SOC. D.S
COUR DE CASSATION
Audience publique du 17 février 2004
Rejet
M. BOURET, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 316 F D
Pourvoi n° N 02-11.404
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Établissements Jean Richard Ducros, dont le siège est Paris , ayant un établissement secondaire sis Alès,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 2001 par la cour d'appel de Nîmes (1e chambre civile section A), au profit
1°/ du Comité central d'entreprise de la société Jean Richard Ducros, société anonyme, dont le siège est Alès,
2°/ de la société Syndex, société anonyme, dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 janvier 2004, où étaient présents M. Bouret, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Chauviré, Gillet, conseillers, MM. Funck-Brentano, Leblanc, Mme Manes-Roussel, conseillers référendaires, M. Foerst, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouret, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, les observations de Me Delvolvé, avocat de la société Établissements Jean Richard Ducros, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat du Comité central d'entreprise de la société Jean Richard Ducros, de la société Syndex, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les moyens réunis
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (cour d'appel de Nîmes, 22 novembre 2001, statuant en référé), le Comité central d'entreprise des établissements Jean ... a désigné le 18 novembre 1997 une société d'expertise comptable pour l'assister en vue de l'examen annuel des comptes de l'exercice 1997 et de l'examen des comptes prévisionnels de l'exercice 1998 ; qu'invoquant le refus par le chef d'entreprise de communiquer à l'expert comptable les documents demandés par celui-ci, le comité d'entreprise et la société d'expertise comptable ont saisi le juge des référés ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait injonction à la société Jean Richard Ducros de remettre à la société Syndex, expert comptable désigné par le comité central d'entreprise, l'ensemble des documents et informations que celle-ci avait sollicité, alors, selon le moyen
1°/ qu'il résulte des termes de l'article L. 436-4 du Code du travail qui renvoient expressément à l'article L 432-4, alinéa 9 que l'expert-comptable désigné en vertu de ces textes ne peut exercer sa mission qu'en vue d'assister le comité d'entreprise en vue de l'examen des comptes annuels préalablement à l'assemblée générale annuelle des actionnaires appelée à approuver ces comptes et que sa mission s'achève au plus tard à la date de cette assemblée ; qu'en l'espèce cette assemblée s'était tenue le 30 juin 1998 et que l'expert-comptable ne pouvait donc continuer à exercer sa mission au-delà de cette date, sans qu'il importe que le comité d'entreprise n'ait pas lui-même statué sur ces comptes auparavant ; et qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ces textes ;
2°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse qui échappait à la compétence du juge des référés et qu'elle a violé les articles 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ que l'expert-comptable désigné en vertu de l'article L. 434-6 du Code du travail n'étant pas un expert de gestion, la mission qui avait été ainsi impartie à la société Syndex par le comité central d'entreprise et les informations et documents détaillés ainsi sollicités par l'expert-comptable, allant même jusqu'à des informations individuelles concernant les salaires, excédaient les limites de la mission de l'expert-comptable et même des pouvoirs du commissaire aux comptes, tels qu'ils sont définis par les articles L. 432-4, alinéa 9 et L. 434-6 du Code du travail que la cour d'appel a violé ;
4°/ qu'en violation des mêmes textes, la cour d'appel n'a pas constaté en quoi ces informations et documents auraient été utiles à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise dans le cadre de l'examen des comptes annuels prévus par ces textes ;
Mais attendu, d'abord, que l'exercice du droit que le comité d'entreprise tient des articles L 432-4 et L 434-6 du Code du travail de procéder à l'examen annuel des comptes de la société pour l'exercice clos et donc de se faire assister d'un expert-comptable, est indépendant de la date de l'examen des mêmes comptes par l'assemblée générale des actionnaires de la société ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir relevé que tous les documents demandés par l'expert comptable étaient nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise, la cour d'appel a pu décider que la demande de l'expert comptable était conforme à sa mission ; d'où il suit que l'arrêt, qui a constaté le refus par l'employeur de communiquer à l'expert comptable les documents demandés, faisant ainsi ressortir un trouble manifestement illicite, est légalement justifié ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Établissements Jean Richard Ducros aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société établissements Jean Richard ... à payer au comité central d'entreprise de la société Jean Richard Ducros et à la société Syndex la somme globale de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quatre.