Cass. soc., 29-05-1991, n° 88-40.329, Rejet



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Chambre Sociale

29 Mai 1991

Pourvoi N° 88-40.329

société à responsabilité limitée Entreprise Crobam

contre

M. Philibert ...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Entreprise Crobam, dont le siège social est rue Cavaillé, Montayral (Lot-et-Garonne), Fumel, représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 17 novembre 1987 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), au profit de M. Philibert ..., demeurant "La Colombière" Bressols, (Tarn-et-Garonne) Montech, défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 avril 1991, où étaient présents M. Saintoyant, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., ..., ..., conseillers, Mme ..., M. ..., Mlle ..., M. ..., Mme ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M le conseiller Renard-Payen, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société à responsabilité Entreprise Crobam, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 17 novembre 1987), que M. ..., engagé en qualité de chef de chantier par la société Entreprise CROBAM le 1er septembre 1982, a été licencié le 19 avril 1985 pour faute grave ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement du salarié était intervenu sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné en conséquence à verser au salarié des indemnités de préavis et de licenciement et des dommages-intérêts, alors, selon le moyen d'une part, que constitue une faute grave le fait pour un chef de chantier de refuser son affectation sur un chantier proposé par l'employeur alors surtout que de tels déplacements, entrant dans le cadre normal de la spécificité de l'activité des entreprises de travaux publics, étaient expressément prévus par le contrat de travail ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que bien qu'aux termes de son contrat, il se fût engagé à se déplacer sur tout le territoire national, ce qui le conduisait à se déplacer en permanence, M. ... s'était non seulement abstenu de se présenter sur un chantier à Saint-Malo le 2 avril 1985 malgré l'ordre de son employeur, mais qu'il ne s'était pas non plus rendu le même jour au rendez-vous qu'il avait lui-même sollicité dudit employeur à la suite de son affectation ; qu'en décidant néanmoins qu'un tel comportement ne constituait pas une faute grave et en refusant ainsi de prendre en considération le refus de déplacement catégorique et non motivé de M. ..., alors qu'un tel déplacement entrait dans le cadre de son activité spécifique de chef de chantier et de ses engagements contractuels, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient légalement, violant ainsi, par refus d'application l'article L 122-6 du Code du travail ; alors, d'autre part que, viciant son arrêt d'un flagrant défaut de motifs à cet égard et, partant, d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de réfuter les motifs déterminants des premiers juges soulignant précisément "la spécificité de l'activité des travaux publics qui nécessite un déplacement rapide" et de répondre au moyen soulevé sur ce point par la société CROBAM dans ses écritures d'appel ainsi qu'à un autre moyen pris de la gravité de la faute de refus d'obéissance caractérisé ; alors, de troisième part, qu'en affirmant qu'"en lui proposant une rencontre le trois au siège de l'entreprise, la société CROBAM faisait la preuve que la présence de M. ... sur le nouveau chantier n'était pas indispensable dès le deux" la cour d'appel a dénaturé les documents de la procédure, savoir la lettre de M. ... du 1er avril 1985 et celle de la société CROBAM du 6 avril 1985 qui établissaient que l'entretien demandé par l'employé et accordé par l'employeur devait avoir lieu le 2 avril et non le 3 ;

alors, enfin, que la cour d'appel s'est contredite dans les motifs successifs de son arrêt à cet égard ayant énoncé que l'entretien était proposé pour le 2 avril et ayant situé le même entretien au 3 avril dans le motif suivant de son arrêt, privant ainsi sa décision de base légale ;

Mais attendu que, répondant aux conclusions, la cour d'appel, a relevé que M. ..., qui n'avait jamais quitté la même région depuis son embauche, s'était vu enjoindre par télégramme de se trouver le lendemain à l'autre extrémité du territoire, sans que l'employeur ait justifié avoir été contraint d'agir avec une telle précipitation ; que, peu important l'erreur matérielle commise par l'arrêt en ce qui concerne la date proposée par l'employeur à M. ... pour la rencontre au siège de l'entreprise, elle a ainsi pu juger que le salarié n'avait pas commis une faute grave ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi ;

! Condamne la société à responsabilité Entreprise Crobam, envers M. ..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M le président en son audience publique du vingt neuf mai mil neuf cent quatre vingt onze.