SOC. PRUD'HOMMES CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 22 juin 2011
Rejet
M. FROUIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de
président
Arrêt no 1390 F-D
Pourvoi no S 10-30.415
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Nicolas N'Z, domicilié Grande-Synthe,
contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2009 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Polyclinique de Grande Synthe, dont le siège est Polyclinique Grande-Synthe cedex,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 mai 2011, où étaient présents M. Frouin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Chauvet, Huglo, conseillers, M. Lacan, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de M. ZZGuyen, de Me Foussard, avocat de la société Polyclinique de Grande Synthe, l'avis de M. Lacan, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2009), que M. ZZGuyen, engagé en qualité de cardiologue par la société Polyclinique de Grande Synthe à compter du 15 janvier 1977, a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail à la suite de deux examens médicaux de reprise, les 31 janvier et 14 février 2006 ; que la déclaration d'inaptitude a été confirmée par l'inspecteur du travail puis par le directeur du travail ; qu'après que M. ZZGuyen a refusé le poste à caractère administratif qui lui était proposé par l'employeur, celui-ci l'a convoqué à plusieurs reprises devant le médecin du travail à l'effet de rechercher les postes de reclassement qui pourraient lui être proposés ; que M. ZZGuyen a été licencié pour faute grave en raison de son refus réitéré de se rendre à ces convocations ;
Attendu que M. ZZGuyen fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave et de rejeter toutes ses demandes alors, selon le moyen
1o/ que ne constitue pas une faute grave le fait pour un salarié de ne pas se rendre à une convocation à un examen médical dont l'objet est de vérifier la compatibilité de certains postes pouvant éventuellement lui être proposés à titre de reclassement avec son état de santé ; qu'en cette hypothèse, en effet, il incombe à l'employeur de tirer les conséquences de la non-présentation du salarié à ces entretiens et de le licencier pour inaptitude physique, avec les conséquences légales qui en découlent ; qu'en décidant que le fait pour M. ZZGuyen de ne pas s'être rendu aux visites médicales auxquelles il avait été convié pour envisager son reclassement constituait une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1234-1, L. 1234-9 du code du travail ;
2o/ qu'est qualifiable de faute grave le comportement du salarié d'une telle gravité qu'il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le fait pour M. ZZGuyen de ne pas s'être rendu à quatre convocations de l'employeur à des visites médicales constituait une faute grave ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que,
lorsqu'il avait été convoqué, le salarié n'occupait aucun poste et se trouvait au Viet-Nam, de sorte que son comportement ne s'opposait manifestement pas à ce que le salarié soit maintenu dans l'entreprise durant son préavis, ce que confirmait d'ailleurs le fait que l'employeur ait attendu plus d'un mois pour procéder au licenciement du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
3o/ que l'insubordination consiste dans le refus volontaire d'exécuter un ordre de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a imputé à M. ZZGuyen un acte d'insubordination, sans constater qu'il avait eu connaissance des convocations qui lui étaient adressées, ni qu'il savait avant de partir qu'il allait être convoqué ou reconvoqué, ni qu'il pouvait s'y rendre ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettaient donc de caractériser ni le fait que M. ZZGuyen aurait volontairement refusé d'exécuter les instructions de son employeur, ni celui que l'employeur aurait de bonne foi entendu reclasser le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
