Cass. soc., 18-12-2000, n° 99-60.443, Rejet.



COUR DE CASSATION

Audience publique du 18 décembre 2000

Rejet M. WAQUET, conseiller doyen faisant fonctions de président

Arrêt n° 5268 FS

- P

Pourvoi n° U 99-60.443

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant 

Sur le pourvoi formé par la société Dalkia, dont le siège est Saint
- André Y, en cassation d'un jugement rendu le 12 août 1999 par le tribunal d'instance de Rouen (Elections professionnelles), au profit 



1°/ de M. Roger X, demeurant Saint
- Pierre les Elbeuf,

2°/ de l'Union départementale des syndicats Force Ouvrière, dont le siège est Rouen Cedex, défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 novembre 2000, où étaient présents  M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Bouret, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Lanquetin, Coeuret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Dalkia, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique 

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Rouen, 12 août 1999) que l'Union départementale FO de la Seine

- Maritime a désigné, le 10 juin 1999, M. X en qualité de délégué syndical de l'établissement " direction régionale Haute - Normandie " de la société Compagnie générale de chauffe, devenue Dalkia ; que, selon un jugement antérieur en date du 9 octobre 1998, auquel se réfère le jugement attaqué, il a été jugé qu'au sens de l'article L. 421

-

1 du Code du travail, la Direction régionale Normandie

- Picardie de la Compagnie générale de chauffe comprend quatre établissements distincts  la direction régionale de Normandie - Picardie, réduite aux seuls services de cette direction, et les trois centres régionaux de Haute - Normandie, Basse - Normandie et Picardie ;

Attendu que la société Dalkia fait grief au jugement attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à l'annulation de la désignation de M. X en qualité de délégué syndical par l'Union départementale des syndicats FO de Seine

- Maritime et d'avoir dit que M. X avait été régulièrement désigné en qualité de délégué syndical FO de l'établissement distinct de la Direction régionale de Normandie Picardie, alors, selon le moyen 

1°/ que la lettre de désignation d'un délégué syndical fixe le cadre dans lequel celui

- ci devra exercer sa mission de représentant du personnel et s'impose au juge ; qu'il n'appartient pas au juge de modifier le cadre dans lequel le délégué syndical a été désigné, même en cas d'erreur commise par le syndicat, auteur de cette désignation ; qu'en l'espèce, la lettre de désignation de M. X, en qualité de délégué syndical par l'Union départementale des syndicats FO de Seine - Maritime faisait état de la désignation du salarié au sein de l'établissement distinct " Direction régionale Haute - Normandie ", et non de la " Direction régionale Normandie Picardie " ; qu'en estimant cependant que la mention de l'établissement dans lequel l'Union départementale des syndicats FO de Seine - Maritime avait entendu procéder à cette désignation était le fruit d'une erreur et en rectifiant de lui - même cette erreur, ce qui aboutissait à modifier le cadre dans lequel M. X avait fait l'objet d'une désignation en qualité de délégué syndical, le tribunal d'instance a violé les articles L. 412

-

11, L. 412

-

16 et R. 412

-

1 du Code du travail ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif desjugements, et non à leurs motifs, et suppose, notamment, que la demande concerne les mêmes parties et présente le même objet ; que, parjugement du 4 décembre 1998, non définitif en raison du pourvoi formé à son encontre parla Compagnie générale de chauffe, statuant sur un litige opposant cette société au Syndicat Force Ouvrière de Seine

