Cass. soc., 12-04-1995, n° 91-40.593, Cassation.



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Chambre Sociale

12 Avril 1995

Pourvoi N° 91-40.593

Mlle ... et autres

contre

société Tricart.

Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme ... et cinq autres salariées de la société Tricart ayant participé, à compter du 15 janvier 1990, à une grève dite " perlée " consistant en une baisse volontaire de la production, leur employeur leur a appliqué une réduction de salaires pour le mois de janvier 1990 ; qu'elles ont saisi le conseil de prud'hommes pour faire constater qu'il s'agissait d'une sanction pécuniaire illicite et obtenir un rappel de salaires ;

Sur le premier moyen

Attendu que les salariées font grief au conseil de prud'hommes d'avoir statué sur leurs demandes, alors, selon le moyen, que n'avaient participé au délibéré, outre le juge départiteur, que deux conseillers prud'hommes, M. ..., conseiller employeur et M. ..., conseiller salarié alors qu'aux termes de l'article R 516-40, alinéa 4, du Code du travail, lorsqu'un conseiller prud'homme est empêché de siéger à l'audience de départage et qu'il n'a pas pourvu lui-même à son remplacement, il appartient au président ou au vice-président de sa section ou de sa chambre d'y pourvoir, et que ce n'est qu'après que la procédure de remplacement ainsi prévue ait été suivie, quel qu'ait été son résultat, que le juge départiteur peut statuer seul après avoir demandé l'avis des conseillers présents ; qu'en l'absence de mention dans le jugement révélant que ces dispositions ont été respectées, la décision doit être annulée ;

Mais attendu que, si l'article susvisé prévoit que le président ou le vice-président de section ou de chambre pourvoit au remplacement des conseillers absents, il n'exige pas que mention expresse soit faite au jugement d'une demande de remplacement adressée à ce magistrat ; que dès lors, en se bornant à préciser dans son jugement qu'il a été statué en application de l'article R 516-40 du Code du travail, par le seul juge départiteur, après avis des deux conseillers présents, le conseil de prud'hommes n'a pas encouru le grief du moyen qui ne saurait donc être accueilli ;

Mais sur le second moyen

Vu l'article L 122-42 du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter les salariées de leurs demandes, le conseil de prud'hommes a énoncé que dès lors que la réduction de salaire qui leur avait été imposée correspondait à une baisse de la production, elle ne trouvait plus son fondement " dans l'idée de sanction mais dans le caractère synallagmatique du contrat de travail qui veut que le salaire soit la contrepartie d'un travail effectif " ;

Attendu, cependant, que lorsqu'un salarié n'est pas rémunéré en fonction du rendement, la réduction de son salaire pour baisse de la production s'analyse en une sanction pécuniaire ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, sans rechercher si, comme le soutenaient les salariées, leur salaire mensuel était fixe et indépendant du rendement, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 octobre 1990, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Arras ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Béthune.