4o/ que les juges du fond doivent préciser les pièces sur lesquelles ils se fondent, sans pouvoir se contenter de simples affirmations ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement que M. ZZGuyen s'était soustrait délibérément aux convocations de son employeur, sans préciser sur quelles pièces elle se fondait pour se déterminer ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5o/ que la gravité de la faute imputée au salarié s'apprécie in concreto au regard des circonstances de la faute, de la situation propre du salarié et notamment de son ancienneté dans l'entreprise et de son comportement antérieur ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir qu'il avait exercé pendant trente ans dans la polyclinique, qu'il était âgé de 62 ans au moment des faits et qu'il n'occupait plus aucun poste lors de son licenciement pour avoir été déclaré inapte à l'exercice de sa profession ; qu'en ne recherchant pas si ces éléments n'étaient pas de nature à atténuer la gravité de la faute qui lui était imputée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'en application des articles L. 1226-12 et L. 1226-10 du code du travail, après le refus par un salarié déclaré inapte d'un poste de reclassement, il appartient à l'employeur d'en tirer les conséquences, notamment, en formulant de nouvelles propositions, d'autre part, que la recherche des possibilités de reclassement doit être compatible avec les conclusions du médecin du travail au cours de la visite de reprise ; qu'ayant relevé que le salarié après le refus d'un poste administratif avait manifesté son intérêt pour un poste comportant des astreintes en cardiologie alors même que l'avis du médecin du travail était réservé sur ce point et que l'employeur l'avait convoqué à plusieurs reprises devant le médecin du travail en vue de la recherche d'autres possibilités de reclassement compatibles avec son état de santé, la cour d'appel, qui a retenu, d'une part, que le salarié dont le contrat de travail n'était pas suspendu, qui n'était pas en congé, qui percevait son salaire, qui était soumis au pouvoir de direction de l'employeur, devait se tenir à sa disposition et déférer à toute convocation, et qui a constaté, d'autre part, que le salarié avait quitté la France pour un long séjour à l'étranger et s'était ainsi en toute connaissance de cause délibérément soustrait aux convocations faisant sciemment obstacle à la recherche d'un poste approprié à ses capacités, a pu décider que ce manquement réitéré à ses obligations contractuelles rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. ZZGuyen aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille onze.
LE PRÉSIDENT ET RAPPORTEUR
LE GREFFIER DE CHAMBRE
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. ZZGuyen
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. N'Z reposait sur une faute grave, et d'AVOIR en conséquence débouté ce dernier de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU' " en application de l'article L. 1226-12 du code du travail, l'employeur a l'obligation de proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités ; qu'il ne peut lui être reproché, en vertu de son obligation de sécurité de résultat, et après un premier refus, de solliciter des préconisations supplémentaires de la part du médecin du travail, M. Nicolas N'Z ayant souligné son état de santé encore très fragile, et ayant par un courrier du 3 novembre 2006, manifesté son intérêt pour un poste comportant des astreintes en cardiologie alors même que l'avis d'inaptitude le déclarait apte à des fonctions sans exposition aux appels d'urgence ; que M. Nicolas N'Z ne peut alléguer pour justifier son absence, le fait qu'il n'occupait aucun poste de sorte que l'intervention du médecin du travail était sans objet, la mise en demeure du 7 juin indiquant clairement l'objectif de cette visite qui était l'analyse de la possibilité de reclassement ; qu'il ne peut davantage se prévaloir du visa sur la convocation de l'article R. 241-48 du code du travail relatif aux visites médicales d'embauche, une telle mention sur une convocation ne l'exonérant pas de son obligation de répondre à la convocation et au surplus étant visés les articles R. 241-48 et suivants, parmi lesquels l'article R. 241-51 relatif aux visites de reprise ; qu'en toute hypothèse, M. Nicolas N'Z dont le contrat de travail n'était pas suspendu, qui percevait son salaire, qui était soums au pouvoir de direction de l'employeur, et n'était pas en congé, devait se tenir à disposition et déférer à toute convocation ; qu'il a au demeurant dans sa réponse à la convocation à l'entretien préalable admis cette obligation en précisant qu'il n'avait " jamais été question pour (lui) de refuser de se soumettre aux visites de la médecine du travail " ; que M. Nicolas N'Z qui avait quitté la France pour un séjour relativement long à l'étranger, s'y était cependant délibérément soustrait et n'est pas fondé à reprocher à la polyclinique de GRANDE SYNTHE de ne pas avoir, après l'introduction de la procédure de licenciement, organisé une cinquième visite ; qu'il s'agit d'un manquement constitutif d'un acte d'insubordination de la