Cass. soc., 05-06-2001, n° 98-44.781, Rejet



COUR DE CASSATION

Chambre sociale

Audience publique du 5 juin 2001

Pourvoi n° 98-44.781

Me Z

¢

Mme Claudine Y

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par



1°/ Me Z, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société anonyme Defi, demeurant Perpignan Cedex,



2°/ Mme W, ès qualités de représentant des créanciers de la société anonyme Defi, demeurant Perpignan,



3°/ la société Defi, société anonyme, dont le siège social est Pia,

en cassation d'un arrêt rendu le 2 juillet 1998 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), au profit



1°/ de Mme Claudine Y, demeurant Perpignan,



2°/ de l'AGS CGEA de Toulouse, dont le siège social est Toulouse ,

défenderesses à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 avril 2001, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Besson, conseiller référendaire rapporteur, MM. Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Mme Quenson, conseillers, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Mme Nicolétis, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Besson, conseiller référendaire, les observations de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de M. Z, ès qualités, de Mme W, ès qualités et de la société Defi, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de Mme Y, les conclusions de M. Benmakhlouf, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Attendu que Mme Y a été embauchée en qualité de vendeuse par la société Défi, selon un contrat de travail prévoyant un horaire quotidien de 7 heures 30 quatre jours de rang, suivis d'une journée de repos ; que l'employeur a décidé, au mois d'août 1995, de changer son horaire de travail ; qu'ayant refusé de poursuivre son service selon les nouveaux horaires proposés, elle a été licenciée pour faute grave le 26 septembre 1995 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale afin de contester ce licenciement ; que la société Défi a été mise en redressement judiciaire le 19 novembre 1997 ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 juillet 1998) d'avoir alloué à la salariée diverses sommes à titre de rappels de salaires, de congés payés, d'indemnités de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen

1°/ que lorsque le contrat de travail prévoit expressément la possibilité pour l'employeur de modifier l'horaire de travail selon les nécessités de l'entreprise, cette modification des conditions d'exécution du contrat n'a pas à être approuvée par le salarié et le refus de ce dernier de poursuivre l'exécution du contrat de travail aux nouvelles conditions est constitutif d'une faute grave ; qu'en l'espèce il était constant et non contesté que le contrat de travail de la salariée comportait une clause de variation d'horaires en fonction des nécessités de l'entreprise ; qu'il était également constant que la salariée avait refusé de poursuivre l'exécution de son contrat aux nouvelles conditions ; qu'ainsi en se déterminant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;

2°/ que la seule circonstance que la modification de l'horaire de travail, décidée par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et conformément aux prévisions du contrat de travail, impliquant pour l'essentiel un travail le soir au lieu du matin, n'était aucunement susceptible de faire apparaître, en l'absence de toute autre modification des conditions d'exécution du contrat, une transformation complète "de la nature du travail" et encore moins un abus de droit de la part de la société Défi ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de nouveau violé les articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;

3°/ qu'il était constant et non contesté que la société Défi avait procédé à la fermeture de ses deux points de vente pour concentrer son activité dans un seul magasin, dans lequel avaient été reclassée la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si ces circonstances n'avaient pas rendu nécessaires une nouvelle organisation du travail et une modification des horaires de l'intéressée, notamment afin de préserver son emploi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil, L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;

Mais attendu que le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit ou d'un horaire de nuit à un horaire de jour, constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié ; que la clause contractuelle, qui se borne à rappeler la règle de droit commun selon laquelle l'employeur peut changer l'horaire de travail selon les nécessités du service, est inopérante ;

Et attendu que la cour d'appel, ayant relevé que la salariée travaillait deux jours de 9 heures à 16 heures 30, a exactement décidé qu'en assignant à l'intéressée de travailler essentiellement de 16 heures 30 à 24 heures, soit de nuit à partir de 22 heures, l'employeur avait modifié le contrat de travail, et que le refus de la salariée d'accepter cette modification ne constituait pas une cause de licenciement ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z ès qualités, Mme W, ès qualités et la société Défi aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z, ès qualités, de Mme W, ès qualités et de la société Défi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille un.9