COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 20 juin 2001
Pourvoi n° 99-42.092
M. Albert Z
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Albert Z, demeurant Fontenay-aux-Roses,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 janvier 1999 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section E), au profit de l'agent judiciaire du Trésor, pris en sa qualité de représentant de la direction des Journaux officiels, domicilité Paris,
défendeur à la cassation ;
En présence de
1°/ M. Pierre Y, demeurant Le Kremlin-Bicêtre,
2°/ Mme Béatrice X, demeurant Le Tremblay-sur-Mauldre,
3°/ Mme Christiane W, demeurant Le Chesnay,
4°/ M. Michel V, demeurant Montigny-Le-Bretonneux,
5°/ Mme Marie-Claire U, demeurant Rambouillet,
6°/ Mme Françoise T, demeurant Paris,
7°/ Mme Catherine S, demeurant Bois d'Arcy,
8°/ Mme Marie-Thérèse R, demeurant Michel Guyancourt,
9°/ Mme Annick Q, demeurant Guyancourt,
10°/ Mme Dominique P, demeurant Guyancourt,
11°/ Mme Marie-France O, demeurant Albert Boulogne-Billancourt,
12°/ M. Thierry N, demeurant Igny,
13°/ Mme Fabienne M, demeurant Orléans,
LA COUR, en l'audience publique du 10 mai 2001, où étaient présents M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Finance, conseiller rapporteur, M. Brissier, conseiller, M. Soury, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de l'agent judiciaire du Trésor, ès qualités, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 1999), qu'à la suite du transfert des missions du Centre national d'information juridique (CNIJ) à la Direction des Journaux officiels (DJO), cette dernière a organisé l'intégration du personnel du CNIJ selon une grille de reclassement prévoyant en faveur de chaque salarié, outre un reclassement indiciaire, une rémunération supplémentaire dite complément personnel d'intégration ; que contestant notamment son reclassement, M. L a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. L fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de lui reconnaître la qualité de cadre alors, selon le moyen, que les fonctions réellement exercées sont déterminantes puisque le contentieux de la qualification s'organise autour de l'appréciation de celles-ci et de leur comparaison aux conditions d'accès à la qualification fixées par l'accord applicable et aux fonctions exercées par les salariés à qui la DJO a attribué la qualification ; qu'il est constant que la qualification de cadre est reconnu à la majorité des salariés occupant le même poste et les mêmes fonctions que M. L, y compris à deux d'entre eux ayant le même titre à la date du transfert des contrats de travail à la DJO ; qu'en s'abstenant de procéderà cette comparaison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. L occupait au sein du CNIJ le poste d'assistant gestionnaire de documentation, lequel consiste en l'analyse dans un domaine particulier des éléments essentiels des textes pour les classer sur la base de donnée, en la détermination des mots clés et l'établissement des "abstras", la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que ces fonctions si elles supposent de bonnes connaissances juridiques et une maîtrise de l'informatique, ne révélent pas un niveau suffisant de responsabilité permettant de lui attribuer la position de cadre ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que M. L fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'existence d'une discrimination en matière de salaire alors, selon le moyen, que la cour d'appel, saisie d'une contestation de la qualification attribuée au salarié ne pouvait se borner à constater que le contrat de travail antérieur au transfert portait sur un emploi d'assistant gestionnaire de base et non de gestionnaire de base ; que les juges du fond devaient rechercher quelles fonctions le salarié exerçait réellement à la DJO, donc depuis le transfert, pour ensuite opérer la comparaison avec les fonctions réellement exercées par Mme ... ... ; qu'en tenant pour constant que M. L n'exerçait pas les mêmes responsabilités que Mme ... ... sans rechercher en quoi les fonctions exercées étaient différentes, alors que la DJO n'apportait aucun élément probant dans un sens ou dans l'autre, ne contestait pas la description qui en est faite par le salarié et se contentait de soutenir que c'est sur ce dernier que pèse la charge de la preuve de la discrimination, la cour d'appel, en ne se donnant pas les moyens de procéder à la comparaison, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-5, 4°, L. 136-2, 8°, et L. 140-2 et suivants du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme ... ..., qui, au sein du CNIJ, avait la qualification de gestionnaire de base-position cadre, avait des fonctions et responsabilités autres que celles reconnues à M. L, la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur rapportait la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination, justifiant la différence de classement indiciaire dont se plaignait le salarié, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que M. L fait grief à l'arrêt de ne pas avoir fait droit à sa demande d'application des dispositions plus favorables de la grille de classification en vigueur à la DJO antérieurement au transfert de son contrat, alors, selon le moyen, que la DJO est un service public à caractère industriel ou commercial et qu'en application de l'article L. 511-1 du Code du travail, il appartient aux juridictions judiciaires de se prononcer au fond sur les litiges qui l'opposent à ses salariés ; qu'en ne procédant pas à la comparaison entre l'économie générale de la grille spécifique de "gestionnaire de documentation" et l'économie générale de la grille des cadres administratifs de la DJO existant antérieurement, la cour d'appel n'a pas examiné le grief reproché du caractère discriminatoire de ladite grille ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, par l'ensemble de ses dispositions, la nouvelle grille n'était pas moins favorable aux salariés nouvellement intégrés à la DJO, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-23, L. 511-1 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la situation de M. L ne pouvait être comparée à celle des autres salariés de la DJO, lesquels n'avaient pas la qualité de juristes et que celui-ci avait été intégré avec un coefficient plus favorable que celui de la convention collective du travail de la presse quotidienne parisienne, applicable à la DJO, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ;
Sur le quatrième moyen
Attendu que M. L fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'à l'occasion de ces opérations de transfert, les manoeuvres dolosives déployées par la DJO qui assumait cumulativement la direction des deux entités -CNIJ et DJO, caractérisent un comportement anormal de l'employeur et justifient l'allocation de dommages-intérêts ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, alors qu'elle avait constaté l'illégalité des dispositions prises par avenant au contrat de travail, n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1383 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le salarié ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice supplémentaire et distinct de celui né du retard dans le paiement, déjà réparé par l'allocation des intérêts moratoires sur les sommes dues au titre des primes d'assiduité et d'ancienneté ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'agent judiciaire du Trésor, ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille un.