L'indemnité de précarité, versée à tout salarié à l'échéance de son contrat à durée déterminée lorsque les relations de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, est désormais égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié au cours du contrat (L. 122-3-4 du Code du travail). Le montant de cette indemnité, jusque-là de 6 %, est ainsi mis à égalité avec l'indemnité versée à l'issue de son contrat au salarié intérimaire. Les entreprises de travail temporaire réclamaient depuis longtemps cet alignement en raison d'une disparité qui leur était préjudiciable au regard du coût du travail. Cette modification du taux de l'indemnité de précarité concerne les contrats à durée déterminée conclus après la date d'entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, le 20 janvier 2002.
Le délai de carence, qui impose le respect d'un délai entre la conclusion de deux contrats à durée déterminée pour pourvoir le même poste, fait l'objet d'une distinction selon la durée du contrat. L'ancienne législation imposait le respect d'un délai égal au tiers de la durée du contrat, renouvellement inclus.
Ainsi, lorsqu'un poste était pourvu par un CDD de 6 mois, la conclusion d'un autre CDD sur ce même poste ne pouvait intervenir avant l'expiration d'une période de deux mois suivant la fin du premier CDD. La loi de modernisation sociale modifie ces dispositions en distinguant deux cas, concernant aussi bien les CDD que les contrats de travail temporaire :
- lorsque la durée du contrat est au moins égale à 14 jours, renouvellement inclus, le délai de carence est égal à un tiers de la durée de ce contrat ;
- lorsque la durée du contrat est inférieure à 14 jours, le délai de carence est égal à la moitié de la durée de ce contrat.
Ce délai doit désormais être décompté en jours ouvrés dans l'entreprise ou l'établissement et non plus en jours calendaires comme l'estimait l'administration sous l'empire de l'ancienne législation (Circulaire 92-14 du 29 août 1992, fiche 21).
Les cas de rupture anticipée du contrat à durée déterminée, auparavant limités à la commission d'une faute grave, à l'accord des parties et à la force majeure, sont désormais au nombre de quatre. Le salarié peut désormais rompre avant terme son contrat s'il justifie d'une embauche à durée indéterminée dans une autre entreprise. Dans ce cas, le salarié est tenu, sauf accord des parties, à un préavis dont la durée est calculée à raison "d'un jour par semaine compte tenu de la durée totale du contrat si celui-ci est à terme précis, ou de la durée effectuée lorsque le contrat ne comporte pas de terme précis" (nouveaux articles L. 122-3-8 et L. 124-5 du Code du travail). En tout état de cause, ce préavis ne pourra être supérieur à deux semaines.
Cette nouvelle disposition est également applicable au contrat de travail temporaire. Seule particularité dans ce cas, due à la fréquence plus importante des missions d'intérim ne dépassant pas quelques jours, la durée du préavis ne pourra jamais être inférieure à un jour.
Ces modifications ne sont applicables qu'aux contrats conclus après l'entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, le 20 janvier 2002.
Le contrôle et les sanctions relatives aux contrats précaires sont également renforcés.
Les représentants du personnel n'avaient jusqu'ici, en matière de recours aux contrats précaires, qu'un rôle limité à des obligations d'information et, dans quelques cas particuliers, de consultation . De plus, lorsque les règles relatives au recours aux contrats à durée déterminée ne sont pas respectées, toute organisation syndicale représentative peut exercer une action en justice en faveur d'un salarié sans avoir à justifier d'un mandat de ce dernier (L. 122-3-16 du Code du travail, N° Lexbase : L5472ACN).
L'article L. 432-4-1 du Code du travail permet dorénavant au comité d'entreprise de saisir l'inspecteur du travail lorsqu'il a connaissance de "faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire" ou lorsqu'il constate "un accroissement important du nombre de salariés occupés dans l'entreprise" sous ce type de contrat. L'inspecteur du travail ainsi saisi fera des constatations qu'il estime utiles et devra les communiquer à l'employeur. Ce dernier devra fournir au comité d'entreprise le rapport de l'inspecteur du travail, sa réponse motivée et, le cas échéant, les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour limiter la situation.
L'absence de CDD écrit, l'absence d'indication de cas de recours, la non-transmission du contrat au salarié dans les deux jours ou l'inégalité de traitement avec les salariés sous CDI sont désormais sanctionnés pénalement (amende de 3750 € ou 7500 € en cas de récidive, nouvel article L. 152-1-4 du Code du travail).
Enfin en matière d'intérim, sont pénalement sanctionnées l'absence de conclusion d'un contrat de mise à disposition dans les délais requis lorsqu'il est recouru à un salarié temporaire et l'omission de communiquer l'ensemble des éléments de rémunération dans le contrat de mise à disposition.
Les nouvelles dispositions introduites par la loi de modernisation sociale en matière de lutte contre la précarité de l'emploi ont un unique objectif : empêcher que les entreprises ne recourent à ce type de contrat lorsque les conditions n'en sont pas réunies afin de contourner les procédures propres au contrat à durée indéterminée (notamment en matière de rupture du contrat). Les règles posées renforcent le contrôle et rendent moins souple le recours aux contrats précaires afin qu'ils ne soient pas utilisés pour "pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise", en contradiction avec l'objet même de ces contrats.
Sous réserve d'une censure par le Conseil constitutionnel, qui examine actuellement la loi, les modifications ainsi apportées au Code du travail devraient rentrer en application mi-janvier.
Benoît Juéry
SGR - Droit social
A lire également :
Loi de modernisation sociale : le Conseil constitutionnel censure la nouvelle définition du licenciement économique (N° Lexbase : N1688AAR)
Loi de modernisation sociale : présentation générale du volet économique (N° Lexbase : N1601AAK)
Loi de modernisation sociale : présentation du volet économique. Fiche n°1 Une loi plus contraignante pour les entreprises (N° Lexbase : N1625AAG)
Loi de modernisation sociale : le harcèlement moral fait son apparition dans le Code du travail (N° Lexbase : N1575AAL)
Loi de modernisation sociale : dispositions diverses en droit du travail (1) (N° Lexbase : N1692AAW)
Loi de modernisation sociale : dispositions diverses en droit du travail (2) (N° Lexbase : N1693AAX)