part du médecin propre à rendre impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée du préavis dès lors qu'il se refuse à déférer aux convocations de son employeur ; qu'il y a lieu de considérer que la réitération des convocations devant le médecin du travail, quatre en l'espace de cinq mois, traduit la réelle préoccupation de la polyclinique de GRANDE SYNTHE de reclasser M. Nicolas N'Z et qu'il ne peut être sérieusement soutenu au regard de cette circonstance, que l'employeur recherchait par l'absence de réponse, un autre motif de licenciement que la seule inaptitude ; qu'il convient de constater qu'au contraire, il a fait en sorte, chaque convocation rappelant les précédentes, que cet entretien puisse avoir effectivement lieu, afin de définir l'emploi approprié aux capacités de l'intéressé ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la faute grave non constituée et le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le licenciement pour faute grave prive le salarié de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis " ;
1o) ALORS QUE ne constitue pas une faute grave le fait pour un salarié de ne pas se rendre à une convocation à un examen médical dont l'objet est de vérifier la compatibilité de certains postes pouvant éventuellement lui être proposés à titre de reclassement avec son état de santé ; qu'en cette hypothèse, en effet, il incombe à l'employeur de tirer les conséquences de la non-présentation du salarié à ces entretiens et de le licencier pour inaptitude physique, avec les conséquences légales qui en découlent ; qu'en décidant que le fait pour Monsieur N'Z de ne pas s'être rendu aux visites médicales auxquelles il avait été convié pour envisager son reclassement constituait une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L.1226-10, L.1234-1, L.1234-9 du Code du travail ;
2o) ALORS QU ' est qualifiable de faute grave le comportement du salarié d'une telle gravité qu'il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le fait pour M. N'Z de ne pas s'être rendu à quatre convocations de l'employeur à des visites médicales constituait une faute grave ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que, lorsqu'il avait été convoqué, l'exposant n'occupait aucun poste et se trouvait au Viet-Nam, de sorte que son comportement ne s'opposait manifestement pas à ce que le salarié soit maintenu dans l'entreprise durant son préavis, ce que confirmait d'ailleurs le fait que l'employeur ait attendu plus d'un mois pour procéder au licenciement du salarié, la cour d'appel a violé les articles L.1222-1, L. 1234-1 et L.1234-9 du Code du travail ;
3o) ALORS QUE l'insubordination consiste dans le refus volontaire d'exécuter un ordre de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a imputé à M. N'Z un acte d'insubordination, sans constater qu'il avait eu connaissance des convocations qui lui étaient adressées, ni qu'il savait avant de partir qu'il allait être convoqué ou reconvoqué, ni qu'il pouvait s'y rendre ;
qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettaient donc de caractériser ni le fait que M. N'Z aurait volontairement refusé d'exécuter les instructions de son employeur, ni celui que l'employeur aurait de bonne foi entendu reclasser le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1222-1, L. 1234-1 et L.1234-9 du Code du travail ;
4o) ALORS QUE les juges du fond doivent préciser les pièces sur lesquelles ils se fondent, sans pouvoir se contenter de simples affirmations ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement que M. N'Z s'était soustrait délibérément aux convocations de son employeur, sans préciser sur quelles pièces elle se fondait pour se déterminer ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5o) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE la gravité de la faute imputée au salarié s'apprécie in concreto au regard des circonstances de la faute, de la situation propre du salarié et notamment de son ancienneté dans l'entreprise et de son comportement antérieur ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir qu'il avait exercé pendant trente ans dans la polyclinique, qu'il était âgé de 62 ans au moment des faits et qu'il n'occupait plus aucun poste lors de son licenciement pour avoir été déclaré inapte à l'exercice de sa profession ; qu'en ne recherchant pas si ces éléments n'étaient pas de nature à atténuer la gravité de la faute qui lui était imputée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1222-1, L. 1234-1 et L.1234-9 du Code du travail.
LE GREFFIER DE CHAMBRE