SOC.PRUD'HOMMES N.R
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mai 2004
Cassation partielle
M. FINANCE, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président
Arrêt n° 1026 F D
Pourvoi n° P 01-44.843
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Ouest Isol, société anonyme, dont le siège est Gonesse,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 juin 2001 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre sociale), au profit de M. Jacques Y, demeurant Bougival, défendeur à la cassation ;
M. Y a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mars 2004, où étaient présents M. Finance, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Martinel, conseiller référendaire rapporteur, MM. Trédez, Blatman, conseillers, Mme Bouvier, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mlle Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Martinel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de la société Ouest Isol, de la SCP Gatineau, avocat de M. Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile
Vu les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que M. Y a été engagé le 16 mars 1992, en qualité d'ingénieur technico-commercial, par la société Ouest Isol suivant un contrat à durée déterminée, puis à compter du 4 janvier 1993 suivant un contrat à durée indéterminée prévoyant une clause de non-concurrence ; que, le 17 février 1997, l'employeur a proposé au salarié une modification de son mode de rémunération, ce que ce dernier a refusé ; que, par lettres en date des 15 et 25 avril 1997, l'employeur a imposé à M. Y de nouvelles règles de travail, qu'il a refusées ; qu'après avoir proposé une rupture à l'amiable, le salarié a pris acte de la rupture par courrier en date du 4 juin 1997 ; que, par lettre du 10 juin 1997, la société a pris acte de la démission de M. Y ; qu'estimant avoir fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités de rupture ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu, d'une part, que le salarié, qui refusait ces nouvelles conditions de travail, n'avait jamais eu l'intention de démissionner, et, d'autre part, qu'il appartenait à l'employeur, s'il entendait mettre fin à son contrat de travail, de le licencier pour refus d'accepter ces conditions et abandon de poste ;
Attendu, cependant, que, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si les faits invoqués justifiaient la prise d'acte du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident dont les moyens ne seraient pas de nature à en permettre l'admission
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 6 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quatre.