CA Colmar, 4e, B, 13-01-2009, n° 08/01150



Jb/IK RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

MINUTE N° 09/24 AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

ARRÊT DU 13 Janvier 2009

Numéro d'inscription au répertoire général 4 B 08/01150

Pousuin 014 02 et

Décision déférée à la Cour 11 Février 2008 par le CONSEIL DE ctu- 10122 PRUD'HOMMES DE SCHILTIGHEIM

APPELANTE

Mademoiselle Valérie Z


WEYERSHEIM Comparante, représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au

barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/5348 du 18/11/2008 accordée par le bureau d' aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMÉE et APPELANTE INCIDENTE

SA CORA, prise en la personne de son représentant légal,


PARIS
Non comparante, représentée par Me ... de la SCP WACHSMANN - NECKER - BARRAUX - MEYER - HOONAKKER

- ATZENHOFFER - STROHL - LANG - FADY, avocats au barreau de

STRASBOURG

i COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire .a été débattue le 21 Novembre 2008, en audience publique,

devant la Cour composée de

M. ADAM, Président de Chambre,

M. DIE, Conseiller,

Mme WOLF, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats Mme MASSON,

ARRÊT
- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par M. Dominique ADAM, Président de Chambre,

- signé par M. Dominique ADAM, Président de Chambre et Mme Linda MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

- avocats

- délégués syndicaux

-Lpeall Trierais

Le Greffier

Faits et procédure

La société CORA exploite divers magasins à grande surface.

Pour son magasin de Strasbourg, elle embaucha Mme Valérie Z en qualité d'hôtesse de caisse à compter du 29 janvier 2001, puis d'employée commerciale à compter du 1" juillet 2005.

Elle la convoqua à un entretien préalable par lettre recommandée du 29 mai 2007 pour le 06 juin 2007, avec mise à pied à titre conservatoire.

Elle la licencia pour faute grave par une lettre recommandée à effet immédiat du 06 juin 2007 sous la signature de son "manageur comptable", en reprochant à la salariée d'avoir, le 24 mai 2007, accompagnée d'un collègue de travail

- pris un coffret de disques audio-numériques d'une valeur de 17,99euros en réserve ;

- y avoir apposé une étiquette de prix correspondant à un autre article ;

- l'avoir présenté en caisse pour l'acheter au prix de 8,99euros.

Le 21 juillet 2007, Mme Z saisit la juridiction prud'homale en contestant la légitimité de son licenciement.

Le 11 février 2008, par jugement de sa section du commerce, le Conseil de prud'hommes de Schiltigheim retint l'existence d'une faute grave. Il débouta Mme Z de ses prétentions sauf pour condamner la société CORA à lui payer la somme de 1.330euros pour non respect de la procédure de licenciement, et condamner les deux parties à égalité à supporter les frais et dépens.

Le 15 février 2008, Mme Z interjeta régulièrement appel de ce jugement.

A l'audience, Mme Z invoque à titre principal la nullité du licenciement en ce que la lettre de licenciement n'a pas été signée par le président de la société intimée qui seul pouvait la représenter. Pour le reste, elle fait oralement développer ses conclusions déposées le 19 juin 2008 par lesquelles elle a contesté la régularité de la procédure de licenciement et l'existence d'une faute grave. Elle demande à la Cour

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société CORA à verser 1.330euros pour non respect de la procédure de licenciement ;

- de l'infirmer pour le surplus, de prononcer l'annulation du licenciement et de condamner la société CORA

* à payer 15.960euros à titre de dommages et intérêts, 2.660euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 563,04euros au titre de la mise à pied conservatoire, 716,70euros au titre de l'indemnité de licenciement, 665euros au titre du treizième mois, 526,20euros au titre du droit individuel à la formation, et 1.500euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (Mme Z renonçant à ses prétentions en application de l'article 700 du Code de procédure civile),

* à délivrer des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100euros par jour et par document.

La société CORA fait oralement développer ses conclusions déposées le 12 septembre 2008 en réplique et au soutien d'un appel incident. Elle soutient la régularité de la procédure de licenciement et l'existence d'une faute grave. Elle demande à la Cour d' infirmer le jugement entrepris pour débouter la salariée appelante de toutes ses prétentions.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs moyens et prétentions.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la contestation de la régularité de la procédure de licenciement

L'entretien préalable au licenciement d'un salarié revêt un caractère strictement individuel qui exclut la possibilité d'avoir recours à un entretien de groupe, même si les faits reprochés sont identiques. La présence de plusieurs salariés ne peut être assimilée à l'assistance du salarié qui est prévue par l' article L 122-14 devenu l'article L 1232-4 du Code du travail (cass. soc. 23 avril 2003).

En l'espèce, pour contester la régularité de la procédure de licenciement, Mine Z reproche à la Société CORA d'avoir conduit l'entretien préalable à son licenciement en même temps que celui de son collègue M. ... auquel les mêmes faits étaient imputés.

La société CORA admet la réalité de cette circonstance de l'entretien préalable tenu le 6 juin 2007 et se limite à soutenir que les deux salariés se sont mutuellement assistés.

Mais, comme l'a déjà considéré la Cour de céans par arrêt du 11 septembre 2008 relatif au licenciement de M. ..., cette manière de procéder s'analyse en un entretien collectif dès lors que les deux salariés étaient également visés par une mesure de licenciement.

Il en résulte une irrégularité de la procédure de licenciement.

En application de l'article L 1235-2 du Code du travail, Mme Z est fondée à obtenir une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Au vu des éléments lacunaires qu'elle produit sur l'étendue du préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement, il y a lieu de fixer l'indemnité à 1.000euros.

