Cass. soc., 14-01-2009, n° 06-46.055, FS-D, Rejet



SOC.

PRUD'HOMMES

CH.B

COUR DE CASSATION

Audience publique du 14 janvier 2009

Rejet

Mme COLLOMP, président

Arrêt n° 63 FS D

Pourvoi n° J

06-46.055

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Christine Z, domiciliée Paris,

contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2006 par la cour d'appel de Paris (18e chambre D), dans le litige l'opposant à l'association Centre régional de formation multiprofessionnel, dont le siège est Paris,

défenderesse à la cassation ;

L'association Centre régional de formation multiprofessionnel a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 décembre 2008, où étaient présents Mme Collomp, président, M. Marzi, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, MM. Bailly, Chauviré, Blatman, Béraud, Gosselin, Linden, conseillers, Mme Martinel, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Marzi, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme Z, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'association Centre régional de formation multiprofessionnel, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2006), qu'engagée en qualité de formatrice temporaire par l'association le Centre régional de formation multiprofessionnel (le CERFAL), selon contrat à durée déterminée "conclu dans le cadre du remplacement de Mme Mutombo ... habituellement employée sur ce poste, soit du 9 novembre 1998 jusqu'au retour effectif de Mme Mutombo ...", Mme Z a signé le 11 janvier 1999 un contrat à durée indéterminée à temps complet lui confiant un poste de chargée de communication qu'elle a occupé jusqu'au 1er septembre 2001, date à partir de laquelle elle a exercé, toujours à temps plein, des fonctions de formatrice en anglais ; que licenciée pour motif économique le 3 août 2005, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et demander paiement de l'indemnité de requalification et d'un rappel de salaire avec congés payés afférents ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à ce que soit constatée et réparée l'inégalité de traitement salarial dont elle a été victime, alors, selon le moyen

1°/ que l'égalité de traitement doit être assurée entre les travailleurs à temps plein et les travailleurs à temps partiel ; que la cour d'appel, pour dire que l'inégalité de traitement était objectivement justifiée, a tenu compte du fait qu'elle consacrait à son travail une durée différente de celle des autres salariés, alors même que le litige portait sur la différence du taux horaire brut, et non sur le montant de la rémunération mensuelle ; qu'en retenant le critère tiré de la durée du travail pour justifier la différence de rémunération horaire qu'elle a constaté, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 140-2, L. 133-5 alinéa 4, L. 136-2 alinéa 8 et L. 212-4-5 du code du travail ;

2°/ que la cour d'appel, pour dire que l'inégalité de traitement constatée entre les rémunérations horaires des salariés comparés à elle et la sienne était objectivement justifiée, a retenu que ni les diplômes de ces salariés, ni leurs expériences professionnelles, n'étaient équivalents ; qu'en prenant en compte ces critères inopérants, quand il lui appartenait seulement de rechercher si le travail accompli était différent et pouvait servir de justification objective à une telle inégalité. la cour d'appel a violé les articles L. 140-2, L. 133-5 alinéa 4, L. 136-2 alinéa 8 et L. 212-4-5 du code du travail ; qu'en tout cas, en ne recherchant pas si les tâches confiées à ces salariés étaient différentes quant à leur nature, leur difficulté, et leur niveau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que, bien que classés aux mêmes niveau et coefficient, les formateurs avec lesquels la salariée revendiquait une égalité de rémunération, n'avaient pas la même expérience professionnelle et le même niveau de formation et accomplissaient des tâches rémunérées de nature différente, a, par ces seuls motifs et sans méconnaître le principe "à travail égal, salaire égal ", justifié légalement sa décision ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur

Attendu que le CERFAL fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme Z une somme au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée conclu le 9 novembre 1998, alors, selon le moyen, que la seule mention que le contrat est conclu pour la durée de l'absence d'une salariée nommément désignée et jusqu'au retour de celle-ci suffit à la régularité du contrat au regard de la durée envisagée du contrat à durée déterminée ; qu'il n'est pas nécessaire qu'il précise ni une durée minimum particulière ni que la salariée remplacée est en congé maternité, le nom de la salariée remplacée permettant au juge et aux parties de savoir que la durée minimum du remplacement sera le délai légal du congé maternité ; qu'en exigeant de telles mentions supplémentaires purement formelles, la cour d'appel a violé les articles L. 122-3-1 et L. 120-4 du code du travail ;

Mais attendu que les contrats conclus sans terme précis pour pourvoir au remplacement de salariés absents doivent comporter une durée minimale ; que la cour d'appel qui a constaté que la salariée avait été engagée le 9 novembre 1998, par contrat à durée déterminée afin de remplacer une salariée absente jusqu'à son retour effectif, sans qu'il ait été fait mention d'une durée minimale, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme Z.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Z de ses demandes tendant à ce que soit constatée et réparée l'inégalité de traitement salarial dont elle a été victime.

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article L. 140-2 du Code du travail, tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Cette règle constitue une application du principe général 'à travail égal, salaire égal', rappelé par les articles L. 133-5 a.4 et L. 136-2 a.8 du Code du travail ; il s'en déduit que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un et l'autre sexe, pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique et effectuent un même travail ou un travail de valeur égale ; selon l'article L. 140-2 a. 3 du Code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrés par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. Cette règle est également applicable pour la mise en oeuvre du principe 'à travail égal, salaire égal' lorsque les travailleurs concernés sont du même sexe ; en application de l'article 1315 du Code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre aux juges les éléments de fait susceptible de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; Mme Z compare sa situation avec celle des quatre autres formateurs, comme elle engagés sous contrat de travail à durée indéterminée, dispensant des cours d'anglais, classés niveau E1 avec coefficient 240 et percevant une rémunération horaire brute supérieure à la sienne Mmes ... et ..., MM. ... et .... L'employeur ne conteste pas cet état de fait, qui est susceptible de traduire une inégalité de traitement au niveau de la rémunération au détriment de la salariée. Toutefois, il y a lieu de rappeler que par arrêt du 26 juin 2001 (Susanna Brunnhofer), la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour droit que 'Le principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins énoncé à l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et précisé par la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, doit être interprété de la manière suivante le fait que le travailleur féminin qui prétend être victime d'une discrimination fondée sur le sexe et le travailleur masculin de référence sont classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective régissant leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés exercent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des articles 119 du traité et 1er de la directive 75/117, cette circonstance ne constituant qu'un indice parmi d'autres que ce critère est rempli' ; cette règle est également applicable pour la mise en oeuvre du principe 'à travail égal, salaire égal' lorsque les travailleurs concernés sont du même sexe ; Mme Z est la seule des cinq salariés comparés à travailler à temps complet, les quatre autres exerçantà temps partiel. Cette circonstance a une incidence sur les temps respectifs consacrés aux cours, aux préparations, et aux activités annexes. Par exemple, Mme Z consacrait 52% de son temps de travail aux cours d'anglais proprement dits, alors que Mme ... y consacrait 72 % et que M. ... n'était rémunéré que pour les cours donnés (391 heures/an). La nature des tâches rémunérées accomplies par ces trois salariés n'étaient donc pas identique ; en plus de l'enseignement de la langue anglaise quelle effectuait comme ses quatre autres collègues, Mme ... était contractuellement chargée de plusieurs missions référence TOEIC, référent élèves handicapés, accompagnement de groupes à l'étranger, préparation d'une réforme méthodologique ; l'ancienneté dans l'entreprise de Mme Z était en juillet 2005 de 6 ans et 7 mois. Celles de Mme ... (8 ans et 6 mois), de Mme ... (9 ans et 9 mois) et de M. ... (7 ans et 3 mois) étaient supérieures. Cette ancienneté n'était pas prise en compte au niveau de la rémunération par une prime spécifique ; Mme Z a une formation du niveau maîtrise, alors que Mme ..., M. ..., et M. ... ont des diplômes de troisième cycle ; Mme Z a enseigné essentiellement en collège et lycée alors que Mme ... est enseignant vacataire à l'université de la Sorbonne et que M. ... a également enseigné en université ; ainsi, la formation de base et l'expérience professionnelle de Mme Z ne sont ni identiques ni égales à celles de ces trois salariés ; le salarie de référence retenu pour M. ... inclut 12% de congés payés, ce qui n'est pas le cas de celui retenu pour Mme Z ; il s'ensuit que, bien que relavent de la même classification et étant désignés tous comme enseignants en langue anglaise, Mme Z, Mme ..., Mme ..., M. ... et M. ... ne sont pas dans une situation identique et n'accomplissent pas des travaux de valeur égale, la disparité de traitement entre eux étant justifiée par des éléments tenant à l'ancienneté, aux horaires (Temps partiel/Temps plein), au contenu des tâches rémunérées (proportion respective AF/PR/PR - missions spécifiques), à la formation de base et aux diplômes obtenus, au niveau et à la diversification de l'expérience professionnelle ; la preuve est donc rapportée que l'apparente inégalité de traitement de ces salariés en ce qui concerne leur rémunération s'explique par des critères objectifs, pertinents et matériellement vérifiables ; il n'est dès lors pas caractérisé en l'espèce d'inégalité de traitement au préjudice de Mme Z.

