Cass. soc., 05-12-2006, n° 04-41.199, F-D, Cassation partielle



SOC.PRUD'HOMMESL.G.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 5 décembre 2006

Cassation partielle

M. BAILLY, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président

Arrêt n° 2849 F D

Pourvoi n° Q 04-41.199

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par le Crédit industriel et commercial, société anonyme, dont le siège est Paris ,

contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2003 par la cour d'appel de Paris (22e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Henri Z, domicilié Gennevilliers, défendeur à la cassation ;

M. Z a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 novembre 2006, où étaient présents M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Chauviré, conseiller rapporteur, Mme Perony, conseiller, Mmes Divialle, Pécaut-Rivolier, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Chauviré, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat du Crédit industriel et commercial, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z qui avait été engagé le 1er février 1982 en qualité de gérant d'un restaurant d'entreprise par la société Crédit industriel et commercial (CIC), a été licencié pour faute grave le 6 mars 2000 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que les juges du fond qui écartent la faute grave, sans caractériser aucune faute à la charge du salarié, ne peuvent retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement prononcé par l'employeur sur le fondement exclusif de la faute grave précédemment écartée ; qu'en affirmant en l'espèce, après avoir écarté toute faute grave, que le licenciement reposait néanmoins sur une cause réelle et sérieuse, non seulement sans aucunement caractériser une faute à la charge du salarié, mais après avoir même caractérisé le caractère non disciplinaire du licenciement, d'une part, en relevant que l'employeur avait toléré durant plusieurs années des faits analogues sans les sanctionner, d'autre part, en octroyant au salarié l'indemnité conventionnelle prévue en cas de licenciement non disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-40 et L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que les analyses des prélèvements effectués par les services vétérinaires avaient donné des résultats insatisfaisants pour certains mets proposés à la consommation dans le restaurant géré par le salarié et que la cuisine de cet établissement était sale et mal tenue au point qu'elle représentait un risque permanent pour la santé des cinq cent convives quotidiens, a ainsi caractérisé le manquement du salarié à son obligation de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait des ses actes ou de ses omissions au travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur, pris en ses première et troisième branches

Vu les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-41 du code du travail ;

Attendu que pour dire que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, l'arrêt retient que s'il est établi que la cuisine du restaurant était mal tenue et que les résultats des analyses des prélèvement opérés n'étaient pas satisfaisants pour certains plats, les faits reprochés au salarié ne peuvent constituer une faute grave dès lors que l'employeur n'a pas procédé à sa mise à pied conservatoire alors qu'ils impliquaient une telle mesure ;

Qu'en statuant ainsi alors que l'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deuxième et quatrième branches du moyen du pourvoi principal

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté la faute grave et condamné en conséquence le CIC à verser au salarié des sommes à titre d'indemnités de rupture, l'arrêt rendu le 12 décembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

REJETTE le pourvoi incident de M. Z ;

Condamne M. Z aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne le CIC à payer à M. Z la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille six.