La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 contient un volet "formation professionnelle" qui a notamment pour objet la validation des acquis professionnels. Si c'est une importante réforme de la formation professionnelle qui était en chantier et espérée (ou crainte) par les acteurs de ce secteur, les nouvelles modalités mise en oeuvre par la loi ne bouleversent pas profondément le système de formation professionnelle français mais y apportent quelques adaptations devenues nécessaires. Un intérêt particulier sera accordé à l'impact, pour les entreprises, de toutes les nouveautés de la loi du 17 janvier 2002 en matière de formation professionnelle.
Le chapitre II du Titre II "Travail, emploi et formation professionnelle" (N° Lexbase : L2178AWL) est entièrement consacré au "développement de la formation professionnelle". Il se décompose en une première section relative à la validation des acquis de l'expérience, une deuxième section est quant à elle relative au financement de l'apprentissage. Enfin, la troisième section est relative à l'offre de formation professionnelle continue.
1. La validation des acquis de l'expérience :
Un nouveau droit à congé pour les salariés
La loi de modernisation sociale complète l'article L. 900-1 du Code du travail (article 133 de la loi, [lxb=L2178AWL]) qui a pour objet la définition du droit à une formation professionnelle permanente comme permettant l'adaptation des travailleurs aux mutations du travail mais aussi la promotion sociale. Ainsi, c'est davantage sur le fondement de ce second aspect que cet article dispose que toute personne engagée dans la vie active, donc pas uniquement les salariés, peut faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle, pour obtenir un diplôme, un titre à finalité professionnelle ou un certificat de qualification figurant sur une liste établie par une commission paritaire au niveau de la branche.
S'agissant plus spécifiquement du salarié, ce droit à validation des acquis est assorti d'un droit à congé qui est prévu dans les mêmes conditions que le congé pour bilan de compétence (L. 931-22 et suivants du Code du travail, [lxb=L6938ACX]). En l'espèce, le congé pour validation des acquis de l'expérience, qui ne peut être imputé sur les congés payés, ne peut donc excéder 24 heures de temps de travail, consécutives ou non. Le salarié bénéficiaire perçoit, pendant la durée de ce congé, une rémunération versée par l'employeur (uniquement si la validation des acquis de l'expérience est prise en charge par un organisme agrée à ce titre ; cette rémunération est égale à la rémunération qu'il aurait reçue s'il était resté à son poste de travail, dans la limite d'une durée fixée par décret en Conseil d'Etat). L'employeur sera ensuite remboursé par l'organisme en question. Ce droit à congé bénéficie également aux titulaires de contrats à durée déterminée (mais avec des conditions d'ancienneté et de rémunération différentes, articles L. 931-15, [lxb=L6928ACL] et L. 931-18, [lxb=L6931ACP] du Code du travail).
Une action de formation professionnelle continue
La loi, complétant l'article L. 900-2 du Code du travail, précise qu'une telle action constitue bien une action de formation professionnelle continue (article 140 de la loi, [lxb=L2186AWU]). En effet, s'agissant de l'obtention d'un diplôme ou d'un titre délivré par l'éducation nationale, on aurait pu considérer qu'il s'agissait plutôt de formation initiale.
Succinctement, nous pouvons préciser que la validation des acquis est, en effet, une voie parallèle aux voies scolaires et universitaires, à l'apprentissage ou à la formation professionnelle continue pour acquérir un diplôme. Ainsi, le diplôme est attribué par un jury (qui comprend notamment des professionnels qualifiés) à une personne qui en fait la demande, et qui justifie dans un domaine de compétences professionnelles d'une ancienneté d'au moins trois ans. Le jury se prononce sur dossier, entretien et éventuellement mise en situation professionnelle (articles 134, [lxb=L2179AWM] et 137, [lxb=L2182AWQ] de la loi de modernisation sociale modifiant le Code de l'éducation nationale).
Un droit et non une obligation
A l'instar du bilan de compétence, l'article L. 900-4-2 du Code du travail (article 141 de la loi, [lxb=L2187AWW]) dispose que la validation des acquis de l'expérience ne peut être imposée au travailleur et que le refus de consentir à une action de validation ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Par ailleurs, les informations demandées aux bénéficiaires doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'objet de la validation des acquis et les personnes dépositaires de tous renseignements communiqués par celui-ci sont tenus d'une obligation de confidentialité.
