Cass. soc., 05-04-2006, n° 03-45.888, FS-P+B, Rejet.



SOC.PRUD'HOMMESM.F

COUR DE CASSATION

Audience publique du 5 avril 2006

Rejet

M. SARGOS, président

Arrêt n° 970 FS P+B

Pourvoi n° R 03-45.888

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), dont le siège est Montreuil,

en cassation d'un arrêt rendu le 24 juin 2003 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), au profit de Mme Hélène Z, demeurant Monblanc, défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 mars 2006, où étaient présents M. Sargos, président, M. Blatman, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller doyen, MM. Barthélemy, Marzi, Gosselin, conseillers, Mmes Grivel, Leprieur, Martinel, Bouvier, Bodard-Hermant, conseillers référendaires, M. Mathon, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Blatman, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de l'AFPA, les conclusions de M. Mathon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen

Attendu que Mme Z a été engagée le 20 août 1996 en qualité d'enseignante vacataire chargée de corriger des copies pour l'enseignement à distance, par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ; que sa lettre d'engagement précisait que cette activité s'exerçait principalement à domicile et que le salaire brut était constitué par la somme des rémunérations brutes dues pour chaque copie corrigée ; qu'elle comportait en outre la clause suivante "la charge de travail variant en fonction du nombre de bénéficiaires s'inscrivant dans le dispositif EAD, ce qui ne peut être déterminé à l'avance, l'association ne peut s'engager à fournir un minimum de travail. Vous reconnaissez avoir été avertie de cet aléa et acceptez les conséquences de cette variabilité" ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles ;

Attendu que l'AFPA fait grief à l'arrêt attaqué (Agen, 24 juin 2003) d'avoir déclaré nulle la clause de variabilité contenue dans le contrat de travail de Mme Z, dit et jugé que l'employeur avait violé ses obligations légales et contractuelles à l'égard de la salariée en lui faisant signer un contrat comportant une clause nulle et en diminuant sans raison le volume de travail qui lui était attribué, dit et jugé que cette faute avait causé un grave préjudice à Mme Z, et d'avoir condamné en conséquence l'association à payer à cette dernière la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen

1°/ que les parties à un contrat de travail à domicile peuvent valablement prévoir, lors de sa conclusion, la variabilité de la quantité de travail fournie et exclure tout volume minimum de travail ; que l'employeur ne saurait donc commettre un abus du seul fait de l'application d'une telle clause expresse ; qu'en l'espèce, il était constant qu'aux termes exprès du contrat de travail, l'association ne pouvait pas s'engager à "fournir un minimum de travail" ; que la salariée, qui n'exerçait d'ailleurs la qualité de correcteur qu'à titre de complément de sa profession de sociologue consultant, reconnaissait dans le même acte "expressément avoir été avertie de cet aléa et accepté les conséquences de cette variabilité" ; qu'en déclarant nulle la clause de variabilité et en retenant en conséquence que l'employeur, faute de justifier de la diminution importante de la rémunération de la salariée, avait commis une faute génératrice de responsabilité, la cour d'appel a violé les articles L. 721-6, L. 721-9 du Code du travail et l'article 1134 Code civil ;

2°/ qu'en matière contractuelle, seul le dommage prévisible est réparable ; qu'en l'état d'un contrat prévoyant expressément que le salarié ne pouvait obtenir la garantie d'un travail minimum, les parties ne pouvaient avoir fait rentrer dans le champ contractuel la garantie des ressources de subsistance du salarié ; qu'en définissant le préjudice réparable comme la situation de précarité infligée à la salariée, pourtant exclue du champ contractuel, la cour d'appel a ordonné la réparation d'un dommage imprévisible pour l'employeur lors de la conclusion du contrat et violé l'article 1150 du Code civil ;

Mais attendu que s'il est exact qu'un employeur n'a pas l'obligation, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, de fournir un volume de travail constant au travailleur à domicile, il ne peut cependant modifier unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni et la rémunération ;

Et attendu qu'ayant relevé que la diminution considérable de la rémunération mensuelle moyenne de la salariée, passée de 6 282 francs en octobre 1996 à 2 670 francs en 2000, avec des versements dérisoires de 215,09 francs ou même de 27,02 francs certains mois, n'était justifiée par aucun élément objectif mais résultait d'une volonté arbitraire de l'employeur, la cour d'appel a pu décider que celui-ci avait ainsi commis une faute génératrice d'un préjudice qu'elle a souverainement évalué ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'AFPA aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'AFPA ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille six.