Cass. soc., 28-10-2009, n° 08-42.748, F-D, Cassation partielle



SOC.

PRUD'HOMMES

IK

COUR DE CASSATION

Audience publique du 28 octobre 2009

Cassation partielle

M. TREDEZ, conseiller le plus ancien

faisant fonction de président

Arrêt n° 2099 F D

Pourvoi n° F 08-42.748

Aide juridictionnelle totale en défense au profit de M. Jean-Baptiste Z.

Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 19 décembre 2008.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Groupe Lauak, société à responsabilité limitée, dont le siège est Ayherre,

contre l'arrêt rendu le 14 avril 2008 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Jean-Baptiste Z, domicilié Ayherre, défendeur à la cassation ;

Le défendeur au pourvoi principal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 30 septembre 2009, où étaient présents M. Trédez, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Chollet, Frouin, conseillers, Mme Wurtz, conseiller référendaire, M. Allix, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Trédez, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Groupe Lauak, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Z, les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur

Vu les articles L. 1234 1 et L. 1234 9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z, engagé le 1er décembre 1999 par la société Lauak, en qualité de technicien de maintenance, a été victime, le 6 décembre 2000, d'un accident du travail ; qu'à partir du mois d'avril 2004 il a cessé d'adresser à son employeur des arrêts de travail, sans pour autant revenir à son poste de travail ; qu'après une première visite de reprise le 15 octobre 2004, à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclaré temporairement inapte, le salarié n'a pas déféré à plusieurs convocations émanant du médecin du travail et de son employeur ; qu'il a été licencié le 7 février 2005 pour faute grave motivée par son absence injustifiée depuis le 2 avril 2004 et son opposition réitérée à effectuer auprès de la médecine du travail les visites médicales ;

Attendu que pour dire que le licenciement était nul et condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes, l'arrêt retient que l'employeur ne peut reprocher au salarié son absence injustifiée depuis le 2 avril 2004 alors qu'il était destinataire d'un premier certificat d'inaptitude du 15 octobre 2004 et qu'il restait dans l'attente du second, que le salarié a été convoqué le 22 novembre 2004 à la seconde visite médicale de reprise dont il a demandé le report, qu'il a été convoqué à nouveau pour le 24 novembre puis le 3 décembre 2004, que l'employeur l'a mis en demeure par lettre du 5 janvier 2005 de se présenter à l'infirmerie de l'entreprise le 12 janvier 2005 tandis que le médecin du travail le convoquait le 1er février 2005 dans ses propres locaux le 17 février, que cette incohérence requérait des explications qui font singulièrement défaut en l'espèce, que compte tenu du contentieux qui opposait les parties, le salarié pouvait préférer déférer à l'injonction de la médecine du travail plutôt qu'à celle de l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que constitue une faute grave le fait pour un salarié qui s'abstient, sans motif, après la première visite de reprise, de se rendre aux convocations à la deuxième visite médicale de reprise malgré une mise en demeure de son employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation prononcée sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur rend sans objet le moyen du pourvoi incident du salarié ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement nul et condamné la société Lauak à payer à M. Z diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour nullité de licenciement, l'arrêt rendu le 14 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. Z aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Lauak ;