- Maritime et à M. ..., le tribunal d'instance de Rouen s'était borné à dire que M. ... avait été régulièrement désigné en qualité de délégué syndical Force Ouvrière de l'établissement distinct de Haute - Normandie de la Compagnie générale de chauffe ; qu'aucune autorité de chose jugée attachée à cette décision ne pouvait donc être opposée à la demande de la société Dalkia, anciennement Compagnie générale de chauffe, tendant à l'annulation de la désignation par l'Union départementale des syndicats Force Ouvrière de Seine - Maritime de M. X en qualité de délégué syndical de l'établissement prétendument distinct de la Direction régionale Normandie Picardie, faute d'identité de parties et d'objet et en raison de son caractère non définitif ; qu'en outre, la reconnaissance de l'existence de l'établissement distinct de Haute - Normandie ne résultait que des motifs dudit jugement et non du dispositif ; qu'en retenant néanmoins que le point de droit relatif à l'existence d'un établissement distinct au sein de la société Dalkia avait déjà été tranché par décision du 4 décembre 1998 et en limitant, en conséquence, l'examen des moyens invoqués par la société aux moyens nouveaux, à l'exception de ceux dont avait eu à connaître le tribunal lors de l'instance ayant abouti à la décision précitée, le tribunal a violé l'article 1351 du Code civil ainsi que l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3°/ que l'établissement distinct est une notion fonctionnelle qui dépend de la nature de l'institution représentative du personnel ; que, s'agissant d'un délégué syndical, l'établissement, dans le cadre duquel le délégué syndical peut être désigné, se définit comme un groupe de salariés ayant des intérêts communs et travaillant sous une direction unique, peu important que la gestion soit centralisée à un autre niveau, dès lors qu'il existe sur place un représentant de l'employeur qualifié pour trancher certaines réclamations et transmettre les réclamations et revendications auxquelles il ne pourrait donner suite ; qu'en l'espèce, pour dire que la Direction régionale Normandie Picardie constitue un établissement distinct, le tribunal d'instance s'est fondé sur une définition unique de l'établissement distinct valable aussi bien pour les délégués du personnel que pour les délégués syndicaux ; qu'en ne tenant pas compte de la spécificité du mandat de délégué syndical, dont la mission s'étend aux revendications du personnel et à la négociation d'accords collectifs, pour établir si la Direction régionale Normandie Picardie de la société Dalkia constitue ou non un établissement distinct, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412

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11 et R. 412

-

1 du Code du travail ;

4°l que l'établissement, dans le cadre duquel le délégué syndical peut être désigné, se définit comme un groupe de salariés ayant des intérêts communs et travaillant sous

- une direction

- unique, peu important que la gestion du personnel soit centralisée à un autre niveau, dès lors qu'il existe sur place un représentant de l'employeur qualifié pour trancher certaines réclamations et transmettre les réclamations et revendications auxquelles il ne pourrait donner suite ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes du juge que le directeur régional de l'établissement Direction régionale Normandie Picardie de la société Dalkia n'a pas le pouvoir de négocier des accords collectifs, ce qui constitue l'essence même de la fonction des délégués syndicaux ; qu'en décidant néanmoins que la Direction régionale Normandie Picardie constitue un établissement distinct sans même constater que le directeur régional a au moins le pouvoir de recevoir les revendications du personnel de l'établissement Direction régionale Normandie Picardie ou dispose du pouvoir de les transmettre, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412

-

11 et R. 412

-

1 du Code du travail ;

5°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne peut procéder par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, pour dire que la Direction régionale Normandie Picardie constitue un établissement distinct au sein de la société Dalkia, le tribunal d'instance s'est contenté d'affirmer que le directeur régional peut prendre un certain nombre de décisions et transmettre à la Direction nationale les questions qu'il ne pourrait trancher ; qu'en ne précisant ni la nature des décisions que le directeur régional serait habilité à prendre ni celle des questions qu'il serait susceptible de transmettre, faute de pouvoir les trancher lui

- même, le tribunal d'instance, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler que le directeur régional a qualité pour trancher certaines réclamations et transmettre les réclamations et revendications auxquelles il ne pourrait donner suite, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.

-

412=11 et R.

-

412

-

1

- du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le tribunal d'instance a constaté que l'indication, dans la lettre de désignation de M. X, de la Direction régionale Haute

- Normandie, résultait d'une erreur matérielle qu'il a réparée ;

Attendu, ensuite, que le jugement n'est pas motivé par l'autorité de la chose jugée ;

Attendu, enfin, que l'établissement dans le cadre duquel la désignation de délégués syndicaux doit être effectuée se définit comme un groupe de salariés ayant des intérêts communs et travaillant sous une direction unique, peu important que la gestion du personnel soit centralisée à un autre niveau, dés lors qu'il existe sur place un représentant de l'employeur qualifié pour recevoir les revendications et y faire droit le cas échéant ;

Et attendu que le tribunal d'instance a relevé qu'il existait une communauté de travailleurs ayant des intérêts propres, et que le directeur régional, représentant de l'employeur, avait pour attributions de gérer le personnel, de veiller au respect des dispositions légales et réglementaires, de la liberté du droit syndical et du fonctionnement des institutions représentatives, ainsi que de l'application des accords passés avec les représentants du personnel, faisant ressortir l'existence d'un représentant qualifié de l'employeur ; qu'il a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS 

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix

- huit décembre deux mille.