SOC.
PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 6 mai 2002
Cassation partielle
M. MERLIN, conseiller doyen faisant fonctions de président
Pourvoi n° U 00-41.992
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Gérald Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de Cassation
en date du 28 février 2001.
Arrêt n° 1509 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Gérald Z, demeurant Vannes,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 février 2000 par la cour d'appel de Rennes (8e Chambre), au profit de la société Urbaco, société anonyme dont le siège social est Vedène,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 mars 2002, où étaient présents M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Maunand, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, conseiller, Mme Nicolétis, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Z, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Urbaco, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z a été engagé en qualité de VRP par la société Urbaco selon contrat à durée indéterminée, le 2 janvier 1995 ; qu'à la suite d'une réorganisation, la société lui a fait signer, le 22 septembre 1995, un contrat à durée déterminée d'une durée de six mois, prenant effet le 1er octobre 1995 ; qu'une clause du contrat prévoyait qu'il devait atteindre un chiffre d'affaires de 780 000 francs hors taxes dans les six mois à défaut la résiliation du contrat était de plein droit ; que, le 8 mars 1996, la société lui a notifié que le contrat prenait fin à l'échéance en raison de l'insuffisance de ses résultats ; que M. Z a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis, de demandes de remboursement de frais professionnels ;
Sur le premier moyen
Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que pour dire que le licenciement de M. Z était fondé sur une cause réelle et sérieuse après avoir dit que le contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a énoncé que l'insuffisance de résultats qui lui était reproché, était établie par le "tableau représentant" arrêté en décembre 1995 et les relevés de vente, observant que les parties avaient fait de la réalisation de ce quota, une cause de résiliation de plein droit du contrat de travail ;
Attendu, cependant, qu'aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement ; qu'il appartient au juge d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait d'apprécier, d'une part, si les objectifs, fussent-ils définis au contrat, étaient réalistes, d'autre part, si le fait de ne pas les avoir atteints résultait d'une faute du salarié ou d'une insuffisance professionnelle, la cour d'appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen
Vu l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le salarié licencié pour un motif autre que pour une faute grave a droit à un délai-congé d'un mois s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et deux ans ;
Attendu que la cour d'appel, pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents présentée par M. Z, a dit que celui-ci avait une ancienneté inférieure à six mois et avait déjà bénéficié d'un préavis du 8 au 31 mars 1996 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que M. Z avait été engagé le 2 janvier 1995, par la société Urbaco, dans le cadre de deux contrats successifs, le premier à durée indéterminée, le second à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée qui avait pris fin le 31 mars 1996, ce dont il résultait que le salarié avait une ancienneté supérieure à six mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le troisième moyen
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de frais professionnels présentée par M. Z, la cour d'appel a dit que le contrat de travail ne prévoyait la prise en charge par l'employeur que des frais professionnels de téléphone et que les frais de photocopies et d'envois postaux réclamés par le salarié n'entraient pas dans cette catégorie ;
Attendu, cependant, que les frais qu'un salarié justifie avoir exposé pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ; qu'en l'espèce, aucune dérogation à ce principe n'ayant été prévue au titre des frais de copie et d'envois postaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le quatrième moyen
Vu l'article L. 122-3-4 du Code du travail ;
Attendu que pour condamner M. Z à restituer l'indemnité de précarité perçue à l'issue de son contrat à durée déterminée, la cour d'appel a dit que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée entraînait la restitution de cette indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité de précarité qui compense pour le salarié la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, lorsqu'elle est perçue à l'issue de son contrat, lui reste acquise nonobstant la requalification ultérieure de son contrat en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le cinquième moyen
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour condamner M. Z à rembourser une somme au titre des frais de déplacement, la cour d'appel a dit que le contrat prévoyait que ces frais seraient réglés à hauteur de 6 000 francs par mois sur justificatif et que le salarié ayant perçu une somme supérieure aux frais justifiés, il devait rembourser le trop perçu ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les bulletins de salaire de M. Z mentionnaient, pendant toute la durée du contrat à durée déterminée, une somme forfaitaire au titre des frais de déplacement, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quelle avait été la volonté des parties, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de précarité, aux frais professionnels et de déplacement, l'arrêt rendu le 10 février 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Urbaco aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille deux.