[Textes] Loi de modernisation sociale : la notion de harcèlement moral fait son apparition dans le Code du travail



La loi de modernisation sociale, adoptée définitivement le 19 décembre dernier par l'Assemblée nationale, introduit la notion de harcèlement moral dans le Code du travail. Les salariés disposent désormais d'armes légales pour lutter contre le harcèlement moral au travail. Plusieurs dispositions sont prévues à cet effet.

La définition du harcèlement moral

La loi définit le harcèlement moral à l'article L. 122-49, alinéa 1, du Code du travail. Selon ce texte, "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Il n'est plus question ici d'un harcèlement lié à l'abus d'autorité, comme le prévoyait l'Assemblée nationale en première lecture. Toutes les situations de harcèlement sont envisagées, qu'elles émanent de l'employeur, de son représentant ou des salariés de l'entreprise.

Notons à ce sujet que la loi a étendu cette conception au harcèlement sexuel (jusqu'à présent, les agissements de harcèlement sexuel n'étaient sanctionnés que lorsqu'ils émanaient d'un employeur, de son représentant, ou de toute personne abusant de l'autorité que lui conféraient ses fonctions) ; désormais, le harcèlement sexuel est sanctionné d'une manière générale, comme le harcèlement moral, peu importe la personne dont il émane.

La prévention du harcèlement moral

D'une part, il appartient désormais au chef d'entreprise de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (L. 122-51, du Code du travail), et de protéger la "santé physique et mentale des travailleurs " (L. 230-2, du Code du travail). Le règlement intérieur doit rappeler les dispositions relatives à l'interdiction de toute pratique de harcèlement moral.

D'autre part, les pouvoirs des représentants du personnel sont renforcés afin de lutter contre le harcèlement moral au travail.

En effet, le CHSCT a désormais compétence pour proposer des actions de prévention en matière de harcèlement moral (L. 236-2, al. 6, du Code du travail) ; il a pour mission supplémentaire de contribuer à la protection de la santé "physique et mentale" des salariés (L. 236-2, al. 1, du Code du travail).

Le droit d'alerte des délégués du personnel est applicable en cas de harcèlement moral (L. 422-1-1, du Code du travail). En effet, si un délégué du personnel constate qu'il existe une atteinte à la "santé physique et mentale" des personnes dans l'entreprise, il peut en saisir immédiatement l'employeur.

Enfin, il est prévu que le médecin du travail peut proposer des mesures justifiées par des considérations relatives à l'état de santé physique et mentale des travailleurs (L. 241-10-1, du Code du travail).

La protection du salarié contre le harcèlement moral

L'article L. 122-49, alinéa 2, du Code du travail prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

Cette formulation n'est pas sans rappeler celle prévue par l'article L. 122-46 du Code du travail en cas de harcèlement sexuel.

L'article L. 122-50 prévoit, en outre, que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral tels que définis à l'article L. 122-49, est passible d'une sanction disciplinaire.

La possibilité pour les victimes de faire appel à un médiateur extérieur à l'entreprise

Une procédure de médiation peut être engagée par toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral ou sexuel (L. 122-54, du Code du travail). Le médiateur est choisi en dehors de l'entreprise sur une liste de personnalités désignées en fonction de leur autorité morale et de leur compétence. Les fonctions de médiateur sont incompatibles avec celles de conseiller prud'homal.

Le médiateur convoque les parties qui doivent comparaître en personne dans un délai d'un mois. Il s'informe de l'état des relations entre les parties, il tente de les concilier et leur soumet des propositions. En cas d'échec de la conciliation, il informe les parties des éventuelles sanctions encourues.

Le médiateur dispose des pouvoirs reconnus au conseiller du salarié par les articles L. 122-14-14 à L. 122-14-18 du Code du travail.

Il est tenu à une obligation de discrétion.

L'atteinte à l'exercice régulier des fonctions du médiateur est sanctionné pénalement (emprisonnement d'un an et amende de 37 500 euros ou l'une de ces deux peines seulement).

Le renforcement des pouvoirs des syndicats pour lutter contre le harcèlement

Il est désormais prévu que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de l'article L. 122-46 (harcèlement sexuel) et de l'article L. 122-49 (harcèlement moral) en faveur d'un salarié de l'entreprise ; elles doivent toutefois justifier d'un accord écrit de l'intéressé qui peut toujours intervenir à l'instance et y mettre fin à tout moment (L. 122-53, du Code du travail).

La charge de la preuve du harcèlement

Les règles relatives à la charge de la preuve en matière de harcèlement sexuel ou moral sont identiques. Selon l'article L. 122-52 du Code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Cette démarche semble calquée sur les nouvelles règles de preuve applicables en matière de discrimination.

Le harcèlement moral pénalement sanctionné

Le harcèlement moral devient un délit passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros (art. 222-33-2, du Code pénal).

Toute infraction aux dispositions de l'article L. 122-49 sera punie d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 37 500 euros ou de l'une de ces deux peines seulement (L. 152-1-1, du Code du travail).

L'application des dispositions relatives au harcèlement moral à la fonction publique

Les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public sont également protégés contre le harcèlement moral. La loi prévoit en effet, pour ces derniers, des dispositions similaires à celles prévues à l'article L. 122-49 du Code du travail.

Notons enfin que les marins, les concierges et employés d'immeubles, les employés de maison et les assistantes maternelles sont également concernés par les nouvelles dispositions.

Sonia Koleck-Desautel
Docteur en droit


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