CA Rennes, 5e, 16-03-2004, n° 03/03279



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

op e COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 MARS 2004

Cinquième Chamb Prud'Hom

ARRÊT N° À q--2- R.G 03/03279

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,

Madame Simone CITRAY, Conseiller,

Monsieur RATIE, Conseiller,

GREFFIER

Madame Brigitte BERRET, lors des débats, et Madame Guyonne DANIELLOU, lors du prononcé,

M. Benoit Z Z Z Z Z Z

C/

S.A.R.L. LE DAMIER.

DÉBATS

A l'audience publique du 25 Novembre 2003 devant Monsieur Louis-Marc PLOUX, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre, à l'audience publique du 16 Mars 2004; date indiquée à l'issue des débats 27 janvier 2004.

Infirmation

Copie exécutoire délivrée le G _ .

à le_ (30.21.ter

Q X11-110cLi_ rie Se_ner.J

APPELANTS

Monsieur Benoit X


L HERMITAGE comparant en personne, assisté de Me Patrick BOQUET, avocat au barreau de

COMITÉ NATIONAL CONTRE Li Z

31 Avenue du ... M.
PARIS



tapie. te t . oc. _

cà _ r1. Co-rcktALAvocc,,k %si") représenté par Me Patrick BOQUET, avocat au barreau de RENNES

/114.1-3

INTIMÉE

crai5#a, k 2.6 - oy - 20DY- r>liztc S.A.R.L. LE DAMIER

11 rue de la Frébardière

, ZI SUD EST CaÈw- te. P-u. CESSON SEVIGNE

91.41.-Coo tjst01.a..0.."yea

représentée par Me Nathalie HERMOUET, avocat au barreau de VANNES substitué par Me S ADDE-DANIEL, avocat au barreau de VANNES

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Par acte du 14 avril 2003 Monsieur X interjetait appel d'un jugement rendu le 3 avril 2003 par le Conseil de Prud'hommes de RENNES qui dans le litige l'opposant à la société LE DAMIER le déboutait de ses demandes tendant faire juger que son licenciement était abusif et à obtenir réparation des ses préjudices, le Comité National contre Le Tabagisme étant débouté de ses demandes Monsieur X estime qu'il avait une raison majeure de refuser de travailler dans une atmosphère de tabagisme ce qui ne pouvait que nuire à sa santé, il demande à la Cour d' infirmer le jugement et réclame en réparation de ses préjudices les sommes de 4 170.95 euros et 100 euros et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Comité Nationale Contre Le Tabagisme s'associe aux explications de Monsieur X, réclame à l'employeur fautif la somme de 4000 euros à titre de à titre de dommages et intérêts et demande à la Cour que son arrêt soit publié dans un quotidien et un journal professionnel. Il réclame la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société LE DAMIER sollicite la confirmation du jugement et réclame à Monsieur X et au Comité Nationale Contre Le Tabagisme la somme de 1500 euros chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été développées à l'audience des plaidoiries puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Rappel sommaire des faits

Monsieur X embauché le 1er avril 2001 par la société LE DAMIER exploitant une piste de karts et un débit de boissons attenant, en qualité d'animateur et de serveur prétend avoir été licencié verbalement par son employeur le 3 avril 2002 pour avoir pris un jour de congé le 30 mars 2002 sans autorisation et refusé de respecter les directives de l'employeur, il recevait un avertissement le 4 avril 2002 . Après cet incident Monsieur X poursuivait l'exécution de son contrat de travail, non sans quelques problèmes liés à ses horaires de travail et à la délimitation de la zone fumeur dans le bar. Le 7 juin 2002 il était convoqué à un entretien préalable à un licenciement puis licencié par lettre recommandée du 21 juin 2002 pour les motifs suivants

refus manifeste de respecter les consigne données par l'employeur, notamment en matière d'emplacement des cendriers.

poursuite de ce refus en tenant des propos révélateurs d'une volonté permanente de ne pas se plier aux emplacemene fumeurs et non fumeurs de l'établissement.

Monsieur X contestait ce licenciement devant le Conseil de Prud'hommes

Sur la rupture du contrat de travail

Considérant que faute pour Monsieur X d'établir par des témoignages de clients ou salariés de l'entreprise qu'il a été effectivement licencié verbalement par Monsieur ... son employeur le 3 avril 2002 pour avoir été absent le 30 mars 2002, alors qu'il n'est pas contestable qu'un entretien entre ces deux personnes a eu lieu le matin du 3 avril 2002 au sujet de cette absence, il n'est pas possible de considérer que le contrat de travail a été rompu ce jour là, si tel avait été le cas Monsieur X n'aurait pas poursuivi l'exécution de son contrat jusqu'au mois de juin 2002, ni échangé de nombreuses correspondances avec son employeur au sujet de ses horaires de travail et de l'aménagement de la zone non fumeur de la salle de bar, ce moyen sera rejeté.

