Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 21 Mai 1996
Rejet.
N° de pourvoi 92-43.874et 92-43875
Président M. Gélineau-Larrivet .
Demandeur Société Matrix Phone Marketing
Défendeur Mme ... et autre
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Chauvy.
Avocat la SCP Lesourd et Baudin.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 92-43874 et 92-43875 ;
Sur les deux moyens réunis
Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 26 juin 1992), que Mme ... et M. ... ont été engagés en qualité de télé-enquêteur vacataire par la société Matrix Phone Marketing (MPM) par des contrats à durée déterminée, une première fois pour la période du 11 octobre au 31 octobre 1990, puis une seconde fois pour celle du 2 novembre au 30 novembre 1990 ; qu'ont ensuite été établis, pour Mme ..., deux contrats à durée déterminée, l'un pour la période du 3 décembre au 28 décembre 1990, l'autre pour celle du 2 janvier au 11 janvier 1991, et, pour M. ..., trois contrats de même nature, le premier pour la période du 3 décembre au 28 décembre 1990, le deuxième pour celle du 2 janvier au 11 janvier 1991, et le troisième pour celle du 14 janvier au 25 janvier 1991 ; que, cependant, ces documents n'ont été signés ni par l'un ni par l'autre ; que, les 6 et 14 mars 1991, ils ont saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société MPM fait grief aux arrêts d'avoir décidé que, à compter du 3 décembre 1990, Mme ... et M. ... étaient titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée et, fixant au 12 mars 1991 pour la première, et au 1er mars 1991 pour le second, la date de rupture du contrat, d'avoir condamné l'employeur à verser aux intéressés diverses sommes à titre de préavis, de congés payés et de dommages-intérêts pour rupture abusive, alors, selon le premier moyen, que les articles L 122-1-2, troisième paragraphe, et L 122-3-11, second alinéa, du Code du travail prévoient expressément l'applicabilité des règles relatives au non-renouvellement de contrat à durée déterminée, qu'ils énoncent respectivement en leur premier paragraphe et premier alinéa, pour les activités visées à l'article L 121-1-13, dont la liste est fixée par décret et figure à l'article D 121-2 de ce même Code ; qu'en l'espèce l'arrêt a relevé que l'emploi de télé-enquêteur occupé par les salariés de la société MPM était au nombre des activités énumérées par l'article D 121-2 précité ; qu'ainsi la cour d'appel, en décidant que Mme ... et M. ... étaient devenus titulaires d'un contrat à durée indéterminée consécutivement au troisième ou au deuxième renouvellement de leur contrat à durée déterminée, intervenu le 3 décembre 1990, a violé ensemble les articles L 122-1-2, troisième paragraphe, et L 122-3-11, second alinéa, du Code du travail ; et alors, selon le second moyen, que, dans ses conclusions d'appel, la société faisait valoir qu'il résultait clairement des lettres qui lui avaient été adressées par Mme ... et par M. ... que ceux-ci connaissaient parfaitement le terme de leurs engagements et que, dès lors, il y avait lieu d'écarter la présomption simple de requalification qu'emporte l'omission d'une mention obligatoire dans le contrat à durée déterminée ; qu'ainsi la cour d'appel, en s'abstenant de s'expliquer sur cet élément déterminant des écritures de l'employeur, a entaché ses décisions d'un défaut de réponse aux conclusions et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L 122-3-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 1990, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée ; qu'il résulte de ce texte qu'en l'absence de contrat écrit l'employeur ne peut écarter la présomption légale ainsi instituée en apportant la preuve de l'existence d'un contrat verbal conclu pour une durée déterminée ;
Et attendu qu'ayant constaté que Mme ... et M. ... avaient été maintenus dans leur emploi au-delà du 3 décembre 1990 sans avoir donné, par écrit, leur accord pour que les relations contractuelles se poursuivent dans les conditions antérieures, la cour d'appel en a exactement déduit que leur contrat de travail, conclu en méconnaissance des dispositions de l'article L 122-3-1, était, par application de l'article L 122-3-13 du même Code, réputé à durée indéterminée ; qu'elle a, par ce seul motif qui rendait inopérantes les conclusions invoquées, justifié ses décisions ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois.