SOC.
PRUD'HOMMESCH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 mars 2002
Cassation partielle sans renvoi
M. SARGOS, président
Pourvoi n° W 99-45.012
Arrêt n° 991 FS D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Jean Z, demeurant Rouvroy,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 juin 1999 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), au profit de la société Sofremi, société à responsabilité limitée, dont le siège est Courcelles-les-Lens,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 janvier 2002, où étaient présents M. Sargos, président, Mme Nicolétis, conseiller référendaire rapporteur, MM. Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mmes Lemoine-Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, Mme Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mmes Maunand, Duval-Arnould, Auroy, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Nicolétis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z, de la SCP Bouzidi, avocat de la société Sofremi, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z, embauché le 2 octobre 1989 par la société Sofremi en qualité de chef d'atelier, a été licencié pour faute grave le 5 juin 1993, à la suite d'un accident mortel dû à la défaillance d'une grue de chantier ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demande en paiement de diverses indemnités ;
Sur le premier moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de délai-congé, de rappel de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement alors, selon le moyen
1°/ que la lettre de licenciement notifiée à M. Z, qui fixait les termes et les limites du litige, lui reprochait de ne pas avoir lui-même procédé au changement des pièces endommagées ; que la cour d'appel, en disant son licenciement justifié à raison du fait que M. Z n'avait pas vérifié si le travail de remplacement des pièces avait été effectué par le grutier, a excédé les termes de la lettre de licenciement et violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
2°/ que la faute grave commise par un salarié doit s'apprécier compte tenu du contexte dans lequel elle s'inscrit ; qu'en ne recherchant pas, alors qu'elle y était pourtant invitée par les conclusions déposées par le salarié, quelles étaient les conditions concrètes dans lesquelles M. Z était amené à exercer ses fonctions, le salarié faisait état de la dissémination des véhicules sur de nombreux sites, du nombre important des véhicules dont il avait la charge, de la confusion qui régnait quant au partage des tâches et des responsabilités dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
3°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le rapport qui avait mis en évidence les réparations à effectuer sur la grue en cause soulignait également que l'appareil pouvait être maintenu en service et qu'il ne présentait aucune dangerosité particulière ; qu'il s'agissait également de la première négligence commise par M. Z dans l'exercice de ses fonctions depuis son entrée dans l'entreprise ; qu'en jugeant néanmoins le comportement du salarié gravement fautif, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que M. Z, qui avait pour tâche essentielle d'exécuter et de faire exécuter tous les travaux d'entretien des véhicules roulants sous les ordres de son supérieur hiérarchique, n'a pas procédé lui-même au remplacement de la poulie ébréchée d'une grue et s'est abstenu de vérifier si ce remplacement avait été effectué par le grutier auquel il avait remis la pièce de rechange ; qu'elle a pu en déduire, sans dénaturer les termes du litige fixés par la lettre de licenciement reprochant au salarié de ne pas avoir remis en état des organes de sécurité et de levage sur les grues, que le comportement du salarié était de nature à rendre impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen
Vu l'article 28 g de la Convention collective du bâtiment ;
Attendu, selon ce texte, que tout employé, technicien, agent de maîtrise du bâtiment, réunissant, à la fin de l'année de référence, 6 mois de présence dans une ou plusieurs entreprises soumises au décret du 30 avril 1949 sur les congés payés dans le bâtiment et les travaux publics, doit percevoir, en même temps que son indemnité de congé, une prime de vacances égale à 30 % de son indemnité de congé ;
Attendu que pour débouter M. Z de sa demande d'indemnité au titre de sa prime de vacances pour l'année 1993 l'arrêt attaqué énonce que la prime de vacances n'est pas due au salarié car son contrat de travail a cessé le 6 juin 1993 sans qu'il prenne ses congés payés ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a subordonné le versement de la prime de vacances à une condition non prévue par la Convention collective, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit, dès lors que le montant de la prime de vacances n'a pas été contesté devant les juges du fond ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z de sa demande d'indemnité au titre de sa prime de vacances 1993, l'arrêt rendu le 30 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Sofremi à payer à M. Z une somme de 4 339 francs au titre de la prime de vacances pour 1993, avec intérêts de droit à compter du 14 septembre 1993 ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Z et de la société Sofremi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille deux.