Cass. crim., 26-03-1991, n° 89-85909, publié au bulletin, Rejet



Cour de Cassation

Chambre criminelle

Audience publique du 26 Mars 1991

Rejet

N° de pourvoi 89-85.909

Président M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction

Demandeur Lesc ur (Guy)

Rapporteur Mme ...

Avocat général M. Robert

Avocats M. Roger, ... ... ..., Georges et Thouvenin

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REJET du pourvoi formé par Lesc ur Guy, contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 4 octobre 1989 qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, l'a condamné à une amende d'un montant de 2 000 francs ainsi qu'à des réparations civiles.

LA COUR,.

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 4 du Code pénal, L 436-6 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale

" en ce que l'arrêt attaqué a retenu Lesc ur dans les liens de la prévention du chef du délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise de la SA Presse du Sud-Est ;

" aux motifs que si le commissaire aux comptes a pour mission de contrôler la régularité et la sincérité des comptes, l'expert-comptable a pour mission d'éclairer le comité d'entreprise, de l'aider à comprendre les comptes et à apprécier la situation de l'entreprise ; qu'en effet, selon l'article L 434-6 du Code du travail, " sa mission porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise " ; que selon ce même texte l'expert " pour opérer toute vérification ou contrôle qui entre dans l'exercice de ces missions a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes " ; qu'il dispose donc d'un véritable droit de communication ; que l'article 229, alinéa 3, de la loi du 24 juillet 1966 précise que les " investigations " reconnues au commissaire aux comptes peuvent être faites tant auprès de la société que des sociétés mères ou filiales au sens de l'article 354 " ; qu'il se déduit donc de la combinaison de ces deux textes que l'expert du comité d'entreprise peut, si cela s'avère nécessaire, réclamer la communication des comptes de la société mère ; qu'il est de surcroît évident que, dans l'hypothèse, comme en l'espèce, d'une filiale étroitement liée économiquement à la société mère, l'appréciation de la situation de la première ne peut pleinement s'appréhender qu'au travers, notamment, d'une analyse des comptes de la seconde ;

" alors que les lois pénales sont d'interprétation stricte ; que la Cour a violé l'article L 434-6 du Code du travail dans la mesure où les dispositions de cet article s'entendent des seuls documents de l'entreprise dont les comptes sont soumis à l'examen de l'expert-comptable ; que ce terme conduit à conditionner le renvoi fait à l'article 229 de la loi du 24 juillet 1966 à son premier alinéa ; qu'ainsi l'expert ne saurait étendre ses investigations auprès de la société mère ;

" alors d'autre part que la Cour, en se bornant à énoncer " qu'il est évident que dans l'hypothèse, comme en l'espèce, d'une filiale étroitement liée économiquement à la société mère, l'appréciation de la situation de la première ne peut pleinement s'appréhender qu'au travers, notamment, d'une analyse des comptes de la seconde ", n'a pas, par ce motif général et hypothétique, caractérisé la nécessité de la mesure sollicitée par le comité central d'entreprise, et, partant, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des textes visés au moyen " ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Guy ... ur, président du directoire de la société anonyme Dauphiné Libéré et de sa filiale, la société anonyme Presse du Sud-Est (PSE), a été poursuivi devant la juridiction répressive à la requête du comité d'entreprise de cette dernière société, sur le fondement de l'article L 483-1 du Code du travail pour avoir, le 18 mai 1988, refusé de communiquer les comptes annuels de la société Dauphiné Libéré pour l'année 1987 à l'expert-comptable commis, dans les conditions prévues par l'article L 434-6 dudit Code, par la société PSE, aux fins d'assistance dans l'examen des comptes annuels 1987 et des documents prévisionnels pour l'année 1988 ;

Attendu que pour dire la prévention établie et écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait pour sa défense que l'expert-comptable choisi par le comité d'entreprise de PSE ne pouvait exiger la communication des comptes de la société mère Dauphiné Libéré, dès lors que l'article L. 434-6 du Code du travail ne visait que les documents de l'entreprise elle-même, la cour d'appel, confirmant le jugement entrepris, relève tout d'abord que la mission de l'expert-comptable porte, selon l'article L 434-6 précité, sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et que, toujours selon le même article, pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l'exercice de ces missions, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes ; que la cour d'appel ajoute qu'il ressort aussi de l'article 229, alinéa 3, de la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales que les investigations du commissaire aux comptes peuvent être faites tant auprès des sociétés elles-mêmes que des sociétés mères ou des filiales, et qu'il se déduit de la combinaison des deux textes que l'expert du comité d'entreprise peut, si cela s'avère nécessaire, réclamer la communication des comptes à la société mère ; que les juges du fond énoncent encore qu'en l'espèce, la situation de la société PSE, dont les résultats financiers étaient systématiquement déficitaires et qui réalisait 75 % de son chiffre d'affaires avec la SA Dauphiné Libéré, ne pouvait s'apprécier pleinement qu'au travers, notamment, d'une analyse des comptes de cette dernière société, qui possédait plus de 99 % du capital social de sa filiale, et que l'expert-comptable, auquel les textes en vigueur donnaient toute liberté de choisir les pièces lui étant nécessaires, avait besoin des documents demandés pour l'exercice de sa mission ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués par le demandeur ; qu'en effet, la mission de l'expert-comptable, dont le comité d'entreprise peut se faire assister en vue de l'examen annuel des comptes, porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et que, pour opérer toute vérification ou tout contrôle à cette fin, l'expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes et peut se faire communiquer les pièces utiles à l'exercice de sa mission ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi