Cass. soc., 27-09-2006, n° 05-41.482, F-D, Rejet



SOC.PRUD'HOMMES I.G

COUR DE CASSATION

Audience publique du 27 septembre 2006

Rejet

M. CHAGNY, conseiller doyen faisant fonctions de président

Arrêt n° 2126 F D

Pourvoi n° T 05-41.482

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Toys "R" Us, société à responsabilité limitée, dont le siège est Evry ,

contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2005 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Charles Y, domicilié Saint-Jean de Cornies, défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 juillet 2006, où étaient présents M. Chagny, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Trédez, conseiller rapporteur, M. Chollet, conseiller, Mme Capitaine, conseiller référendaire, M. Maynial, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Trédez, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Toys "R" Us, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y, les conclusions de M. Maynial, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. Y a été engagé le 23 mars 1993 par la société Toys "R" Us en qualité de responsable de rayon, catégorie cadre, niveau 7-1 ; que le contrat de travail prévoyait que le salarié pourrait être amené à changer de lieu de travail compte tenu de la nature de sa fonction et des nécessités de l'entreprise et que celle-ci se réservait toutefois la possibilité de le muter dans toutes les zones géographiques où elle exerçait son activité ; qu'après avoir été nommé directeur du magasin de Montpellier, il a refusé sa mutation comme directeur d'un magasin dans la région parisienne ; que l'employeur l'a licencié par lettre du 26 juin 2002 pour refus de mutation ;

Sur le premier moyen

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 janvier 2005) de l'avoir condamné à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse alors, selon le moyen

1°/ que la validité d'une clause de mobilité n'est pas subordonnée à un accord des parties sur les limites géographiques dans lesquelles un changement de lieu de travail est susceptible d'intervenir ; qu'en retenant, pour en déduire que le licenciement consécutif au refus d'une mutation était sans cause et sérieuse, que la clause de mobilité prévue dans le contrat de travail de M. Y ne serait pas valable car elle ne comportait aucune limite géographique et n'énonçait pas la liste des magasins exploités par l'employeur au jour de la signature du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 122-4, et L. 122-14-3 du code du travail ;

2°/ que la bonne foi contractuelle se présume ; qu'il incombe au salarié de démontrer que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité repose sur des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ; qu'en écartant la validité de la clause litigieuse après avoir affirmé que l'employeur n'avait apporté au dossier aucun élément de nature à établir que la mutation de M. Y aurait été faite dans l'intérêt de l'entreprise, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et qu'elle ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé l'absence de limites dans lesquelles la mutation du salarié pouvait intervenir, a, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une somme à titre d'heures supplémentaires et à titre de congés payés afférents alors, selon le moyen

1°/ que les cadres dirigeants, qui ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée légale du travail sont ceux auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou dans leur établissement ; que la société Toys "R" Us avait fait valoir dans ses conclusions que M. Y percevait un salaire forfaitaire de 3 125,20 euros auxquels s'ajoutaient un 13ème mois ainsi qu'un bonus pouvant atteindre 15 % de la rémunération brute annuelle, précisant que le salaire minimum conventionnel d'un salarié occupant le poste de directeur et bénéficiant d'une classification 7-2 dans la convention collective du commerce de détail était de 1 753 euros et que le salaire minimum pour le même poste à la société Toys "R" Us était inférieur ; que la cour d'appel, qui a affirmé que le niveau de rémunération du salarié excluait qu'il puisse se trouver dans une catégorie de cadre dirigeant, sans constater que la rémunération versée à M. Y ne se situait pas dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans le magasin, voire, dans l'établissement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-15-1 du code du travail ;

2°/ que l'obligation incombant à l'employeur de fournir en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ne peut lui être opposée à l'égard d'un salarié dont les horaires de travail ne peuvent faire l'objet d'aucun contrôle et ne sont pas contrôlés dès lors que le salarié, investi de fonctions et de responsabilités importantes, est parfaitement libre et autonome dans l'organisation de son emploi du temps ; que la société Toys "R" Us avait exposé dans ses conclusions que M. Y, appartenant à l'encadrement de la société et bénéficiaire d'une délégation de pouvoir, était totalement libre dans l'organisation de son emploi du temps et ne recevait aucune directive concernant l'organisation de son temps de travail qui n'était pas contrôlé ; que la cour d'appel, qui a fait droit à la demande d'heures supplémentaires réclamées par le salarié sans rechercher si les conditions d'exécution de la prestation de travail de M. Y, exclusives de tout contrôle, excluaient par conséquent toute justification de l'horaire de travail par l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-1-1 et L. 212-5 du code du travail ;

3°/ que la société Toys "R" Us avait fait valoir dans ses conclusions que les attestations versées au débat par M. Y ne pouvaient être retenues car elles émanaient pour trois d'entre elles de personnes qui ne travaillaient pas avec le salarié, et que les deux autres attestations avaient été faites par des salariés de la société qui ne pouvaient être présents aux heures d'ouverture et de fermeture du magasin pour témoigner de ce que faisait M. Y, l'un de salariés, M. ..., précisant notamment qu'il n'avait pas les mêmes horaires que M. Y ; qu'en retenant que ces attestations n'étaient pas contredites utilement par l'employeur sans répondre aux conclusions d'appel de ce dernier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

4°/ que la cour d'appel a affirmé, après examen des attestations versées au débat par le salarié, que leurs différents rédacteurs attestaient que M. Y était présent 6 jours sur 7 de l'ouverture du magasin à sa fermeture, de 7h30 à 20h15, 20h30 ; que la cour d'appel, qui en a déduit qu'il convenait de faire droit à l'intégralité des demandes du salarié relatives à l'exécution d'heures supplémentaires, sans constater que les rédacteurs des attestations litigieuses avaient eux-mêmes des horaires de travail identiques à ceux mentionnés dans les attestations et auraient travaillé pendant la période litigieuse aux côtés de M. Y, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que sous couvert d'un manque de base légale et d'une absence de réponse aux conclusions, le moyen tend à remettre en cause l'appréciation des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel, qui a estimé que M. Y n'avait pas la qualité de cadre dirigeant compte tenu de son niveau de rémunération et de l'horaire de travail auquel il était assujetti ;

Et attendu, ensuite, qu'appréciant les pièces produites par le salarié, elle a pu décider que la rémunération de celui-ci, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne pouvait caractériser une convention de forfait licite de sorte qu'il convenait de faire droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Toys "R" Us aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Toys "R" Us à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille six.