Cass. soc., 16-01-2002, n° 99-45.718, inédit au bulletin, Rejet



SOC.

PRUD'HOMMESM.F.

COUR DE CASSATION

Audience publique du 16 janvier 2002

Rejet

M. MERLIN, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président

Pourvoi n° P 99-45.718

Arrêt n° 181 F D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Axa Assurances, également dénommée Axa Conseil, dont le siège est Paris, Cedex 09,

en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1999 par la cour d'appel de Nancy (Chambre sociale), au profit de Mme Odile Y, demeurant Les Forges,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 21 novembre 2001, où étaient présents M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, Mme Quenson, conseiller, M. Bruntz, avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Axa Assurances, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Attendu que, par contrat du 19 mars 1991, intitulé "lettre d'investiture au titre d'agent mandataire", l'Union des assurances de Paris, devenue la société AXA assurances, a conféré à Mme Y la qualité d'agent mandataire prévue par l'article R. 511-2 4e du Code des assurances avec mission de "rechercher des souscripteurs aux contrats de capitalisation réseau BS exclusivement" ; que soutenant que les conditions d'exercice de son activité caractérisaient l'existence d'un contrat de travail, Mme Y a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir, notamment, un rappel de commissions ainsi que le paiement de dommages-intérêts ; que la société AXA assurance a décliné la compétence du conseil de prud'hommes au profit de celle du tribunal de grande instance ;

Attendu que la société AXA assurances fait grief à l'arrêt attaqué (Nancy, 18 octobre 1999) d'avoir décidé que le conseil de prud'hommes était compétent pour statuer sur le litige opposant les parties, alors, selon le moyen, que

1°) la "lettre d'investiture au titre d'agent mandataire en date du 19 mars 1991", constituant le contrat régissant les parties, stipule qu'il est régi par l'article R. 511-2-4 du Code des assurances ; qu'aux termes de l'article R. 511-2, "les opérations pratiquées par les entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 ne peuvent être représentées que par des personnes suivantes", que l'alinéa 4 de cet article vise au nombre de celles légalement habilitées limitativement "les personnes physiques non salariées autres que les agents généraux d'assurances et mandatées, à cet effet, par une entreprise, société ou personne mentionnée aux a, b et c du troisièmement ci-dessus" ; qu'en vertu de ce texte, les opérations faisant l'objet de contrat régissant les parties ne pouvaient donc être réalisées que par des "personnes physiques non salariées" ; qu'en requalifiant ainsi en contrat de travail un contrat de mandat par lequel le mandataire se trouvait légalement exclu de l'exercice de l'activité faisant l'objet de son contrat, la cour d'appel a violé les articles 1984 et 1134 du Code civil, R. 511-2-4 du Code des assurances ;

2°) la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé l'existence d'un contrat de travail, par des motifs qui n'excèdent pas l'obligation du mandataire à accomplir les actes juridiques dont il est chargé par le mandant et de son obligation de lui rendre compte ; qu'ainsi, l'arrêt a violé les articles 1134 et 1984 et suivants du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que si selon l'article R. 511-2 4e du Code des assurances, les opérations, dont Mme Y était chargée, peuvent être effectuées par des personnes physiques non salariées, elles peuvent l'être également, en application de l'article R. 511-2-3e du même Code, par des salariées de sociétés ou de personnes physiques mentionnées aux a, b et c de ce texte et à l'article L. 310-1 dudit Code, en sorte que Mme Y pouvait exercer son activité en qualité de salariée de la société AXA assurances qui est une société visée par l'article L. 310-1 ;

Attendu, ensuite, qu'après avoir exactement retenu que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, la cour d'appel a constaté que Mme Y accomplissait son activité selon un planning établi par la société, que sa présence était obligatoire à certaines réunions, que son emploi du temps était modifié en fonction du recrutement de nouveaux agents, qu'elle ne pouvait réaliser certaines opérations qu'après un contrôle préalable d'un inspecteur départemental, qu'elle encourrait une perte du droit à commission si certaines opérations n'étaient pas exécutées selon les conditions imposées et qu'elle a été dessaisie de la gestion de dossiers de clients communs avec un agent principal à la suite d'un conflit avec ce dernier ; qu'ayant fait ainsi ressortir que la société exerçait à l'égard de Mme Y un pouvoir de direction et de contrôle ainsi que disciplinaire excluant l'existence d'un mandat, elle a pu décider que nonobstant la dénomination et la qualification données à la convention précitée, l'intéressée se trouvait placée, pour l'accomplissement effectif de son travail, sous la subordination de la société AXA assurances et qu'en conséquence, l'existence d'un contrat de travail était caractérisée ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axa Assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Axa Assurances à payer à Mme Y la somme de 1000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille deux.