CIV. 2 JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 7 octobre 2004
Cassation
M. DINTILHAC, président
Arrêt n° 1532 FS P+B
Pourvoi n° R 03-12.653
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Annick Z, demeurant Montrouge,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 janvier 2003 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre civile, 1re section), au profit
1°/ de Mme Nicole Andrée Marthe Y, épouse Y, demeurant Athis Mons,
2°/ de Mlle Paulette Claude Y, demeurant Paris,
3°/ de Mme Martine Claude Marie Y, épouse Y, demeurant Paris,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 septembre 2004, où étaient présents M. Dintilhac, président, Mme Crédeville, conseiller rapporteur, M. Guerder, conseiller doyen, MM. de Givry, Mazars, Croze, Bizot, Gomez, Mme Aldigé, M. Breillat, conseillers, MM. Besson, Grignon Dumoulin, Lafargue, Sommer, Mme Leroy-Gissinger, conseillers référendaires, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Crédeville, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Z, de Me Spinosi, avocat de Mme ..., les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche
Vu les articles 9 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'en 1989 Mme Z a reçu de M. ... une somme d'argent que les héritières de ce dernier lui ont réclamée au motif qu'elle aurait été prêtée et non donnée ; qu'afin de rapporter la preuve de leur allégation, elles ont versé aux débats une cassette contenant l'enregistrement d'une conversation téléphonique effectué par M. ... à l'insu de son interlocutrice, Mme Z ;
Attendu que pour condamner Mme Z à payer aux consorts Y une somme de 150 000 francs outre les intérêts et dire qu'elle serait redevable des conséquences fiscales d'une réintégration de la créance au patrimoine de M. ..., tardive en raison de son refus de reconnaître le prêt, la cour d'appel a énoncé que le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications était opposable aux tiers mais pas à M. ... qui avait pu valablement enregistrer une conversation qu'il avait eue personnellement avec une autre personne, ni à ses héritiers qui sont l'émanation de sa personne ; que sa production à la présente instance ne portait pas atteinte à la vie privée de Mme Z dès lors qu'aucun fait relevant de la sphère de son intimité n'était révélée, la discussion rapportée portant exclusivement sur le remboursement du prêt consenti par M. ... et que la production de la cassette était un moyen de preuve recevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les consorts Y et ... ... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de Mme Z et de Mme ... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quatre.