Chambre sociale
Audience publique du 10 janvier 2001
Pourvoi n° 98-45.700
Mme Z Z
SOC.
PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 janvier 2001
Rejet
M. ..., conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 33 F D
Pourvoi n° Y 98-45.700
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ Mme Z Z, demeurant Paris, agissant en sa qualité de liquidateur de la société anonyme Manufacture générale roannaise (MGR), anciennement dénommée société Marcelle Griffon,
2°/ M. W, demeurant Paris, agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la société anonyme Manufacture générale roannaise (MGR), anciennement dénommée société Marcelle Griffon,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 septembre 1998 par la cour d'appel de Paris (17e Chambre, Section A), au profit
1°/ de Mme Francine V, demeurant Le Raincy,
2°/ du Groupement des Assedic de la région parisienne (GARP), dont le siège est Colombes,
3°/ de l'Unedic, délégation AGS d'Ile-de-France, dont le siège est Levallois-Perret,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 novembre 2000, où étaient présents M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, M. Liffran, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de Mme Z Z, ès qualités, et de M. W, ès qualités, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que Mme V a été engagée le 20 mars 1990 par la société Marcelle Griffon, aux droits de laquelle vient la société Manufacture générale roannaise, en liquidation judiciaire, représentée par le liquidateur judiciaire, en qualité de responsable du stand Marcelle ... aux grands magasins du Printemps à Paris ; qu'elle a été licenciée le 14 septembre 1995 pour faute grave en raison de son refus d'une mutation au stand des Grands Magasins de la Samaritaine à Paris ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que Mme Z Z, qui a repris l'instance, engagée par la société Manufacture générale roannaise, et M. W, ès qualités, en tant que liquidateur à la liquidation des biens prononcée entre-temps, reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 1998) de le condamner à payer ces indemnités, alors, selon le moyen
1°/ que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail l'arrêt attaqué qui retient que le licenciement de Mme V résultant du refus par celle-ci du transfert de son lieu de travail d'un stand du grand magasin du Printemps Haussmann à un stand du grand magasin de la Samaritaine rue de Rivoli n'était justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse, aumotif que la société Marcelle Griffon ne s'est pas expliquée sur l'importance du chiffre d'affaires réalisé par son stand du grand magasin de la Samaritaine alors que la partie variable de la rémunération de la salariée était de près de 50 % de sa rémunération fixe, la cour d'appel ayant omis de répondre aux moyens de conclusions d'appel de la société faisant valoir que, outre le fait qu'à l'exception du changement de lieu de travail, toutes les autres clauses et conditions du contrat de travail de l'intéressée étaient demeurées identiques, il ne pouvait être question d'une quelconque diminution de fait de la partie variable de la rémunération de l'intéressée, alors que les deux grands magasins du Printemps Haussmann et de la Samaritaine sont identiques et qu'il n'existe aucun autre magasin Marcelle ... aux alentours du grand magasin de la Samaritaine, mais qu'en revanche, auprès du grand magasin du Printemps Haussmann existent un stand Marcelle ... dans le grand magasin des Galeries Lafayette et le magasin pilote de la société Marcelle Griffon rue Tronchet ;
2°/ qu'il est de principe que le refus par un salarié de continuer son travail après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue une faute grave qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement et qu'en l'espèce, le simple transfert de la salariée d'un stand du grand magasin du Printemps Haussmann dans un stand identique du grand magasin de la Samaritaine rue de Rivoli constituait un changement décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'il s'ensuit que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail l'arrêt attaqué qui retient que le licenciement de Mme V n'était justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse aux motifs inopérants que la salariée avait été engagée par la société Marcelle Griffon pour exercer ses fonctions dans le grand magasin du Printemps (et non dans le grand magasin de la Samaritaine), que le contrat de travail ne contient aucune clause de mobilité et que la société Marcelle Griffon n'expliquait pas en quoi l'intérêt de l'entreprise justifiait la mutation de la salariée ;
Mais attendu qu'une mutation, si elle entraîne une variation de la rémunération contractuelle, constitue une modification du contrat de travail et non le simple exercice du pouvoir de direction du chef d'entreprise ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a constaté que la salariée n'avait obtenu aucune réponse à sa lettre du 1er septembre 1995 demandant à l'employeur des garanties relatives au maintien de sa rémunération qui comportait une importante partie variable ; qu'elle a pu décider qu'en l'état des seules informations fournies à la salariée, son refus de mutation ne constituait pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, elle a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z Z, ès qualités, et M. W, ès qualités, aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille un.