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat était nulle et de nul effet et d'avoir en conséquence condamné la société Lauak à payer à Monsieur Z des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour nullité du licenciement ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur ne peut reprocher à son salarié une absence injustifiée alors qu'il connaissait parfaitement les raisons de l'absence de Monsieur Z ; que l'employeur ne peut reprocher au salarié une absence injustifiée depuis le 2 avril 2004 alors qu'il était destinataire d'un premier certificat d'inaptitude du 15 octobre 2004 et qu'il restait dans l'attente du second ; que sur le refus réitéré du salarié de se présenter à la visite de reprise, Monsieur Z a, le 22 novembre 2004, été convoqué à la seconde visite médicale de reprise, dont il a demandé le report ; qu'il était re-convoqué pour le 24 novembre 2004, convocation à laquelle il ne déférait pas ; qu'il était à nouveau re-convoqué le 3 décembre 2004 ; que par un courrier du 5 janvier 2005 l'employeur mettait en demeure le salarié de se présenter à l'infirmerie de l'entreprise le 12 janvier 2005 ; que par un courrier du 1er février 2005, le médecin du travail le convoquait à une nouvelle visite dans ses locaux le 17 février 2005 ; que cette incohérence requérait à tout le moins des explications qui font singulièrement défaut en l'espèce ; qu'enfin compte tenu du contentieux qui opposait les parties (notamment la nature d'accident du travail de l'affection ophtalmologique dont souffrait Monsieur Z), le salarié pouvait préférer déférer à l'injonction de la Médecine du Travail plutôt qu'à celle de l'employeur ;

ALORS, D'UNE PART, QUE justifie la rupture immédiate du contrat de travail l'acte d'insubordination d'un salarié caractérisé par le non-respect des règles de sécurité, consistant dans le refus persistant de se présenter aux nombreuses convocations de la médecine du travail, en dépit d'une lettre de mise en demeure de son employeur ; qu'il résulte des constatations de la Cour d'appel, que Monsieur Z ne s'est pas rendu aux visites médicales de reprise des 22 novembre, 24 novembre, 3 décembre 2004 et 12 janvier 2005, malgré la lettre de mise en demeure de son employeur du 5 janvier 2005 et qu'il a ainsi fait obstruction pendant une longue période à l'application des dispositions légales et réglementaires relatives à la médecine du travail ; qu'en décidant néanmoins que la faute grave n'était pas caractérisée, la Cour d'appel a violé les articles L122-6, L.122-9 et R.241-51 anciens du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue une faute grave pour absence injustifiée le fait pour un salarié qui postérieurement à l'expiration de la prolongation de son arrêt de travail, s'abstient pendant près de trois mois et demi après la première visite de reprise, en dépit d'une lettre recommandée de son employeur, de se rendre aux nombreuses convocations de deuxième visite médicale de reprise, sans apporter de nouvelle justification à son absence ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel a violé les articles L.122-6 et L.122-9 du Code du travail ;

ALORS, ÉGALEMENT, QUE pour décider que la faute grave n'était pas caractérisée, la Cour d'appel a énoncé qu'il existait une incohérence entre deux courriers reçus par le salarié la convocation de l'employeur du 5 janvier 2005 à une visite de reprise fixée au 12 janvier 2005 à l'infirmerie de l'entreprise et celle de la médecine du travail du 1er février 2005 à une visite de reprise fixée au 17 février 2005 dans ses propres locaux ; qu'en se prononçant de la sorte alors qu'il ressort de façon claire et précise des pièces que la seconde lettre de convocation a fait suite à la première, le salarié ne s'étant, de nouveau, pas présenté à l'examen médical fixé par la première, et qu'il n'existait aucune incohérence entre ces deux documents, la Cour d'appel en a dénaturé le sens, en violation de l'article 1134 du Code civil.

Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. Z ;

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 2.257,28 euros la somme allouée à Monsieur Z à titre de préavis, outre 226,73 euros à titre de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE pour un salaire brut de 1 133.64 et pour une ancienneté de plus de 2 ans de services continus à la date du licenciement, le salarié a droit à une indemnité de préavis calculée comme suit 1/12/1999 - 6/12/2000 accident du travail 1 an assimilation de la période d'accident du travail à une période de travail effectif (article L 22.4 du Code du Travail) - 1 133,64 x 3 = 2 267,28 ; indemnité de congés payés 226,73 ;

ALORS QUE la multiplication de la somme de 1.133, 64 euros par trois correspond à 3.400,92 euros ; que la Cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, juger que le salarié avait droit à la somme de 1.133,64 euros multipliée par trois tout en lui allouant la somme de 2 267,28 euros ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.