Cass. soc., 15-12-2015, n° 13-27.793, F-D, Cassation partielle



SOC. CH.B COUR DE CASSATION

Audience publique du 15 décembre 2015

Cassation partielle

M. MALLARD, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Arrêt n 2083 F D Pourvois n D 13-27.793 et E 13-27.794 JONCTION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur les pourvois n D 13-27.793 et E 13-27.794 formés par

1 / Mme Z Z, domiciliée Marolles-les-Braults,

2 / Mme Y Y, domiciliée René,

3 / Mme X X, domiciliée Piacé, 4 / Mme W W, domiciliée Souligné-sous-Ballon
5 / Mme V V, domiciliée Le Mans,

6 / Mme U U, domiciliée Ancinnes,

7 / Mme T T, domiciliée Courgains,

8 / Mme S S, domiciliée Doucelles,

9 / M. R R, domicilié Dangeul,

10 / M. Q Q, domicilié Saint-Rigomer-des-Bois,

11 / M. P P, domicilié Grandchamp,

12 / M. O O, domicilié René,

13 / Mme W W, domiciliée Saint-Rémy-du-Val,

14 / Mme N N, domiciliée Rouperroux-le-Coquet,

15 / M. M M, domicilié Saint-Rémy-du-Val,

16 / Mme L L, domiciliée Bonnétable,

17 / Mme K K, domiciliée Marolles-les-Braults,

18 / Mme J J, domiciliée Courgains,

19 / Mme Z Z, domiciliée Marolles-les-Braults,

20 / Mme L L, domiciliée Ancinnes,

21 / Mme I I, domiciliée Saint-Germain-sur-Sarthe,

22 / Mme H H, domiciliée Saint-Mars-sous-Ballon,

23 / Mme G G, domiciliée Fresnay-sur-Sarthe,

24 / Mme F F, domiciliée Bonnétable,

25 / Mme E E, domiciliée Saint-Cosme-en-Vairais,

26 / Mme N N, domiciliée Maresché,

27 / Mme D D, domiciliée Fye,

28 / M. C C, domicilié Alençon,

29 / Mme B B, domiciliée Fresnay-sur-Sarthe,

contre deux arrêts rendus le 22 octobre 2013 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans les litiges les opposant à la société RPC Beauté Marolles, société par actions simplifiée, dont le siège est Marolles-les-Braults,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 novembre 2015, où étaient présents M. Mallard, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Ballouhey, conseiller rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ballouhey, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mmes ..., Y, X, ..., V, U, T, S, W, N, L, K, J, Z, L, I, H, G, F, E, N, D et B et de MM. R, Q, P, O,

Dupont et Missbah, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés RCP Beauté et RPC Beauté Marolles, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois D 13-27.793 et E 13-27.794 ;

Donne acte à M. ..., Mmes ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ... et ... de leur désistement de pourvoi ;

Sur le moyen unique

Vu l'article 14 B 3) de l'avenant " Mensuels " de la convention collective de la métallurgie de la Sarthe, l'accord d'entreprise dénommé " de progrès sur l'aménagement et la réduction du temps de travail " des 13 juillet 2000 et 3 octobre 2001, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme ZZ, M. R et vingt-sept autres salariés de la société RPC Beauté Marolle ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de rappel de salaire notamment pour non-respect du salaire minimum garanti de la convention collective applicable ;

Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts retiennent qu'il ressort de l'analyse des accords ci dessus que la société RPC Beauté Marolles et les organisations syndicales représentatives signataires ont entendu inclure la rémunération des temps de pause accordée à l'ensemble des salariés non cadres de l'entreprise dans " les éléments bruts de salaire figurant sur le bulletin de paie et supportant les cotisations de la sécurité sociale ", que cette rémunération conventionnelle du temps de pause n'est pas au nombre des éléments limitativement exclus par la dite convention collective et que les partenaires sociaux ont incontestablement intégré le temps de pause dans la base de calcul des salaires minima ;

