Chambre sociale
Audience publique du 24 octobre 2001
Pourvoi n° 99-45.068
M. Christian Z
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société ufifrance patrimoine Arrêt n° 4372 F D RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Christian Z, demeurant Cisse,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 juillet 1999 par la cour d'appel de Poitiers (Chambre sociale), au profit de la société ufifrance patrimoine, société anonyme dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 juillet 2001, où étaient présents M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société ufifrance Patrimoine, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z a été engagé par la société Ufifrance en qualité de démarcheur le 16 janvier 1998 ; qu'avant la conclusion du contrat, l'intéressé avait participé à une période de sélection et de préformation ; que, le 11 février 1998, M. Z a informé son employeur qu'il suspendait sa prestation en raison du non-paiement de son salaire ; que, le 17 février suivant, la société a mis fin à la période d'essai ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'il n'était pas salarié de la société au cours de la période de sélection et de préformation, alors, selon le moyen, qu'il était démontré, par de nombreuses pièces versées aux débats que des prestations avaient été effectuées dans une situation de subordination hiérarchique et qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'aucune prestation de travail n'avait été accomplie par M. Z pendant la période antérieure à la conclusion du contrat de travail et qu'il s'était rendu aux sessions de formation de manière volontaire et en toute liberté, sans être soumis à aucune directive particulière ; qu'elle a pu en déduire qu'aucun contrat de travail n'avait été conclu entre les parties pendant cette période ;
Mais sur le deuxième moyen
Vu les articles L. 122-4 et L. 143-2 du Code du travail ;
Attendu que pour rejeter les demandes du salarié la cour d'appel a retenu que M. Z a, de lui-même, suspendu sa prestation de travail le 11 février 1998 au motif qu'il n'avait pas été payé à la fin du mois de janvier, conformément à la régle applicable dans l'entreprise selon laquelle le salarié engagé au cours du mois était payé à la fin du mois suivant, régle qui a été expliquée à M. Z ; que l'employeur justifie de ce que la prestation de travail n'était pas conforme à ce qu'attendait l'entreprise et qu'il a pu légitimement souhaiter rompre le contrat d'un salarié qui a suspendu unilatéralement son travail sans rechercher à résoudre amiablement, ce qu'il estimait être une violation des obligations contractuelles par l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le retard dans le paiement du salaire caractérise un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail qui constitue une rupture du contrat de travail laquelle s'analyse en un licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de remboursement de frais, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail prévoit que la rémunération englobe les frais professionnels, celle-ci étant fondée uniquement sur les commisssions ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il est de principe que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu est de statuer sur le troisième moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles ayant débouté le salarié de ses demandes pour la période antérieure à la date de conclusion du contrat de travail, l'arrêt rendu le 22 juillet 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille un.