Cour de Cassation
Arrêt du 18 décembre 1997
M. Jean-Pierre ...
c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Douai
Président M. GELINEAU-LARRIVET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre ..., demeurant Arleux, en cassation d'un arrêt rendu le 11 décembre 1995 par la cour d'appel de Douai (1re chambre), au profit de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Douai, dont le siège est Douai , défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 novembre 1997, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Thavaud, conseiller rapporteur, MM. ..., ..., ..., Mme ..., M. ..., conseillers, MM. ..., ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Thavaud, conseiller, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de M. ..., de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Douai, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, dans la procédure l'opposant à M. ... sur le calcul des indemnités journalières dues à la suite de l'accident du travail dont celui-ci avait été victime le 9 juillet 1987, la Caisse primaire d'assurance maladie a produit devant le tribunal des affaires de sécurité sociale divers documents médicaux, dont les rapports de deux expertises médicales techniques;
que M. ... ayant saisi le juge des référés du tribunal de grande instance pour voir ordonner le retrait de ces pièces dont il estimait que la production portait atteinte à sa vie privée et au secret médical, la cour d'appel (Douai, 11 décembre 1995) a débouté l'intéressé de sa demande ;
Sur les trois premiers moyens réunis, pris en leurs diverses branches
Attendu que M. ... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le premier moyen, d'une part, que le tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pas été saisi d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable du 4 septembre 1992, mais d'un litige portant exclusivement sur l'application de l'article R.433-8 du Code de la sécurité sociale concernant le taux de l'indemnité journalière due à M. ... à compter de sa rechute, établie au 17 juin 1988 par expertise technique du docteur ... du 15 avril 1989 et prise en charge à ce titre par la Caisse à la suite d'une notification intervenue le 10 mai 1989;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige dont avait été saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile;
alors, d'autre part, que les commissions de recours amiable ne donnent sur les affaires qui leur sont soumises que des 'avis';
que cette saisine ne constitue donc qu'une mesure procédurale préalable, indépendante de la procédure au fond;
que dès lors, en refusant d'accéder à la demande de M. ..., la cour d'appel a violé, avec le principe de la séparation entre le contrôle médical et les services administratifs de la Caisse, les articles L.141-1, R.141-1 et R.142-4 du Code de la sécurité sociale;
alors, selon le deuxième moyen, que si la renonciation peut être tacite, elle doit être certaine et ne peut résulter que d'actes positifs non équivoques qui impliquent nécessairement la volonté de renoncer;
que dès lors, en tentant d'informer la commission de recours amiable -dont la saisine préalable aux fins de procédure est nécessaire- du bien-fondé de ses réclamations, par la production du certificat d'un praticien compétent, M. ... n'a pas pu renoncer au droit de se prévaloir des irrégularités de fond susceptibles de se produire ultérieurement, du fait des services administratifs de la Caisse;
qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil;
alors, selon le troisième moyen, d'une part, que le tribunal des affaires de sécurité sociale n'avait pas été saisi d'une contestation de la décision des avis techniques des experts ... et ... contenus dans leurs rapports des 6 avril 1988 et 27 avril 1989, mais d'un litige portant exclusivement sur l'application de l'article R.433-8 du Code de la sécurité sociale concernant le taux de l'indemnité journalière due à M. ... à compter de sa rechute établie au 17 juin 1988 et prise en charge à ce titre par la Caisse;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige dont avait été saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que l'obligation au secret professionnel, pour assurer la confiance nécessaire à l'exercice de certaines professions, s'impose aux médecins -hormis les cas où la loi en dispose autrement- comme un devoir de leur état et, sous cette seule réserve, elle est générale et absolue et il n'appartient à personne de les en affranchir;
que dès lors, en considérant que le secret médical pouvait comporter des exceptions en matière, notamment, d'expertise médicale, la cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil;
alors, enfin, que si le Code de la sécurité sociale a établi un contentieux spécial et une procédure particulière appelés à permettre de résoudre les difficultés d'ordre médical qui peuvent se présenter avec les assurés sociaux, il a clairement maintenu, dans l'intérêt de ceux-ci, les principes déontologiques fondamentaux en vigueur, dont le secret professionnel des médecins;
que dès lors, en déclarant que cette législation dérogeait à la règle du secret en ce qui concerne les expertises médicales, la cour d'appel a violé les articles L.162-2 et R.144-5 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le calcul des indemnités journalières contestées par M. ... nécessitait que le tribunal des affaires de sécurité sociale apprécie la période de référence et qu'il prenne connaissance à la fois de la décision de la commission de recours amiable du 4 septembre 1992 et de l'ensemble des documents médicaux détenus par la Caisse, la cour d'appel, usant des pouvoirs conférés par l'article R.142-22 du Code de la sécurité sociale, a estimé, sans que puisse être opposé le secret médical, que ces pièces ne devaient pas être retirées des débats ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs des moyens, légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen
Attendu que M. ... fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamné aux dépens d'instance et d'appel, alors que la procédure en matière de contentieux de la sécurité sociale est gratuite et sans frais et d'avoir ainsi violé l'article R. 144-6 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'ayant été débouté de demandes qu'il avait soumises aux juridictions de droit commun, M. ... doit en supporter les dépens;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. ... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Douai ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.