[Textes] Loi de modernisation sociale : dispositions diverses en droit du travail (1)



La loi de modernisation sociale, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier, contient, outre son volet économique, le harcèlement moral et la lutte contre la précarité de l'emploi, un certain nombre de dispositions diverses concernant le droit du travail.

Sont ainsi présentes dans la loi de modernisation sociale des mesures relatives à la rupture du contrat de travail, aux travailleurs handicapés, à la médecine du travail et aux conseils de prud'hommes (ces deux derniers thèmes sont traités dans l'article "Loi de modernisation sociale : dispositions diverses en droit du travail (2)").

Les mesures concernant la rupture du contrat de travail

Le nouvel article L. 122-17 du Code du travail dispose que "lorsqu'un reçu pour solde de tout compte est délivré et signé par le salarié à l'employeur à l'occasion de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, il n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent".

Le texte initial faisait état de la possibilité de dénoncer ce reçu dans les deux mois suivant sa signature ; à défaut de quoi, le salarié n'était plus recevable à contester les sommes qui y figuraient. Une jurisprudence très abondante s'était développée sur la valeur de ce document établi par le salarié, à la demande de son employeur, lors de la fin de son contrat. Ce n'était que dans le cas où le reçu pour solde de tout compte était régulièrement dénoncé dans ce délai (ancien article L. 122-17 du Code du travail, N° Lexbase : L5480ACX) ou lorsqu'il était rédigé en termes généraux (Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-43.052, N° Lexbase : A6359AGM) qu'il n'avait plus valeur que d'un simple reçu. A défaut, ce document avait un effet libératoire pour l'employeur à "l'égard de tous les éléments de rémunération dont le paiement avait été envisagé par les parties" ; autrement dit, le salarié ne pouvait plus contester en justice le montant des sommes envisagées. De plus en plus, le régime juridique du reçu pour solde de tout compte se rapprochait de celui de la transaction.

Désormais, le reçu n'est plus qu'un document permettant de prouver que les sommes visées ont bien été versées mais n'ayant aucune valeur de renonciation à une éventuelle contestation ; seule la transaction, valablement conclue, vaut renonciation au droit de contester les sommes qui y figurent .

La loi de modernisation sociale a également pris en compte les conséquences préjudiciables de la force majeure pour un salarié, dont le contrat est alors brutalement rompu.

Ainsi, le salarié en contrat à durée indéterminée dont le contrat de travail est rompu pour cas de force majeure en raison d'un sinistre a désormais droit à une indemnité dont le montant est égal à l'indemnité de licenciement (L. 122-9 du Code du travail, N° Lexbase : L5559ACU) augmentée de l'indemnité compensatrice de préavis (L. 122-8 du Code du travail, N° Lexbase : L5558ACT). De même, le salarié dont le contrat à durée déterminée est rompu avant terme du fait de la force majeure due à un sinistre a droit à une indemnité d'un montant égal aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'à l'échéance du contrat. Avec cette dernière disposition, peut-on encore dire que la force majeure constitue une cause admise de rupture anticipée du contrat à durée déterminée au même titre que l'accord des parties et la faute grave ? Dans la mesure où l'article L. 122-3-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5457AC4), sanctionne l'employeur qui rompt un contrat à durée déterminée avant terme sans justifier d'une faute grave, de la force majeure ou d'un accord avec le salarié par le paiement d'une indemnité égale aux salaires qui auraient été versés jusqu'à l'échéance du contrat soit la même que celle versée désormais en cas de force majeure (sic), nous pouvons légitimement nous interroger sur la cohérence d'une telle disposition qui conduit à appliquer ce qui s'apparente à une sanction au respect d'une règle légale...

Les mesures relatives à l'emploi des travailleurs handicapés

Il pèse sur les entreprises d'au moins 20 salariés une obligation de compter dans son effectif des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 %. Néanmoins, les employeurs peuvent s'acquitter de cette obligation par le versement d'une pénalité au Trésor public.

Les salariés sous contrat d'insertion en alternance sont désormais pris en compte comme bénéficiaires dans la réalisation du quota d'emploi de 6 % (article L. 323 -4 du Code du travail modifié), au même titre que les apprentis.

Une nouvelle alternative à l'obligation d'emploi des handicapés est introduite dans le Code du travail. En effet, les employeurs peuvent partiellement (dans la limite de 2 % de l'effectif de l'entreprise) s'acquitter de cette obligation en accueillant des personnes handicapées en stage de la formation professionnelle ou suivant un stage rémunéré par l'Etat ou la région (L. 961-1 du Code du travail, N° Lexbase : L6987ACR).

Enfin, concernant les travailleurs handicapés employés dans des ateliers protégés, les accessoires de leur salaire sont à présent déterminés en prenant pour assiette la garantie de ressources prévue par l'article L. 243-4 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5204DKX). La charge liée à cette rémunération est répartie entre l'atelier protégé et l'Etat proportionnellement au montant du salaire direct et du complément de rémunération.

La loi de modernisation sociale, sur laquelle le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision (voir article sur la décision du Conseil constitutionnel, N° Lexbase : N1688AAR), devrait rentrer en vigueur dans les jours qui viennent.

Benoît Juéry
SGR - Droit social


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