Cass. soc., 18-09-2002, n° 00-42.904, publié, Rejet.



SOC.

PRUD'HOMMES L.G.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 18 septembre 2002

Rejet

M. SARGOS, président

Pourvoi n° K 00-42.904

Arrêt n° 2726 FP P+B+R+I

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société GAN-vie, société anonyme, dont le siège est Paris ,

en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 2000 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), au profit de M. François Y, demeurant Saint-Mathurin,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 juin 2002, où étaient présents M. X, président, M. W, conseiller référendaire rapporteur, MM. Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Gougé, Ollier, Thavaud, Finance, Chagny, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, MM. Coeuret, Gillet, conseillers, MM. Frouin, Poisot, Mme Guihal-Fossier, conseillers référendaires, M. V, avocat général, Mme U, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. W, conseiller référendaire, les observations de Me Delvolvé, avocat de la société GAN-vie, les conclusions de M. V, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Attendu que M. Y a été embauché en qualité de chargé de mission par la société GAN-vie, aux termes d'un contrat à durée indéterminée en date du 1er juin 1989 comportant une clause de non-concurrence lui interdisant, pendant deux années à compter de la cessation de ses fonctions, dans le département de la Vendée et les départements limitrophes, de représenter des sociétés d'assurance-vie ou "I.A.", de capitalisation ou d'épargne, de présenter au public, directement ou indirectement, des opérations d'assurance, de capitalisation ou d'épargne, et de collaborer avec des courtiers ou agents généraux d'assurances ; qu'en 1997, M. Y, désirant obtenir le statut de courtier et ne plus travailler en qualité de salarié, a demandé à poursuivre sa collaboration avec la société GAN-vie, selon ce nouveau statut ; que la société GAN-vie n'ayant pas réservé de suite favorable à sa demande, M. Y a présenté sa démission le 3 décembre 1997 ; que la société GAN-vie lui ayant rappelé qu'il devait se conformer à la clause de non-concurrence stipulée à leur convention, M. Y a saisi la juridiction prud'homale afin, notamment, de voir prononcer l'annulation de la clause contractuelle et d'obtenir le paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société GAN-vie fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité la validité de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de M. Y aux seuls clients qu'il lui avait apportés, alors, selon le moyen, que la simple entrave apportée à la liberté de M. Y de travailler à la représentation de sociétés d'assurances incendie-accident ou vie, de capitalisation ou d'épargne, pendant une durée de deux ans sur le département de la Vendée et les départements limitrophes, dont la cour d'appel a constaté qu'elle était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, compte tenu notamment du risque concurrentiel sérieux que présentait M. Y en Vendée et qui ne mettait pas le salarié dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, ne pouvait entraîner la nullité de la clause, de telle sorte qu'en en réduisant la portée aux seuls clients que M. Y avait apportés au Gan Vie, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que le juge, en présence d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail, même indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, peut, lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l'application en en limitant l'effet dans le temps, l'espace ou ses autres modalités ;

Et attendu que la cour d'appel ayant relevé que la clause litigieuse constituait, en raison de la spécificité de l'activité professionnelle de M. Y, une entrave à sa liberté de travailler, a pu décider qu'il y avait lieu d'en réduire le champ d'application à l'interdiction faite au salarié de démarcher les clients de la société GAN-vie ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GAN-vie aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille deux.