Attendu cependant que ce temps de pause rémunérée défini par l'accord d'entreprise comme un temps où le salarié ne participe pas à l'activité de l'entreprise et dont il garde la maîtrise ne constitue pas un temps de travail effectif ; qu'il en résulte qu'en l'absence de dispositions contraires expressément mentionnées par la convention collective, seules les sommes perçues en contrepartie du travail doivent être prises en compte dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum conventionnel garanti ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;



PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent Mmes ZZ, Y, X, ..., V, U, T, S, MM. R, Q, P, O, M, C, ... ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ... et ... de leurs demandes de rappel de salaire minimum conventionnel et de congés payés afférents, les arrêts rendus le 22 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société RPC Beauté Marolles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société RPC Beauté Marolles à payer à Mmes ZZ, Y, X, ..., V, U, T, S, MM. R, Q, P, O, M, C, ... ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ... et ... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit aux pourvois n D 13-27.793 et E 13-27.794 par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mmes ZZ, Y, X, ..., V, U, T, S, W, N, L, K, J, Z, L, I, H, G, F, E, N, D et B et MM. R, Q, P, O, M et C.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés exposants de leurs demandes de rappel de salaire minimum conventionnel et de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE " Les règles applicables sont différentes selon qu'il est question de salaire minimum conventionnel ou de salaire minimum légal, en ce que, dans le premier cas, il appartient aux partenaires sociaux de déterminer les sommes entrant dans la composition dudit salaire minimum conventionnel, la comparaison s'opérant ensuite entre le salaire versé et le salaire minimum conventionnel ainsi défini.

Par conséquent, dès lors que la convention collective applicable énumère les éléments de rémunération à exclure de la comparaison afin de s'assurer du respect dudit salaire minimum conventionnel, il en résulte que tous les autres éléments, quand bien même ils ne constituent pas une contrepartie du travail, doivent être pris en considération.

La convention collective de la métallurgie de la Sarthe, dans le cadre de son avenant " Mensuels " qui concerne spécifiquement les ouvriers, employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise régis par cette convention collective, institue une " garantie de rémunération effective " annuelle pour chacun des salariés précités.

Il est stipulé que " pour l'application des garanties de rémunération effective...., il sera tenu compte de l'ensemble des éléments bruts de salaires quelles qu'en soient la nature et la périodicité, soit de toutes les sommes brutes figurant sur le bulletin de paye et supportant des cotisations en vertu de la législation de Sécurité Sociale, à l'exception de chacun des éléments suivants

- prime d'ancienneté prévue à l'article 16 de l'avenant " Mensuels ",

- majorations d'incommodités, pour travail exceptionnel un jour férié, prévues à l'article 11 de l'avenant " Mensuels " ;

- majorations d'incommodités prévues à l'article 18 de l'avenant " Mensuels ", - majorations d'incommodité pour travail exceptionnel de nuit ou de dimanche prévues à l'article 20 de l'avenant " Mensuels ", - primes et gratifications ayant un caractère exceptionnel et bénévole ", outre " les participations découlant de la législation sur l'intéressement et n'ayant pas le caractère de salaire, ainsi que les sommes... constituant un remboursement de frais ".

Depuis cet avenant qui résulte d'un accord en date du 19 avril 1991, la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est venue transposer en son article 6 l'article 4 de la directive communautaire 93/104 du 23 novembre 1993, qui spécifie que " les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures d'un temps de pause dont les modalités et, notamment la durée et les conditions d'octroi sont fixées par des conventions collectives ou accords conclu entre partenaires sociaux, ou à défaut, par la législation nationale ". C'est à la suite que l'article L. 220-2 du code du travail, recodifié sous l'article L. 3121-33, est entré en vigueur, article qui dispose, dans sa rédaction de l'époque, que " Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes, sauf dispositions conventionnelles plus favorables fixant un temps de pause supérieur ".

Postérieurement, dans le cadre toujours de la réduction du temps de travail, est intervenue la loi du 19 janvier 2000 qui a posé le principe d'une garantie d'évolution du pouvoir d'achat des salariés au SMIC lors du passage aux 35 heures hebdomadaires.

C'est dans ce contexte qu'il a été conclu au sein de la société RPC Beauté Marolles un accord d'entreprise, dénommé " de progrès sur l'aménagement du temps de pause des salariés sont libellés en ces termes

" Les parties signataires ont entendu définir avec précision les temps de pause en dehors de toute inclusion ou exclusion supplémentaire.

