SOC.
PRUD'HOMMESM.F.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 mars 2002
Cassation partielle
M. SARGOS, président
Pourvoi n° Y 00-41.651
Arrêt n° 1087 FS P+B+R
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Henri Z, demeurant La Colle-sur-Loup,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1999 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e Chambre sociale), au profit
1°/ de la société Fina France, société anonyme, dont le siège est Rueil-Malmaison,
2°/ de Mme Khadija X,
3°/ de M. Mohamed X,
demeurant Villeneuve-Loubet,
4°/ de M. Serge W, demeurant Cagnes-sur-Mer,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 février 2002, où étaient présents M. V, président, M. U, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Ransac, Chagny, Bouret, Lanquetin, Coeuret, Chauviré, Gillet, conseillers, M. Frouin, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, Andrich, MM. Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. T, avocat général, Mme S, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. U, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de la société Fina France, les conclusions de M. T, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Total Raffinage Distribution, dont le siège est à Puteaux (92800) de ce qu'elle reprend l'instance aux lieu et place de la société Fina France ;
Attendu que M. Z, qui exploitait un fonds de commerce de distribution de carburants en vertu d'un contrat de sous-location gérance conclu avec la société Fina France, aux droits de laquelle vient la société Total Raffinage Distribution, a notifié le 15 mars 1994 à M. Mohamed X et à Mme Khadjia X, employés comme pompiste et comme caissière, leurs licenciements pour motif économique, en les dispensant de l'exécution de leur préavis à compter du 31 mars suivant, date d'expiration du contrat de sous-location gérance ; que l'exploitation de la station service a ensuite été poursuivie, à compter du 1er avril 1994, par M. W, en exécution d'un contrat passé avec la société Fina France ; que M. W ayant proposé aux époux X de les reprendre à son service, en modifiant leurs conditions de rémunération et d'ancienneté, les deux salariés ont refusé son offre, en exigeant vainement la poursuite de leurs contrats de travail, puis ont saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dirigées contre M. Z, lequel a appelé en garantie la société Fina France et M. W ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. Z, tel qu'il figure au mémoire en demande annexé au présent arrêt
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour les motifs exposés dans le mémoire susvisé et qui sont pris d'une violation de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Mais attendu que le licenciement d'un salarié prononcé à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie, est privé d'effet ; que le salarié peut, à son choix, demander au repreneur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu ou demander à l'auteur du licenciement illégal la réparation du préjudice en résultant ;
Et attendu que la Cour d'appel, qui a constaté que M. Z avait licencié les époux X avant la fin du contrat de location gérance et alors que les postes de ces salariés n'étaient pas supprimés, a pu décider que le licenciement prononcé dans ces conditions était sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employeur qui en avait pris l'initiative ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de M. Z et le moyen unique du pourvoi incident des époux X réunis, tels qu'ils figurent aux mémoires en demande et en défense annexés au présent arrêt
Attendu que M. Z et les époux X font grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le premier de son appel en garantie dirigé contre la société Fina France, pour les motifs exposés dans les mémoires susvisés, qui sont pris d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Mais attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que la société Fina France ait été l'instigatrice des licenciements ; que les moyens, qui tendent à remettre en discussion devant la Cour de Cassation ces éléments de fait, ne peuvent être accueillis ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de M. Z
Vu les articles L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail et 1214 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter l'appel en garantie que M. Z avait formé à l'encontre de M. W, la cour d'appel a retenu que si ce dernier avait bénéficié de licenciements prononcés sans cause réelle et sérieuse, il n'avait commis aucun acte positif susceptible de caractériser une faute à l'encontre des salariés licenciés ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. W avait refusé de poursuivre les contrats de travail des salariés attachés à l'entité transférée, comme il était légalement tenu de le faire, contribuant ainsi nécessairement au préjudice subi par les époux X du fait de la perte de leurs emplois, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z de son appel en garantie dirigé contre M. W, l'arrêt rendu le 14 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille deux.