Cass. soc., 13-11-2007, n° 06-42.090, F-D, Rejet



SOC.

PRUD'HOMMES

C.B.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 13 novembre 2007

Rejet

M. BAILLY, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 2295 F D

Pourvoi n° Z

06-42.090

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Casa services machines, société anonyme dont le siège est Tilloy-les-Fontaines,

contre l'arrêt rendu le 28 février 2006 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Guy Y, domicilié Le Cateau-Cambrésis, défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 octobre 2007, où étaient présents M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Béraud, Linden, conseillers, Mmes Manes-Roussel, Pécaut-Rivolier, conseillers référendaires, M. Cavarroc, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bailly, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Casa services machines, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y, les conclusions de M. Cavarroc, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 février 2006), que M. Y a été employé à partir de 1964, comme mécanicien, par la société Finet Legrand, devenue en 1998 la société Renault agriculture du Nord, qui relevait de la convention collective des entreprises de réparation et de commerce de machines et matériels agricoles ; qu'ayant constaté en mai 2000 qu'une autre convention collective était portée sur son bulletin de paie et que des modifications avaient été apportées à ses conditions de rémunération, M. Y a contesté ces changements ; qu'après l'acquisition de l'établissement de Le Cateau, où il travaillait, par la société Casa services machines, au 1er juillet 2000, celle-ci lui a fait savoir qu'il serait désormais soumis à la convention collective nationale des coopératives agricoles de céréales, dite "cinq branches", que sa prime d'ancienneté serait à ce titre intégrée dans le salaire de base et qu'il serait affilié au régime agricole géré par la MSA, en l'invitant à donner son accord sur ces changements ; que M. Y n'ayant pas accepté les modifications de son statut et de son contrat de travail, la société Casa services machines l'a licencié le 8 novembre 2000, en raison de son refus ;

Attendu que la société Casa services machines fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au remboursement d'indemnités de chômage, alors, selon le moyen

1° / qu'en cas de cession d'une entité économique autonome à une entreprise dont le personnel est régi par une convention collective différente, la convention collective du nouvel employeur s'applique immédiatement même en l'absence de négociations en vue de la conclusion d'un nouvel accord ou de l'adaptation de la convention, sauf la possibilité pour les salariés de conserver les avantages individuels acquis ; que M. Y n'était pas fondé à refuser l'application immédiate de la convention collective "cinq branches", à laquelle son nouvel employeur était soumis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12, L. 132-8, L. 135-2 du code du travail et 1134 du code civil ;

2°/ que les salariés qui se voient appliquer une nouvelle convention collective peuvent revendiquer le maintien des avantages individuels acquis sous le régime de l'ancienne convention collective ; que l'avantage individuel qui résulte d'une prime d'ancienneté est le niveau de rémunération atteint et non pas la qualification des différents éléments de cette rémunération ; qu'ainsi, lorsque le montant d'une prime d'ancienneté est entièrement intégré à la rémunération de base, l'avantage individuel qui résultait du versement de cette prime est maintenu ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, la société Casa services machines n'avait pas maintenu l'avantage individuel résultant de la prime d'ancienneté payée à M. Y, en intégrant son montant au salaire de base ; qu'en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-8, L. 135-2 du code du travail et 1134 du code civil ;

3°/ que lorsqu'un salarié est en droit de refuser une modification de son contrat de travail, le motif de la modification peut néanmoins constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle est refusée par le salarié ; qu'il appartenait donc aux juges du fond de rechercher si, comme il était soutenu, le motif de la modification, à savoir la nécessité d'harmoniser les différents statuts des salariés n'était pas de nature à justifier le licenciement des salariés qui refusaient cette modification; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'en vertu des dispositions combinées des troisième et septième alinéas de l'article L. 132-8 du code du travail, lorsque l'application d'une convention ou d'un accord collectif est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, ladite convention ou ledit accord continue de produire ses effets jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du préavis, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'il en résulte qu'à défaut de convention ou d'accord de substitution, le nouvel employeur ne peut imposer aux salariés repris l'application immédiate du statut collectif en vigueur dans l'entreprise, lorsque ce statut est différent de celui dont ils relevaient avant le transfert des contrats de travail ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le nouvel employeur avait prononcé un licenciement uniquement fondé sur le refus du salarié d'accepter immédiatement l'application de la convention collective "cinq branches" en vigueur dans l'entreprise, en a exactement déduit, sans avoir à effectuer la recherche visée dans les deuxième et troisième branches du moyen, que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Casa Services machines aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Casa services machines à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille sept.