SOC.
PRUD'HOMMES
L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 septembre 2008
Cassation
Mme COLLOMP, président
Arrêt n° 1615 FS P+B
Pourvois n° U 06-46.179
V 06-46.180
Q 07-40.935
JONCTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur les pourvois n°s U 06-46.179, V 06-46.180 et Q 07-40.935 formés par
1°/ Mme Réjane Z, domiciliée Fontenay-en-Parisis,
2°/ M. Etienne Y, domicilié Cergy,
3°/ Mme Martine X, domiciliée Paris Savigny-sur-Orge,
4°/ le syndicat unifié UNSA, dont le siège est Joué-lès-Tours,
contre les arrêts rendus le 21 septembre 2006 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans les litiges les opposant à la société Coopérative caisse d'épargne Ile-de-France Nord, dont le siège est Cergy-Pontoise , défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 juillet 2008, où étaient présents Mme Collomp, président, Mme Morin, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, MM. Texier, Bailly, Chauviré, Blatman, Béraud, Gosselin, conseillers, M. Funck-Brentano, Mmes Martinel, Divialle, conseillers référendaires, M. Aldigé, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Morin, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y, de Mmes Z et X et du syndicat unifié UNSA, de la SCP Gatineau, avocat de la société Coopérative caisse d'épargne Ile-de-France Nord, les conclusions de M. Aldigé, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 06-46.179, V 06-46.180 et Q 07-40.935 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme Z, M. Y, Mme X, salariés de la caisse d'épargne Ile-de-France Nord (la caisse d'épargne) sont délégués syndicaux permanents de l'UNSA ; que, selon l'accord national des caisses d'épargne du 19 décembre 1985 sur "la classification des emplois et des établissements", les emplois sont classés en neuf niveaux de A à I auxquels correspond une rémunération globale garantie, fonction du coefficient afférent à chaque niveau et de la valeur du point ; que la caisse d'épargne Ile-de-France a signé le 19 octobre 1991, un "protocole d'accord sur le volet social", puis, le 28 mars 1997, un avenant à ce protocole comportant des dispositions relatives à la progression de carrière de certains représentants du personnel et syndicaux et qui précisait, dans son article 5 B, d'une part, les conditions dans lesquelles ces représentants pouvaient prétendre à une progression de leur coefficient et, d'autre part, que, "dans ce cadre, l'entreprise appliquera s'il y a lieu l'augmentation prévue à l'article 5 "Promotion Avancement" du chapitre rémunération du protocole (...) du 19 octobre 1991, dans la limite de neuf points" ; qu'en application de ces dispositions, les intéressés ont été promus du niveau C (coefficient 163), au niveau D (coefficient 185), puis pour M. Y au niveau E (coefficient 203) ; qu'estimant que l'article 5 B de l'avenant n° 6 était discriminatoire et dérogatoire aux dispositions de l'accord national, l'écart de coefficient entre deux niveaux d'emplois résultant de la classification nationale étant supérieur à neuf points, ils ont saisi la juridiction prud'homale en demandant l'annulation du paragraphe de l'article 5 B de l'avenant n° 6 limitant à neuf points l'augmentation de rémunération lors d'une promotion, et un rappel de salaire correspondant ;
Sur le second moyen qui est préalable
Vu l'article 31 du code de procédure civile et l'article L. 412-2, alinéa 1, devenu l'article L. 2141-5 du code du travail ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande des salariés d'annulation de l'article 5 B de l'avenant n° 6 au protocole d'accord du 19 octobre 1991 de la caisse d'épargne Ile-de-France Nord, la cour d'appel retient que n'étant pas partie à l'accord ils n'ont pas qualité pour agir ;
Attendu cependant que tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoquer le caractère illicite d'une clause d'une convention collective qui lui est applicable ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le premier moyen, pris en sa première branche
Sur la recevabilité du moyen contestée par la défense et tirée de la nouveauté du moyen fondé sur la discrimination
Attendu que le moyen tiré du caractère discriminatoire de l'énoncé d'une disposition conventionnelle est de pur droit ; que le moyen est donc recevable ;
Vu l'article L. 412-2, alinéa 1, devenu l'article 2141-5 et l'article L. 122-45, alinéa 1, devenu l'article L. 1132-1, du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ;
Attendu que pour débouter les salariés de leur demande en rappel de rémunération, la cour d'appel retient que pour déterminer si l'augmentation de 9 points seulement de leur rémunération contrevient aux dispositions de l'accord du 19 décembre 1985, il convient, conformément à l'accord du 8 janvier 1987, de comparer la rémunération globale garantie déterminée en fonction du coefficient et du point d'indice, augmenté des éléments de rémunération statutaires garantis à périodicité mensuelle avec le salaire effectif diminué des éléments de rémunération statutaires garantis ou aléatoires à périodicité non mensuelle et la valeur de l'ancienneté acquise, et que l'attribution de 9 points supplémentaires seulement lors de la promotion des intéressés à un emploi de niveau supérieur, leur a assuré une rémunération supérieure à la rémunération globale garantie afférente au niveau de l'emploi sur lequel ils ont été promus ;
Attendu cependant que constitue une discrimination directe, la situation dans laquelle, sur le fondement notamment de ses convictions, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ; que tel est le cas d'une stipulation conventionnelle qui, dans le cadre d'un accord de progression de carrière des représentants du personnel et syndicaux, limite pour ces seuls salariés la progression de rémunération dont ils peuvent bénéficier à la suite d'une promotion ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résulte de la combinaison des textes susvisés qu'une disposition conventionnelle qui contient une mesure discriminatoire en raison de l'activité syndicale est nulle, la cour d'appel les a violés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du premier moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 21 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Coopérative caisse d'épargne Ile-de-France Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux défendeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille huit.