SOC.
PRUD'HOMMES
S.L
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 décembre 2007
Rejet
M. TREDEZ, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 2625 F D
Pourvoi n° Z
06-44.988
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Assystem services, société par actions simplifiée, dont le siège est Paris-la-Défense,
contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2006 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à M. Gilles Y, domicilié Villeurbanne,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 novembre 2007, où étaient présents M. Trédez, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Chollet, Gosselin, conseillers, M. Foerst, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Trédez, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Assystem services, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y, les conclusions de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 juillet 2006), que M. Y a été engagé le 25 janvier 2001 par la société Assystem services en qualité d'ingénieur et rattaché à l'agence de Vénissieux ; que le contrat de travail comportait une clause aux termes de laquelle le salarié s'engageait, en raison de la nature des activités de prestation de services de la société, à effectuer tous les déplacements de courte ou de longue durée nécessaires à l'accomplissement des missions confiées ; qu'après avoir refusé pour raisons familiales une mission comme chef de projet au sein de la direction régionale Rhône-Alpes sur le site de Riom par lettre du 6 janvier 2003, le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 21 janvier 2003 présentée une première fois le 22 janvier et retirée le 28 ; que le 24 janvier, alors qu'il travaillait dans l'entreprise, il a été victime d'un accident du travail et pris en charge au titre de la législation professionnelle jusqu'au 1er juillet 2003 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que, du fait de l'accident du travail survenu, le préavis avait été suspendu jusqu'au 1er juillet 2003, et de l'avoir condamné "à se substituer à la mutuelle et à la caisse de prévoyance prématurément résiliées", et à payer en conséquence au salarié diverses sommes alors, selon le moyen
1°/ que l'employeur soulignait qu'il n'avait pu avoir connaissance de la date de première présentation de la lettre notifiant au salarié son licenciement pour faute grave qu'en recevant l'avis de réception, soit le 29 janvier 2003 ; qu'en affirmant, pour en déduire que le salarié devait être "réputé avoir exécuté son préavis" pendant le laps de temps où il se trouvait dans les locaux de la société les 22, 23 et 24 janvier 2003 et que l'accident survenu le 24 janvier 2003 était en conséquence un accident du travail différant le terme du contrat, que la rupture du contrat de travail étant intervenue à la date de première présentation de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit le 22 janvier 2003, il appartenait à l'employeur de prendre toutes les mesures utiles pour imposer au salarié la cessation de sa prestation de travail à compter de cette date, sans rechercher si l'employeur n'avait pas eu connaissance de cette date postérieurement au 24 janvier 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-14-1 et L. 122-32-1 du code du travail ;
2°/ que l'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant de notifier un licenciement pour faute grave ; qu'en affirmant qu'en application des termes de la lettre de licenciement non contraires à la loi, la rupture du contrat de travail est intervenue à la date de première présentation de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit le 22 janvier 2003 et qu'il appartenait à l'employeur de prendre toutes mesures utiles pour imposer à M. Y la cessation de toute prestation de travail à compter de cette date, la cour d'appel a de facto imposé à l'employeur de prononcer une mise à pied conservatoire, seul moyen d'éviter la présence du salarié dans l'entreprise dans l'attente de la connaissance de la date de présentation de la lettre recommandée ; qu'elle a donc violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du code du travail ;
3°/ qu'en se fondant sur la décision de la CPAM reconnaissant à l'accident du 24 janvier 2003 la qualité d'accident du travail, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-14-1 et L. 122-32-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que le salarié avait continué à travailler les 22, 23 et 24 janvier 2003 dans les locaux de la société lorsqu'il a été victime d'un accident du travail et pris en charge au titre de la législation professionnelle jusqu'au 1er juillet 2003 ; que sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle en a exactement déduit que la période de suspension de son contrat de travail devait être prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné l'employeur à payer au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen
1°/ que la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, tout comme le contrat de travail du salarié, prévoient deux hypothèses distinctes de mobilité, le déplacement qui peut être de longue durée d'une part, et la mutation impliquant un changement de résidence d'autre part, en réservant un traitement particulier à cette dernière seulement ; que dès lors, il ne saurait être reproché à l'employeur de ne pas faire bénéficier des règles propres à la mutation le salarié à qui n'était imposé qu'un déplacement sans changement de résidence, ce déplacement emporterait-il des contraintes importantes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 61 de la convention collective précité et l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ; qu'en retenant que le refus du salarié d'accepter la mission n'était pas fautif dès lors que la société ne produisait aucun élément pour justifier qu'elle correspondait à un besoin réel pour l'entreprise et présentait un caractère d'urgence, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil, L. 122-14-3, L. 122-6 et L. 122-8 du code du travail ;
3°/ que dans sa lettre du 27 décembre 2002, l'employeur écrivait "nous vous indiquons que votre nouvelle mission débutera le 7 janvier 2003, en tant que chef de projet pour la fiabilisation de lignes process, chez notre client Usifroid à Riom" ; que le caractère impératif de l'affectation apparaissait bien, même si ensuite il était demandé au salarié de préciser par écrit s'il acceptait ou non cette nouvelle mission ; qu'en jugeant que le caractère impératif de l'affectation sur une nouvelle mission à Riom notifiée à M. Y par lettre recommandée du 27 décembre 2002 n'apparaissait pas, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en l'espèce, le salarié ne contestait pas avoir antérieurement refusé un déplacement à Cherbourg ; qu'en affirmant que le refus d'une précédente mission située à Cherbourg ne résulte d'aucune pièce, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
5°/ que le refus d'une seule mission par un salarié en contradiction avec les prévisions de son contrat de travail peut constituer une faute grave et constitue à tout le moins une faute justifiant le licenciement ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que le refus d'une précédente mission située à Cherbourg ne résulte d'aucune pièce, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles article L. 122-14-3 du code du travail, L. 122-6 et L. 122-8 du code du travail ;
6°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, il résultait de la pièce n° 12 du salarié que l'employeur avait, le jour-même, répondu au message électronique du 9 janvier 2003 par lequel le salarié avait fait état d'une mission susceptible de lui être proposée ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas apporté de réponse à ce message, sans examiner cette pièce, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que l'employeur avait imposé au salarié une mission d'une durée d'un an qui se déroulait dans une ville située à 200 km de son domicile, prévoyant un double domicile, avec prise en charge d'un trajet aller-retour par semaine et l'absence de mise à disposition d'un véhicule de société ; qu'elle a pu en déduire que de telles conditions faisaient obstacle à la résidence du salarié à son domicile habituel pendant toute la durée de la semaine de sorte qu' il devait bénéficier des dispositions de l'article 61 de la convention collective SYNTEC ;
Attendu, ensuite, que sans inverser la charge de la preuve, elle a estimé qu'en refusant de faire bénéficier le salarié des dispositions conventionnelles, l'employeur avait mis en oeuvre la clause de mobilité stipulée au contrat de travail dans des conditions exclusives de la bonne foi ;
Attendu, enfin, que sans encourir les griefs du moyen, elle a pu décider que le refus du salarié d'accepter la mission n'était pas fautif et, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du code du travail, elle a décidé que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Assystem services aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Assystem services à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille sept.