Sur la contestation de la validité du licenciement

Selon l'article L 1232-6 du Code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre de licenciement doit être signée (cass. soc. 29 juin 1999). L'absence de qualité à agir du signataire de la lettre de licenciement constitue une irrégularité de fond qui rend nul le licenciement.

En l'espèce, l'employeur intimé CORA à la forme d'une société par action simplifiée qui est représentée, en application de l'article L 227-6 du Code de commerce, par son président et, si les statuts le prévoient, par un ou plusieurs directeurs généraux ou directeurs généraux délégués.

Or la lettre de licenciement du 6 juin 2007 a été signée par le seul "manageur comptable" de l'entreprise, dont il n'est justifié ni même prétendu qu'il ait jamais été délégué dans les pouvoirs des représentants légaux ou statutaires de la Société CORA.

Il s'ensuit que, comme le fait valoir la salariée appelée, le signataire de la lettre de licenciement n'avait pas qualité pour prononcer le licenciement.

Ce défaut de qualité entraîne la nullité du licenciement de Mme Z.

Dès lors que la salariée appelante a été victime de ce licenciement nul et qu'elle ne réclame pas sa réintégration dans l'entreprise, elle a droit aux indemnités de rupture d'une part, et à une indemnité réparant l'intégration du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L 122-14-4 devenu l'article L 1235-3 du Code du travail (cass. soc. 27 juin 2000 n° 98-43.439).

Au premier chef, la salariée est fondée à obtenir des dommages et intérêts pour un montant qui ne peut être inférieur, par référence à l'article L 1235-3, aux six derniers mois de salaire. Au vu des éléments lacunaires qu'elle produit sur l'étendue de son réel préjudice, il y a lieu de fixer le montant à 9.000 euros.

Au deuxième chef, la salariée appelante est fondée à obtenir une indemnité compensatrice de la période de préavis dont l'employeur ne pouvait la priver, soit le montant de 2.660 euros qu'elle chiffre exactement et qui n'est pas critiqué en son calcul.

Au troisième chef la salariée appelante est fondée à obtenir la rémunération de la période de mise à pied conservatoire, qui n'était pas justifiée en l'absence d'une sanction valide de la faute grave invoquée, et ce pour le montant de 563,04 euros qu'elle réclame exactement et qui n'est pas critiqué en son calcul.

Au quatrième chef, la salariée appelante est fondée à obtenir une indemnité de licenciement pour le montant de 716,70 euros qu'elle chiffre exactement au prorata de son ancienneté dans l'entreprise et qui n'est pas non plus critiqué en son calcul.

Enfm la société CORA doit être tenue de délivrer un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi conformes aux énonciations du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir d'une astreinte l'exécution de cette obligation.

Sur les autres prétentions de la salariée

En premier lieu, la salariée appelante réclame un montant correspondant à la prime annuelle qu'elle percevait, dite de treizième mois, au prorata de son temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année 2006.

La société intimée tente d'objecter que selon les termes de l'article 3-8.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, applicable aux relations contractuelles des parties, selon lesquels le

- s - bénéfice de la prime annuelle suppose d'être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au montant du ou des versements.

Mais, faute pour la société intimée de justifier des date de versement de la prime annuelle, et de démontrer que Mme Z n'était plus titulaire d'un contrat de travail en vigueur à ces dates, elle ne peut se soustraire à son obligation de payer la prime prévue à la convention collective.

Il s'impose donc de faire droit à la demande de la salariée pour le montant de 665 euros qu'elle chiffre exactement sans être critiquée en son calcul.

En second lieu, la salariée appelante réclame une indemnité de 526,20 euros correspondant aux 60 heures qu'elle avait acquises au titre du droit individuel à la formation.

La société intimée fait valoir que cette indemnité est exclue en cas de licenciement pour faute grave.

Mais, dès lors que le licenciement de Mme Z est nul, la société intimée ne peut se dispenser de payer le montant dû.

Sur les dispositions accessoires

En application de l'article 696 du Code de procédure civile, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de la société intimée qui succombe.

En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dès lors que la société intimée est tenue aux dépens, il y a lieu de lui faire supporter une part des frais non compris dans les dépens que la salariée appelante aurait exposés si elle n'avait pas obtenu l'aide juridictionnelle, et de la condamner à la payer à l'avocat de la salariée.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir statué conformément à la loi,

DÉCLARE recevables l'appel principal et l'appel incident ; INFIRME le jugement entrepris ;

DÉCLARE irrégulière la procédure de licenciement suivie à l'égard de Mme Valérie Z ;

DÉCLARE nul le licenciement prononcé à l'égard de Mme Valérie Z ;

CONDAMNE la société CORA à verser à Mme Valérie Z

- la somme de 1.000euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- la somme de 9.000euros (neuf mille euros) à titre de dommages et intérêts pour nullité de la décision de licenciement,

· - la somme de 2.660euros(deux mille six cent soixante euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- la somme de 563,04euros(cinq cent soixante trois euros et quatre centimes) bruts en rémunération de la période de mise à pied injustifiée,

- la somme de 716,70euros (sept cent seize euros et soixante dix centimes) bruts à titre d'indemnité de licenciement,

- la somme de 665euros (six cent soixante cinq euros) bruts au titre de la prime annuelle pour 2006,

- la somme de 526,20euros (cinq cent vingt six euros et vingt centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice du droit individuel à la formation ;

CONDAMNE la société CORA à délivrer à Mme Valérie Z un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi conformes aux énonciations du présent arrêt ;

CONDAMNE la société CORA à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société CORA à verser à Me C. ..., avocat au barreau de Paris, la somme de 1.500euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Le Greffier, Le Président,