Temps passé à l'action de validation des acquis de l'expérience
Les actions de validations de l'expérience sont assimilées, pour le salarié, à du temps de travail effectif pour ce qui concerne le calcul du droit à congé payé et de son ancienneté (article 133 de la loi modifiant l'article L. 931-23 du Code du travail).
Pour les travailleurs temporaires, les actions de validation des acquis de l'expérience sont assimilées à des missions (comme c'est le cas du bilan de compétences ; article 138 de la loi, [lxb=L2183AWR] modifiant l'article L. 124-21 du Code du travail).
2. Le financement de l'apprentissage :
La loi de modernisation sociale redonne une définition plus précise de l'apprentissage en tant que forme d'éducation alternée qui a pour but de donner aux jeunes travailleurs de plus de 14 ans une formation théorique générale et pratique en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre professionnel (article 147 de la loi, [lxb=L2193AW7] modifiant l'article L. 115-1 du Code du travail).
Les entreprises qui emploient des apprentis et qui sont redevables de la taxe d'apprentissage, sont tenues, en vertu de l'article L. 118-2 du Code du travail ([lxb=L5423ACT]) d'apporter directement (ou par l'intermédiaire d'un organisme collecteur) un concours financier au centre de formation des apprentis (CFA) où est inscrit l'apprenti.
La loi de modernisation sociale ([lxb=L1304AW9]) précise désormais que ce concours financier doit être au moins égal, dans la limite de la fraction réservée à l'apprentissage, au coût fixé, par apprenti, par la convention de création du CFA ou de la section d'apprentissage.
Par ailleurs, la loi de modernisation sociale élargit le champ des organismes pouvant être habilités à collecter les versements des entreprises et donnant alors lieu à exonération de la taxe d'apprentissage. Ainsi, selon l'article L. 118-2-3 nouveau du Code du travail (article 150 de la loi du 17 janvier 2002, [lxb=L2197AWB]), les syndicats, groupements professionnels ou associations à compétence nationale qui ont conclu une convention-cadre de coopération avec l'Etat ou qui sont agréés par le ministre chargé de la formation professionnelle, sont habilités à percevoir les versements des entreprises pour les reverser aux établissement autorisés à la recevoir ou à financer des actions de promotion de la formation professionnelle initiale technologique et professionnelle.
3. L'offre de formation professionnelle continue :
Participation des organisations professionnelles et syndicales à l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de formation professionnelle
L'article 152 de la loi de modernisation sociale prévoit que les organisations représentatives d'employeurs, de salariés et des travailleurs indépendants participent, en coordination avec l'Etat et la Région, à l'élaboration de la politique de formation professionnelle et promotion sociale ([lxb=L2199AWD], article L. 910-1 modifié du Code du travail).
Pour ce faire, il est créé un comité interministériel auprès du Premier ministre et un Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi de l'Etat réunissant les organisations professionnelles et syndicales intéressées et des représentants de pouvoirs publics. Ce conseil est décliné à l'échelon régional (Comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle). Ces comités ont pour rôle d'assurer la coordination des politiques de formation professionnelle, et sont notamment chargés des fonctions de diagnostic, étude, suivi et évaluation.
La déclaration préalable d'activité des dispensateurs de formation professionnelle continue
La nouveauté instaurée par la loi de modernisation sociale vient du fait que l'autorité administrative peut désormais annuler l'enregistrement de l'organisme qui s'est déclaré auprès d'elle s'il s'avère que les prestations réalisées ne correspondent pas aux actions visées par l'article L. 900-2 modifié du Code du travail.
De ce fait, le rôle de l'administration est, en terme de contrôle de l'activité des organismes de formation, légèrement accru. Notamment, l'administration peut désormais apprécier si l'activité dispensée par les organismes dits de formation professionnelle est réellement assurée au regard de la loi. En effet, on avait pu remarquer le développement de nombreux organismes, notamment sectaires, dispensant des formations pour le moins éloignées de la formation professionnelle et qu'ils qualifiaient pourtant comme telles au détriment des employeurs et des salariés.
Anne Olivier
Docteur en droit
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