Sur le fond

Considérant que contrairement à ce que soutient l'employeur la Chambre Sociale statuant en matière prud'homale est parfaitement habilitée pour vérifier qu'un employeur dans l'exercice de sa fonction de chef d'entreprise a respecté ou pas les lois de la République dès lors que la loi invoquée par le salarié concerne l'exécution de son contrat de travail, d'ailleurs la Loi EVIN sur le tabagisme est incluse dans le Code du Travail, dans les dispositions A. ... ... ... ... ..., sécurité et conditions de travail articles R 355-28-1 et suivants du Code de la Santé Publique.

Considérant que la nocivité des fumées du tabac, plante classée par la législation comme produit dangereux et mortel en raison de ses effets cancérogènes sur les fumeurs mais aussi sur les personnes passives qui côtoient les fumeurs, impose à tout employeur de ne pas contraindre un salarié sans son consentement de travailler dans des atmosphères polluées par ces fumées, sous peine d'encourir les sanctions prévues par la loi du 10 janvier 1991, dite loi EVIN.

Considérant que Monsieur X, non fumeur, s'étant inquiété auprès de l'Inspection du Travail de ses conditions de travail dans l'établissement LE DAMIER, il était demandé à l'employeur par le contrôleur du travail dans une lettre du 14 mai 2002, s'agissant du tabagisme de se conformer aux dispositions de la loi EVIN en prévoyant notamment des espaces à la dispositions des usagers fumeurs pour assurer la protection des non fumeurs.

Considérant que les mesures prises par l'employeur pour aménager un espace fumeur dans son bar apparaissent nettement insuffisantes et même insignifiantes pour assurer en permanence et efficacement la protection des non fumeurs dont celle du barman à qui l'on ne peut imposer de travailler dans des conditions d'insalubrité qu'il importe peu qu' une ventilation mécanique ait été installée au dessus du bar, alors que l'implantation de ce dispositif à cet endroit dirige toutes les fumées vers le bar où opère Monsieur X d'autre part les fumées ayant, comme les gaz, la propriété de se rependre dans tout le volume qui leur est donné, ce ne sont pas de simples étiquettes "zone fumeur" collées sur les tables et autres meubles qui vont interdire les fumées d'envahir toute la salle du bar qui accueille les deux catégories de clients, alors qu'il convenait pour respecter les prescriptions du Code de la Santé Publique d'aménager un espace fumeur totalement indépendant de la salle principal.

Considérant que l'attestation de la société BATIKA installateur de l'espace Bar /salle/ accueil, ne suffit pas à démontrer que la ventilation de ce bar est efficace même si en théorie elle répond selon le maître d'oeuvre aux normes fixées par la loi alors que seule une expertise réalisée par un organisme indépendant permettait de vérifier qu'au niveau du bar où travaillait Monsieur X il n'y avait pas de fumées et qu'il existait une zone fumeur indépendante du reste de la salle.

Considérant que l'employeur en imposant à Monsieur X de travailler dans un espace pollué par les fumées de tabacs a porté atteinte à son droit à la santé et on ne saurait reprocher à ce salarié d'avoir refusé de travailler dans ces conditions alors qu'il n'a pas à être sanctionné pour avoir demandé l'application d'une loi de Santé Publique, alors qu'il résulte de la combinaison des articles L 230.2, L 231.8 et L 231.8.1 du Code du Travail sur la sécurité dans le travail

- que le chef d'établissement doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l'établissement.

- que l'employeur à qui il a été signalé qu'il existait un motif raisonnable de penser que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié, ne peut demander à ce salarié de reprendre son activité si une telle situation de danger grave et imminent persiste.

- qu'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé pour ces motifs le jugement sera infirmé.

Sur les droits de Monsieur X

Considérant que compte tenu de son ancienneté, un an et trois mois, il sera accordé à Monsieur X à titre de dommages et

intérêts en réparation de son préjudice du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 3344 euros et la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur l'intervention du Comité National Contre Le Tabagisme

Considérant que le Comité National Contre Le Tabagisme n'étant pas partie au contrat de travail intervenu entre Monsieur X et la société LE DAMIER n'a pas qualité pour faire constater par les juridictions prud'homales une violation de la loi Evin sur l'usage du tabac dans les entreprises et demander réparation du préjudice qu'elle invoque, il lui appartient de saisir le Tribunal de Grande Instance de RENNES chambre correctionnelle s'il estime qu'il y a infraction soit la chambre civile de cette même juridiction, le Comité National Contre Le Tabagisme sera débouté de son action déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement contradictoirement,

Infirme le jugement du 3 avril 2003,

Condamne la société LE DAMIER à verser à Monsieur X à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 3344 euros et la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déclare l'action du Comité National Contre Le Tabagisme devant la chambre sociale irrecevable, l'invite à se mieux pourvoir devant le Tribunal de Grande Instance de RENNES, le déboute de ses demandes.

Condamne La société LE DAMIER aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,