Cass. crim., 25-06-1991, n° 90-83.846, inédit au bulletin, Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq juin mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALPHAND, les observations de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :
Y... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 15 mai 1990, qui l'a condamné, pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, à deux amendes de 4 000 francs chacune et a ordonné la publication de la décision ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la d violation des articles 16, 40, 45 du décret du 8 janvier 1965, 31a et suivants du décret du 23 août 1947, L. 263-2 à L. 263-6 du Code du travail, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Michel Z... coupable d'infractions aux règles de la sécurité et notamment d'avoir laissé travailler deux salariés sur un chantier sans que ceux-ci ne portent de casque de protection, d'avoir laissé ces salariés utiliser une grue sans que celle-ci soit équipée d'un crochet amovible évitant la chute des matériaux, d'avoir laissé les salariés utiliser un engin de levage sans que celui-ci ait fait l'objet d'une vérification dans les six mois précédents, et d'avoir laissé travailler deux salariés à la pose de poteaux télégraphiques en utilisant une grue sans que des consignes précisant les mesures de sécurité à prendre pour éviter les chutes d'objets n'aient été affichées dans la cabine de manoeuvre de l'appareil de levage ou dans les locaux où chacune d'elles s'applique ; "aux motifs que "le 20 février 1978, Jean D..., chef du centre régional NordOuest, titulaire d'une délégation du président-directeur général, M. A... en date du 17 janvier 1978, lui a subdélégué ses pouvoirs pour assurer et faire assurer efficacement, sur tous les chantiers relevant de son autorité, les prescriptions du Code du travail et les dispositions légales et réglementaires relatives à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs ; ""que cette subdélégation dont il n'est pas contesté qu'elle ait été régulière puisque autorisée par le chef d'entreprise a été expressément acceptée par Michel Y... ;
""que s'il est vrai que le 1er janvier 1979, Michel Y... est devenu conducteur de travaux 2ème échelon, chef du secteur PTT de la région Ouest, cette modification dans sa situation professionnelle n'a pas eu pour conséquence de supprimer la délégation de pouvoir ci-dessus visée ; qu'il en est de même du changement de président-directeur général intervenu en 1984 à la suite du règlement judiciaire de l'entreprise, dès lors qu'il n'est pas démontré que M. C..., nouveau responsable, n'ait pas repris pour son compte d les délégations antérieurement accordées ; ""que Michel Y... qui, a reconnu à l'audience que MM. B... et X... n'avaient pas de délégation de pouvoir, était d'ailleurs si conscient de la responsabilité qu'il devait assumer sur ce chantier que dès le lendemain de l'accident, il a adressé sous sa propre signature, à tout le personnel du secteur PTT une note accompagnée d'une photocopie du règlement intérieur dans laquelle il rappelait les règlements élémentaires de sécurité et les sanctions dont pouvait faire l'objet un salarié s'il ne les respectait pas ; ""que dans ces conditions c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il n'était pas établi que les faits poursuivis lui étaient imputables ; qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée ; ""que les fautes éventuellement commises par la victime ou toute autre personne n'empêchent pas de rechercher si celles-ci n'ont pas été rendues impossibles par le défaut de surveillance du prévenu ; ""que, en l'espèce, s'il ressort des déclarations de Michel Y..., que les ouvriers du chantier disposaient d'un casque mais ne l'avaient pas mis le jour des faits et qu'ils avaient eux-même décidé comme ils avaient l'habitude de le faire souvent, de procéder au levage du poteau sans utiliser le crochet du camion, il n'en demeure pas moins que le prévenu a commis une faute en faisant confiance à ses ouvriers auxquels il n'avait donné aucune consigne quant à la fixation des poteaux au moment du chargement et du déchargement ; ""que l'inspecteur du travail a d'ailleurs noté que ces faits, en raison de leur accumulation, leur caractère habituel pour des travaux réalisés loin de l'établissement d'attache révélaient soit une carence grave dans l'encadrement des chantiers soit que, connaissant ces pratiques les dirigeants les aient sciemment tolérées malgré leur gravité ; ""que, en toute hypothèse, il est constant que la grue n'avait jamais fait l'objet de vérification avant l'accident ; ""qu'il résulte de ces éléments que les infractions reprochées à Michel Y... sont constituées ; qu'il convient d'entrer en voie de condamnation à son encontre, de lui infliger deux d amendes de 4 000 francs et d'ordonner la
publication de la présente décision mais de le dispenser de l'affichage" ; "alors, d'une part, que la cour d'appel se fonde sur une double délégation de pouvoirs délivrée 9 ans avant l'accident par le président-directeur général de l'entreprise au chef de centre régional et par ce dernier aux conducteurs de travaux parmi lesquels figurait le demandeur, Corvee ; que cette subdélégation de pouvoirs indiquait que "l'importance des fonctions exercées par le chef de centre régional, l'existence de nombreux chantiers et leur diversité ne lui permettaient pas de vérifier lui-même que les instructions données étaient correctement suivies et que les conducteurs de travaux disposaient des moyens nécessaires pour assurer la bonne exécution des instructions", de sorte qu'en s'abstenant de rechercher -comme elle y était invitée- si, du fait de sa promotion en date du 22 décembre 1978, qui l'avait conduit au poste de chef de secteur de la région Nord-Ouest, responsable du suivi commercial et administratif des chantiers, Corvee était encore en mesure de veiller effectivement sur la stricte observation des règles de sécurité dans les chantiers et s'il entrait ainsi dans les limites de la subélégation prévue par la direction, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 263-2 du Code du travail ; "qu'il importe peu à cet égard que le demandeur ait, à la suite de l'accident litigieux, émis de nouvelles instructions dans le secteur dont il avait la responsabilité qui impliquait nullement qu'il ait conservé la mission hiérarchiquement inférieure consistant à vérifier l'application de celles-ci sur les chantiers ; "alors, d'autre part, qu'en énonçant que le changement de président-directeur général intervenu en 1984 à la suite du règlement judiciaire de l'entreprise n'aurait pas été de nature à entraîner la caducité de la délégation de pouvoir du 17 janvier 1978 au motif qu'il ne serait pas démontré que M. C..., nouveau responsable, n'ait pas repris à son compte les délégations accordées antérieurement à sa nomination, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et, partant, violé l'article 427 du Code de procédure pénale ; "que pour la même raison, la cour d'appel qui méconnaît le principe de la présomption d'innocence d viole l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; "qu'au surplus, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui présume l'existence d'une délégation de pouvoirs, viole l'article L. 263-2 du Code du travail" ; Attendu que le moyen remet en question devant la Cour de Cassation, les motifs qu'il reprend, par lesquels, les juges d'appel répondant, sans insuffisance ni méconnaissance des textes susvisés, aux argumentations essentielles des conclusions qui leur étaient soumises, ont souverainement apprécié, les éléments dont ils ont déduit que Corvée se trouvait toujours, au moment des faits, régulièrement investi de la délégation de pouvoirs qu'il avait précédemment acceptée et que, comme le confirmait son comportement au
lendemain de l'accident, les changements intervenus dans les situations du déléguant et du subdélégataire, n'avaient pas eu pour effet de modifier la portée des pouvoirs ainsi consentis à ce prévenu, auquel il appartenait, à l'exclusion de tout autre, de veiller au respect de la loi quant aux travaux à l'occasion desquels ont été relevées les infractions poursuivies qu'un tel moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Alphand conseiller T rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Fontaine, Milleville, Guerder conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, Mme Pradain avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;