Ils sont considérés comme des temps où le salarié ne participe pas à l'activité de l'entreprise et dont il garde la maîtrise. Celui-ci, dans la limite d'une durée quotidienne de 30 minutes (pour 6h00 travaillées au minimum) et tout en étant exclu du temps de travail effectif, est rémunéré et ouvert à l'ensemble des personnels, à l'exclusion des cadres rémunérés de façon forfaitaire à la journée.

Ces personnels, en équipe ou de journée, administratifs ou de production, en bénéficient.

Pour les personnels postés, le temps pause dit de casse-croûte est pris en une fois -sauf exceptions- en fonction des impératifs liés à l'organisation de la production. Dans la mesure du possible en semaine, et afin de ne recourir à l'ouverture à des temps de production le week-end que dans les cas strictement nécessaires.

Afin de prendre en compte la spécificité des horaires prolongés (12h00 de présence continue) des équipes le week-end, le temps de pause est de 40 minutes.

Pour les personnels en horaire de journée, le temps de pause quotidien sera à prendre en une ou plusieurs fois à l'initiative du salarié, dans la limite des contraintes liées à la bonne continuité du service. Il est évalué forfaitairement à 30 minutes par jour complet de travail. Ce temps de pause ne se confond pas avec les interruptions obligatoires destinées au déjeuner et ne peut être pris en début ou fin de chaque journée ou demi-journée.

Pour l'ensemble des personnels bénéficiaires, le temps de pause est décompté distinctement sur le bulletin de paie. Il est rémunéré au même taux horaire que le temps de travail effectif. Cependant son découplage du salaire de base n'a aucune incidence sur l'ensemble des éléments de calcul et de versement des différents éléments de rémunération et de charges sociales ".

Il apparaît de la rédaction de ce dernier paragraphe, et plus particulièrement de sa dernière phrase rapportée à l'article susvisé de l'avenant " Mensuels " à la convention collective de la métallurgie de la Sarthe, que la société RPC Beauté Marolles et les organisations syndicales représentatives signataires ont entendu inclure la rémunération de ce temps de pause accordée à l'ensemble des salariés non cadres de l'entreprise dans les " éléments bruts de salaire figurant sur le bulletin de paie et supportant les cotisations de la sécurité sociale " ou plus simplement, les cotisations sociales.

Dès lors que cette rémunération conventionnelle du temps de pause n'est pas au nombre des éléments limitativement exclus par ladite convention collective, la société RPC Beauté Marolles est, dans ces conditions, en droit de l'inclure dans l'assiette de calcul de la " garantie de rémunération effective " annuelle ou rémunération annuelle garantie.

Par voie de conséquences, (les salariés) en ce qu'ils fondent leur demande de rappel de salaire minimum conventionnel, que ce soit à titre principal ou à titre subsidiaire, sur un raisonnement erroné, soit sur le fait que leur employeur n'aurait pas pu tenir compte de la rémunération conventionnelle du temps de pause dans le calcul du salaire minimum garanti, doivent en être déboutées ",

ALORS D'UNE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens relevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être rapporté la preuve contraire ; qu'en faisant application de l'article 14 B 3) de l'avenant " Mensuels " de la convention collective de la métallurgie de la Sarthe quand il ressortait de ses propres énonciations que les conclusions des parties étaient reprises à l'audience et que, dans celles-ci, ni les salariés, ni l'employeur ne se prévalaient de l'application de l'avenant " Mensuels ", la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile.

ALORS D'AUTRE PART QU' en tout état de cause, en considérant que la rémunération conventionnelle du temps de pause devait être incluse dans l'assiette de calcul du salaire servant de comparaison avec " la garantie de rémunération effective annuelle ", la cour a violé l'article 14 B 3) de l'avenant " Mensuels " de la convention collective de la métallurgie de la Sarthe ainsi que l'accord d'entreprise dénommé " de progrès sur l'aménagement et la

réduction du temps de travail " signé par les partenaires sociaux les 13 juillet 2000 et 3 octobre 2001.