ALORS QUE l'égalité de traitement doit être assurée entre les travailleurs à temps plein et les travailleurs à temps partiel ; que la cour d'appel, pour dire que l'inégalité de traitement était objectivement justifiée, a tenu compte du fait que la salariée consacrait à son travail une durée différente de celle des autres salariés, alors même que le litige portait sur la différence du taux horaire brut, et non sur le montant de la rémunération mensuelle ; qu'en retenant le critère tiré de la durée du travail pour justifier la différence de rémunération horaire qu'elle a constaté, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 140-2, L. 133-5 a. 4, L. 136-2 a. 8 et L. 212-4-5 du Code du travail.

ET ALORS QUE, la cour d'appel, pour dire que l'inégalité de traitement constatée entre les rémunérations horaires des salariés comparés à Madame Z et la sienne était objectivement justifiée, a retenu que ni les diplômes de ces salariés, ni leurs expériences professionnelles, n'étaient équivalents ; qu'en prenant en compte ces critères inopérants, quand il lui appartenait seulement de rechercher si le travail accompli était différent et pouvait servir de justification objective à une telle inégalité. la cour d'appel a violé les articles L. 140-2, L. 133-5 a. 4, L. 136-2 a. 8 et L. 212-4-5 du Code du travail.

QU'en tout cas, en ne recherchant pas si les tâches confiées à ces salariés étaient différentes quant à leur nature, leur difficulté, et leur niveau, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour l'association le Centre régional de formation multiprofessionnel.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la CERFAL a verser à Madame Z la somme de 2.011 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée conclu le 9 novembre 1998.

AUX MOTIFS QUE le contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement de Madame ... ... jusqu'au retour de celle-ci n'indique pas la durée minimale du remplacement ni que la salariée remplacée est en congé maternité ; que le contrat ne respecte pas les prescriptions de l'article L 1223-13 du Code du travail et doit être requalifié en durée indéterminée ;

ALORS QUE la seule mention que le contrat est conclu pour la durée de l'absence d'une salariée nommément désignée et jusqu'au retour de celle-ci suffit à la régularité du contrat au regard de la durée envisagée du contrat à durée déterminée ; qu'il n'est pas nécessaire qu'il précisé ni une durée minimum particulière ni que la salariée remplacée est en congé maternité, le nom de la salariée remplacée permettant au juge et aux parties de savoir que la durée minimum du remplacement sera le délai légal du congé maternité ; qu'en exigeant de telles mentions supplémentaires purement formelles, la Cour d'appel a violé les articles L 122-3-1 et L 120-4 du Code du travail.