Cass. soc., 10-06-2003, n° 01-40.985, FS-P sur les quatre premiers moyens, Rejet.



SOC.

PRUD'HOMMESC.B.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 10 juin 2003

Rejet

M. SARGOS, président

Pourvoi n° V 01-40.985

Arrêt n° 1562 FS P sur les quatre premiers moyens

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par M. François Z, demeurant Melun,

en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 2000 par la cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section D), au profit de la compagnie nationale Air France, Direction du matériel, dont le siège est Orly Aérogare Sud, défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 avril 2003, où étaient présents M. Sargos, président, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller rapporteur, M. Merlin, conseiller doyen, MM. Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mme Quenson, M. Trédez, Mme Morin, conseillers, M. Poisot, Mme Bourgeot, M. Liffran, Mmes Maunand, Nicolétis, Auroy, Grivel, Leprieur, Martinel, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de M. Z, de Me Cossa, avocat de la compagnie nationale Air France, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. Z a été engagé par la société UTA le 18 septembre 1978 ; que son contrat de travail a été transféré à la compagnie nationale Air France, devenue société Air France, lors de la fusion-absorption intervenue entre ces deux sociétés le 1er janvier 1993 ; que le 24 janvier 1997, M. Z a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant notamment au paiement de rappels de salaire, prime d'ancienneté et indemnités kilométriques, à la mention de la majoration pour ancienneté sur le bulletin de paye et à un reclassement indiciaire ;

Sur le premier moyen

Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2000) de rejeter sa demande de rappel de salaire, alors, selon le moyen

1°/ que le contrat de travail en date du 18 septembre 1978, conclu entre M. Z et la société UTA, énonce expressément les conditions d'embauche suivantes "qualification agent de lancement, échelle 9, échelon 01, coefficient UTA 224,40, appointements mensuels 3 537,60 francs, pour un horaire hebdomadaire de 40 heures" et que "A ces appointements s'ajoutent les primes et indemnités en vigueur dans notre société" ; qu'en affirmant que la structure de la rémunération de M. Z ne résultait pas de son contrat de travail, mais de la convention collective nationale du transport aérien, la cour d'appel dénature les termes clairs et précis du contrat précité, en violation de l'article 1134 du Code civil, ensemble des principes qui gouvernent la dénaturation d'un écrit clair ;

2°/ qu'en toute hypothèse, ne peut être qualifié d'accord de substitution, susceptible de faire perdre aux salariés de l'entreprise les avantages individuels qu'ils ont acquis sous l'empire de la convention dénoncée ou mise en cause à l'issue de la période d'un an suivant celle du préavis, que le seul accord qui porte expressément sur l'ensemble des droits et obligations précédemment envisagées par la convention dénoncée ou mise en cause et remplace celle-ci ; qu'en ne se prononçant pas sur le point pertinent de savoir, comme elle y était pourtant invitée, si l'accord en date du 30 décembre 1992, constituait un accord de substitution ayant fait le même objet que les accords "dénoncés", applicable à M. Z au regard notamment de son champ d'application puisqu'il concernait uniquement les personnels travaillant en horaires décalés et soumis au régime du forfait et qu'il n'envisageait que la question de la prime uniforme annuelle, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 132-8 du Code du travail, violé ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en se contentant d'affirmer que le niveau de rémunération annuel de M. Z avait été maintenu, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour parvenir à une telle conclusion, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4°/ que le niveau de rémunération du salarié constitue un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que le niveau de la rémunération de base de M. Z avait été amputé d'1/14ème de la prime uniforme annuelle, la cour d'appel viole les articles 1134 du Code civil et L. 132-8 du Code du travail ;

5°/ qu'en toute hypothèse, dans ses conclusions régulièrement déposées, M. Z faisait expressément valoir que son niveau de rémunération globale avait été réduit, puisqu'en amputant son salaire de base du montant correspondant à 1/14e de la prime uniforme annuelle, l'assiette, à partir de laquelle étaient déterminées les augmentations auxquelles il pouvait prétendre et les points de qualification qui en découlaient, avait été elle-même réduite ; qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions, pourtant de nature à éclairer que le niveau de rémunération de M. Z avait été modifié, la cour d'appel viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'en énonçant que le contrat de travail se borne à indiquer le montant des appointements de base et l'existence de primes dans l'entreprise ainsi que le cofficient applicable sans autre précision, l'arrêt, qui ne fait que le citer, ne dénature pas le contrat ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'accord collectif signé le 30 décembre 1992 après dénonciation des accords des 31 juillet 1981 et 31 juillet 1990 est un accord de substitution au sens de l'article L 132-8 du Code du travail ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions et constaté que la rémunération avait été maintenue dès lors que l'amputation mensuelle des appointements était compensée par le versement de la prime uniforme annuelle (PUA), a exactement décidé que les nouvelles dispositions n'avaient entraîné aucune modification du contrat de travail ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen

Attendu que M. Z reproche à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de prime d'ancienneté, alors, selon le moyen

1°/ que le niveau de rémunération du salarié constitue un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que la prime d'ancienneté de M. Z avait été ramenée de 14 % à 12,5 % après la fusion, la cour d'appel viole les articles 1134 du Code civil et L. 132-8 du Code du travail ;

2°/ qu'en se contentant d'affirmer que le traitement mensuel fixe de M. Z avait été maintenu malgré la baisse de la prime d'ancienneté, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motif ; qu'en affirmant, d'une part, que "la nouvelle Compagnie nationale Air France a diminué le traitement mensuel de M. Z d'un montant équivalent à 1/14e de la prime uniforme annuelle, ses appointements mensuels passant ainsi de 11 756 12 francs à 11 266,52 francs, y compris la prime d'ancienneté" et, d'autre part, que "son traitement mensuel fixe a été conservé", la cour d'appel statue par voie de motifs contradictoires, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4°/ qu'en toute hypothèse, à moins de dispositions précises contenues dans le nouvel accord négocié après la mise en cause ou la dénonciation d'accords et conventions collectives, les avantages individuels acquis sont conservés par les salariés à l'issue de la période d'un an suivant celle du préavis ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, en l'état de l'accord du 30 décembre 1992 qui ne portait pas sur l'indemnité d'ancienneté, mais envisageait simplement la question de la prime uniforme annuelle, ce dont il résultait que cet accord n'avait pas le même objet que ceux dénoncés et que les avantages individuels acquis par les salariés en vertu des accords et conventions mis en cause, dont notamment la prime d'ancienneté, avaient été nécessairement conservés à l'issue de la période d'un an suivant celle du préavis et ne pouvaient être remis en cause sans l'accord de ceux-ci, la cour d'appel viole l'article L. 138-2 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le taux de la prime d'ancienneté n'étant pas fixé par le contrat de travail du salarié, le moyen, pris en sa première branche, est inopérant ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a constaté que la réduction du taux d'ancienneté résultant de l'application du statut du personnel d'Air France auquel les salariés se trouvaient désormais soumis à la suite de la fusion-absorption de la société UTA a été compensée par une majoration du salaire de base de l'intéressé, a, sans encourir les griefs des autres branches du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

Attendu que M. Z reproche à l'arrêt infirmatif de rejeter sa demande de rappel de rémunération au titre des indemnités kilométriques, alors, selon le moyen, qu'à moins de dispositions précises contenues dans le nouvel accord négocié après la mise en cause ou la dénonciation d'accords et conventions collectifs, les avantages individuels acquis sont conservés par les salariés à l'issue de la période d'un an suivant celle du préavis et ne peuvent être remis en cause sans son accord ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, en l'état d'un accord du 30 décembre 1992 qui n'envisageait nullement la question des indemnités kilométriques et après avoir constaté que les conditions de remboursement des IKV résultaient d'un accord collectif au sein de la société UTA, ce dont il résultait que cet avantage individuel acquis ne pouvait être remis en cause sans l'accord du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 132-8 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que le régime des indemnités kilométriques résultant de l'application du règlement du personnel au sol, le salarié s'y trouvait soumis de plein droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen

Attendu que M. Z reproche à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir la société Air France condamnée à faire porter, dans les bulletins de paie, la mention de la majoration d'ancienneté, alors, selon le moyen, que le bulletin de paie comporte obligatoirement la période et le nombre d'heures de travail auquel se rapporte le salaire en distinguant, s'il y a lieu, les heures qui sont payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 143-2 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le statut du personnel Air France prévoyait une majoration d'ancienneté qui affecte le montant du traitement mensuel et s'est substituée à la prime d'ancienneté qui résultait du statut collectif du salarié au sein de la société UTA, a décidé, à bon droit, que cette majoration ne pouvait figurer distinctement sur ses bulletins de paie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen

Attendu que M. Z reproche à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir son reclassement, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions régulièrement déposées, M. Z faisait valoir qu'entre 1993 et 1996, la société Air France n'avait jamais procédé à l'entretien annuel auquel elle était tenue, afin d'apprécier ses qualifications ; qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions, pourtant de nature à établir que la procédure tendant à établir la classification du salarié n'avait jamais été respectée, la cour d'appel viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a motivé sa décision sur la classification à laquelle pouvait prétendre le salarié lors de son transfert à Air France, et qu'elle n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille trois.