi-journée et 1 journée. Quant aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, les retenues se feront sur une base strictement proportionnelle dans la mesure où aucune disposition spécifique ne les concerne (TA Versailles, 22 déc. 1988 : RFD adm. 1990. 440, concl. X. Prétôt).
L'assiette de la retenue a également été rappelée par la circulaire. Elle comprend, outre le traitement proprement dit, l'indemnité de résidence ainsi que les primes et indemnités diverses versées aux agents en considération du service accompli (CE, n° 88921, 11 juillet 1973, Alliaume N° Lexbase : A8069B7Y), les primes versées annuellement (CE Contentieux, n° 71710, 22 mars 1989, ministre de l'économie, des finances et du budget c/ Giraud N° Lexbase : A1891AQ4). S'agissant des primes et indemnités versées selon un rythme non mensuel, elles devront être ramenées à un équivalent moyen mensuel, sur la base du montant versé à ce titre au cours de l'année précédente, afin de calculer le montant du trentième à retenir. Sont toutefois exclues de l'assiette de calcul les sommes allouées à titre de remboursement de frais ainsi que les avantages familiaux et prestations sociales, comme le supplément familial de traitement, l'indemnité représentative de logement ou, lorsqu'elles sont versées par l'Etat, les prestations familiales.
Contrairement aux pratiques parfois répandues, la circulaire retient le principe d'une retenue unique mais permet aux chefs de service, "à titre exceptionnel", de procéder "à un étalement des retenues dans le temps lorsque la situation particulière d'un agent le rend nécessaire".